Mise en valeur du square Viger

Photos : NIPPAYSAGE

Le square Viger s’apprête à retrouver ses lettres de noblesse grâce à un réaménagement complet conçu par les architectes paysagistes NIPPAYSAGE.

Une première phase d’intervention touchant les deux îlots à l’ouest, et faisant partie des legs du 375e anniversaire de la Ville de Montréal, débutera au printemps 2017. Les deux îlots à l’est seront le sujet de la phase subséquente, complétant ainsi la mise en valeur de ce tout premier square montréalais, hors des fortifications de la vieille ville.

Contexte historique

Le square Viger, localisé à l’intérieur du quadrilatère formé par les rues Guy-Frégault à l’ouest et Saint-André à l’est, et par l’avenue Viger au nord et la rue Saint-Antoine au sud, est le premier grand square public aménagé à Montréal et détenait, au 19e siècle, le titre du plus grand square du Canada. Conçu selon la tradition des jardins publics, le square Viger était prestigieux, vivant et apprécié des Montréalais.

Le déplacement vers le nord des grandes familles francophones dans les années 1920 a doucement entamé la désertification et le déclin général du secteur, qui se sont accrus avec la crise économique de 1929. Puis, la construction du tunnel du métro et du tunnel de l’autoroute Ville-Marie sous les îlots du square Viger, entre 1963 et 1984, a mené à la démolition puis à la reconstruction du square. Malgré la collaboration de trois artistes au cœur des mouvements modernistes canadien et québécois, Charles Daudelin, Claude Théberge et Peter Gnass, le square n’a jamais pu retrouver la fonctionnalité urbaine que devrait avoir cet espace public situé au seuil du Vieux-Montréal.

« L’ensemble propre aux idéologies d’aménagement de l’époque, dont le caractère autoroutier des voies qui entourent le square, la stratégie d’aménagement qui visait l’isolement des îlots par des murets bétonnés, la quantité d’espaces reclus et le manque d’ouverture, de lumière et de surveillance naturelles, en plus d’un manque d’animation et de programmation, ont inévitablement contribué à son abandon puis à l’occupation d’une population marginalisée » raconte Michel Langevin, architecte paysagiste et associé chez NIPPAYSAGE.

Contexte urbain et architectural

Le square Viger demeure un ensemble urbain majeur qui se distingue par la présence de bâtiments civiques et résidentiels, dont certains sont très prestigieux et conçus par des architectes de renom. Le square est bordé au nord par le bâtiment de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, ancienne école des Hautes Études Commerciales, et au sud par l’ancienne gare-hôtel Viger, édifiée en 1898 par Bruce Price, l’architecte du Château Frontenac de Québec.

La revitalisation du secteur contribuera largement à la réappropriation des lieux avec notamment le futur développement de la gare-hôtel Viger qui prévoit des nouveaux espaces commerciaux et de bureau, ainsi que l’ouverture imminente du nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

« Notre mandat est d’offrir à cette nouvelle diversité d’usagers un concept d’aménagement réactualisé et créatif, tout en valorisant le patrimoine bâti et la marque qu’ont légués les artistes dans les années 1980 », explique Michel Langevin.

Convivialité et inclusion

La vision intégrée du futur square Viger implique la convivialité afin de créer un environnement harmonieux favorisant l’atténuation des nuisances ayant précipité le déclin de son aménagement; l’inclusion conférée par le souci constant de créer un lieu de tous les publics dont la programmation offre la souplesse requise pour générer une grande variété d’usages; l’ancrage dans le milieu d’insertion afin que l’espace s’intègre parfaitement à la trame urbaine; et enfin, la commémoration afin de restaurer son caractère emblématique.

