Les conséquences économiques de la grève de la construction

Jean-Philippe Cliche
Jean-Philippe Cliche
Chroniqueur Actualités

Ne vit certainement pas au Québec la personne qui n’est pas au courant qu’il y a eu une grève dans l’industrie de la construction entre le 24 et le 30 mai 2017 inclusivement. Cette grève, une deuxième en quatre ans, a eu des répercussions économiques importantes pour la province, et aura des conséquences directes sur le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre.

En 2013, la grève dans l’industrie de la construction avait duré 6 jours dans le secteur résidentiel et le secteur du génie civil et de la voirie, et 10 jours dans le secteur institutionnel-commercial et le secteur industriel. Selon l’Institut de la statistique du Québec, la grève a eu un impact négatif de 1,1 % sur le PIB réel du Québec au mois de juin 2013. Cela équivaut à environ 333 M$ selon notre estimation.

À l’époque, le gouverneur de la Banque du Canada avait même indiqué que la grève de l’industrie de la construction au Québec aurait des impacts considérables sur l’économie canadienne. Il mentionnait que « comme l’industrie québécoise de la construction représente environ 1,4 % de l’économie canadienne, la Banque juge important l’effet de la grève sur l’activité économique. »

Dans son analyse d’impact réglementaire, une étape obligatoire avant l’adoption de la loi spéciale qui a mis fin à la récente grève, le gouvernement a chiffré les pertes économiques reliées à l’arrêt des travaux. Selon les estimations de la Direction de la recherche et de l’innovation en milieu de travail du gouvernement du Québec, 44,8 M$ auraient été perdus à chaque jour de grève, soit 27,8 M$ en pertes de salaires, 2,6 M$ en pertes de profits des entreprises de construction et 14,4 M$ en coûts indirects aux fournisseurs des entreprises en arrêt de travail. Si l’on considère que la grève a duré 5 jours ouvrables, on peut conclure qu’elle a coûté 224 M$, dont 139 M$ ont été perdus par les salariés, 13 M$ par les employeurs, et 72 M$ par les fournisseurs.

Le tableau plus bas illustre les pertes quotidiennes par secteur de la construction, incluant les pertes subies par les fournisseurs.

Coûts d'une journée de grève en construction

SecteursMasse Salariale
(en milliers de dollars)
Profits
(en milliers de dollars)
Total des effets directs et indirects
(en milliers de dollars)
Institutionnel-commercial 22 260 2 071 24 331
Industriel 2 839 264 3 103
Génie civil et voirie 8 169 792 8 961
Résidentiel 7 707 742 8 449
TOTAL 40 975 3 869 44 844

Soucre : Analyse d'impact règlementaire, Direction de la recherche et de l'innovation en milieu de travail, 29 mai 2017

Avec 54,2 % des pertes quotidiennes totales, on peut conclure que les impacts se sont fait sentir principalement dans le secteur institutionnel-commercial, alors que le génie civil et la voirie (20 %), le secteur résidentiel (18,9 %) et le secteur industriel (6,9 %) ferment la marche.

Il reste maintenant à savoir si le jeu en valait réellement la chandelle pour les salariés de la construction. Si l’Alliance syndicale qui les représente avait accepté de négocier les demandes patronales proposées par l’ACQ, demandes apportant de la flexibilité au chapitre des horaires, entre autres, en instaurant la semaine de quatre jours, les salariés n’auraient pas subi une perte de salaire se chiffrant à 139 M$. De plus, selon nos calculs, les salariés se seraient enrichis en effectuant davantage d’heures à temps supplémentaire.

LE SAVIEZ-VOUS ?
La masse salariale totale en construction ayant été de 5,913 G$ en 2016, nous pouvons estimer que l’augmentation de salaire de 1,8 % que le gouvernement a décrété dans sa loi spéciale coûtera 106,44 M$ en salaire aux entrepreneurs entre le 31 mai 2017 et le 30 avril 2018.

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