La prescription extinctive: deux régimes, deux délais

L’administrateur du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a rejeté la réclamation d’un de vos clients sur la base que la couverture de garantie pour vice caché est expirée et vous venez tout juste de recevoir une demande aux petites créances provenant du même client quant au même problème. Une contestation facile selon vous… C’est dans la poche, non ? Pas nécessairement !

La plupart du temps, les entrepreneurs sont surpris de constater qu’ils peuvent être tenus responsables d’une problématique visant un bâtiment résidentiel qu’ils ont construit il y a déjà plusieurs années, alors que les garanties du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sont quant à elles déjà échues.

Pourtant, il s’agit du même vice qui affecte le même bâtiment. Pourquoi devrait-on effectuer les correctifs requis selon l’un et pas selon l’autre ?

Évidemment, poser cette question démontre une méconnaissance des régimes juridiques distincts que constituent le Code civil du Québec et le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

Sans faire une analyse exhaustive des différences entre les deux régimes, attardons-nous à la question de la prescription extinctive pour les vices et déficiences qui diffère, source de bien des conflits et surtout, de grandes déceptions1.

Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

C’est à l’article 102 que le Règlement édicte les délais maximaux de découverte de la problématique pour qu’elle soit admissible à une couverture de garantie3, lesquels diffèrent selon le type de vices ou de déficiences dont le bâtiment est atteint :

Parachèvement des travaux, les vices et malfaçons apparents : 3 jours qui suivent la réception
Malfaçons existantes et non apparentes : 1 an suivant la réception
Vices cachés : 3 ans suivant la réception
Vices de conception, de construction ou de réalisation et vices du sol : 5 ans suivant la fin des travaux.

C’est donc dire qu’une problématique, par exemple un vice caché, découverte quatre ans suivant la réception du bâtiment ne pourra plus bénéficier d’une couverture de garantie puisque celle-ci serait échue. On pourrait alors prétendre que la réclamation pour vice caché dans la quatrième année de la réception du bâtiment résidentiel n’est pas recevable en vertu du Règlement.

Code civil du Québec

C’est l’article 2925 du Code civil du Québec qui établit le délai de prescription extinctive pour la majorité des réclamations :

2925. L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

Bref, une personne qui souhaite entreprendre un recours en vertu du Code civil du Québec doit s’adresser aux tribunaux civils dans les trois ans suivant la connaissance de la problématique. À défaut, son recours sera prescrit, donc éteint.

Par exemple, quelqu’un qui découvre un vice caché sur son bâtiment résidentiel qui souhaite entreprendre un recours basé sur la garantie de qualité contre son vendeur4 devra judiciariser son dossier dans les trois ans suivant la connaissance de la problématique. Il lui est donc possible de formuler une demande en justice peu importe le nombre d’années passées avant qu’il ne découvre cette problématique puisque la garantie de qualité d’un bien est d’une durée limitée, laquelle correspond à la durée de vie normalement anticipée du bien.

En d’autres termes, il faut retenir que le législateur a fait le choix de différencier les délais de prescription des deux régimes juridiques en fonction de la date de départ du calcul de ces délais : en matière civile, on retiendra que la prescription se calcule selon la date de connaissance de la situation tandis qu’en vertu du Règlement, celle-ci se calcule selon de la date de réception du bâtiment5.

Saviez-vous que ?
Toute disposition d'un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est nulle.


Ici, il ne sera question que de la prescription extinctive à proprement parler et non du délai de dénonciation, lequel a déjà fait état d’une chronique du même auteur sur le sujet.
Pour les copropriétés, se référer à l’article 27 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
Le bénéficiaire étant tenu de dénoncer conformément aux exigences du Règlement.
C’est l’article 1726 du Code civil du Québec qui établit l’existence d’une garantie de qualité.
5 De la date de fin des travaux pour ce qui est des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol.

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