À la suite de la consultation, la concertation et la mobilisation de nombreuses parties prenantes, les principes d’aménagement établis par l’équipe de NIPPAYSAGE, de concert avec les professionnels du Service des grands parcs, du verdissement et du Mont-Royal de la Ville de Montréal, sont variés : figure unique et identitaire pour l’ensemble du square, ouverture physique et visuelle, concentration de la programmation sur un axe longitudinal, couvert végétal généreux optimisé selon les contraintes de l’autoroute souterraine, mise en valeur du patrimoine bâti et artistique, réduction de l’emprise véhiculaire pour la valorisation du piéton et gestion écologique des eaux de pluie.

La mise en valeur du square Viger a aussi été l’occasion de revoir et de modifier véritablement la géométrie des rues adjacentes au bénéfice des piétons et des cyclistes. L’offre de stationnement sera revue à la baisse sur les rues perpendiculaires et la réduction optimale, mais fonctionnelle, des voies est-ouest permettra des accès sécuritaires au square Viger en plus de diminuer le caractère autoroutier de ces voies.

Paysage hybride

Afin d’accueillir une grande diversité d’usagers, le square Viger proposera un paysage hybride incluant un amalgame de concepts paysagers : square, place publique, parc, jardin et art public.

Une programmation événementielle variée et des aires de services, tels qu’un café-terrasse, des toilettes publiques et un espace faisant la promotion du vélo en collaboration avec BIXI Montréal, en bordure de la piste cyclable existante de la rue Berri, permettront aux usagers du square de profiter pleinement du lieu, dans un cadre agrémenté par la présence accrue d’arbres et de verdure. Spectacles, festivals et activités en tout genre pourront prendre place au square Viger.

Le café-terrasse, situé à l’îlot Daudelin et conçu par les architectes Provencher_Roy, animera vivement la place publique, s’harmonisant au cadre paysager et aux œuvres d’art public. « Le pavillon est un volume fusionnel de trois cubes de verre et d’acier, qui s’intègre et s’impose, dans une composition déjà présente de l’artiste Charles Daudelin, par un jeu de transparence et d’une distinctive silhouette acérée », détaille Claude Provencher, architecte associé chez Provencher_Roy.

Petits et grands profiteront de la fontaine interactive, des tables de ping-pong, des exerciseurs, du skatepark, du terrain multisport et celui de pétanque. Durant la saison hivernale, les possibilités sont nombreuses : le square pourra être animé par des patinoires, un marché de Noël, une pente pour glissade, une terrasse chauffée ainsi qu’un éclairage d’ambiance et festif.

Animation de l’axe et végétalisation

L’autoroute souterraine a guidé les architectes-paysagistes à tracer un axe central d’ouest en est, servant de place publique, de promenade et de fil unificateur entre les quatre îlots. La grande échelle urbaine est formée par l’alignement de bancs surdimensionnés et de mâts d’éclairage, d’une mise en scène des œuvres d’art et d’une circulation libre, indirecte et aléatoire.

L’axe aménagé sera ponctué d’une série d’objets ludiques et surprenants : surfaces et mobilier ponctuels au langage identitaire ainsi que des jardins présentant un mélange insolite d’essences végétales inattendues et sculpturales. Ces îlots d’expérimentations végétales contribueront ainsi au caractère unique de l’espace.

La majorité des surfaces végétalisées, représentant la moitié de la superficie totale du square, seront disposées de part et d’autre de l’axe. Elles profitent ainsi des espaces libres de contraintes souterraines où les ressources de terre sont disponibles pour le développement optimal de différentes espèces d’arbres à grand déploiement et la performance d’une gestion écologique des eaux de pluie, conçue en collaboration avec les ingénieurs Consultants S.M. inc.

Mise en valeur de l’art public

Un important travail de mise en valeur de l’art public est au cœur même du projet d’aménagement du square Viger.

À l’îlot Chénier, l’œuvre du sculpteur américain d’origine allemande Alphonso Pelzer, conçue en 1895 à la mémoire de Jean-Olivier Chénier, médecin et patriote mort en 1837 lors de la bataille de Saint-Eustache, sera restaurée et repositionnée au centre de l’îlot.

À l’îlot Daudelin, le projet propose la mise en valeur de l’œuvre Agora, incluant la sculpture-fontaine Mastodo de Charles Daudelin. La remise en fonction partielle de Mastodo, dans une position fixe, et son repositionnement, dans une mise en scène conçue autour de jeux d’eau, participera, comme prévu au départ par l’artiste, à animer et à piquer la curiosité des usagers par la notion de temps invitant à une expérience énigmatique où se succèdent l’attente et la surprise.

Les pergolas de béton, sujet de nombreuses discussions avec les parties prenantes, seront conservées au nombre de 18 sur 22 existantes. La préservation de ces pergolas, conçues aussi par Charles Daudelin, dont les toitures seront éliminées, permettra à la fois d’ouvrir l’espace tout en conservant son authenticité artistique. Ce juste équilibre donnera une seconde vie aux pergolas remises en état, en allant de pair dans un contexte où le verdissement, le développement durable, le dégagement et la sécurité sont mis de l’avant.

L’œuvre Forces de Claude Théberge, une fontaine-sculpture de béton située sur l’îlot Théberge, sera reconstruite à son emplacement actuel, actualisée pour corriger des lacunes de construction et mise en valeur par une nouvelle mise en lumière. Pour sa part, l’œuvre Fontaine de Peter Gnass, située sur l’îlot Gnass, aura droit à une réinterprétation contemporaine de l’œuvre originale.

Mise en lumière

L’intention du concept d’éclairage, conçu par Lightemotion, est de mettre en scène les différents éléments construits du square tout en respectant la nature végétale du lieu. L’éclairage se veut bien évidemment sécuritaire, mais parfois dramatique, parfois vibrant, parfois animé.

« Tel qu’au théâtre, les appareils d’éclairage ne sont pas des éléments décoratifs. À l’inverse, l’utilisation de plusieurs projecteurs montés sur de longs fûts discrets sur l’axe principal vise plutôt à faire disparaître la mécanique et permettre une certaine flexibilité en terme d’illumination. Le but de l’éclairage du grand axe est de mettre en scène les différents éléments programmatiques », explique François Roupinian, président et directeur design de Lightemotion.

La vision intégrée, imaginée par NIPPAYSAGE et ses collaborateurs propose ainsi la mise en valeur du square Viger par un réaménagement convivial et inclusif, ancré dans sa richesse historique et dans son patrimoine bâti, artistique et paysager.

Fiche technique

Nom du projet : Mise en valeur du square Viger
Client : Ville de Montréal – Service des grands parcs, du verdissement et du Mont-Royal
Réalisation : Phase I : 2017-2018. Phase II : 2018-2020
État actuel : Plan d’aménagement – plans et devis, phase 1
Programme : Place publique, parc, jardin, pavillon de parc, fontaines
Superficie : ± 34 500 m² (plan d’ensemble) et 15 200 m² (phase 1)
Disciplines : Architecture de paysage, design urbain, architecture, éclairage, et génie
Architecture de paysage et design urbain : NIPPAYSAGE
Architectes-paysagistes et associés en charge du projet : Michel Langevin et Mathieu Casavant
Architecture et design urbain : Provencher_Roy
Éclairage : Lightemotion
Génie civil, électrique, structural, mécanique et mécanique de fontaine : Les Consultants S.M. inc. et Les Services exp inc.
Génie forestier : Nadeau Foresterie Urbaine inc.
Restauration d’œuvres d’art : NCK inc. et Lafontaine & Soucy architectes
Spécialiste en patrimoine : Brodeur Consultants
Irrigation : Hydralis Consultants
Technologie de l’information : Akufen et Partenariat Quartier des spectacles
Mise en valeur du chantier : Bureau Principal et Montréal en Histoires
Maquette : Atelier Dédale
Vidéo : GMV3D – Musique : Kids at Play

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