L’ACQ remporte une première victoire dans l’épineux dossier des heures supplémentaires

Marc-Antoine Paquette
Marc-Antoine Paquette
Chroniqueur Relations du travail

La décision tant attendue concernant la rémunération des heures supplémentaires et la majoration des indemnités de frais de déplacement a été rendue le 24 septembre dernier par le président du Conseil d’arbitrage de différend, Me François Hamelin. Le rôle de l’arbitre est de déterminer quelle aurait été l’entente entre les parties si celles-ci s’étaient comportées en personnes raisonnables et bien informées au moment de la négociation.

Heures supplémentaires

Concernant le taux de rémunération des heures supplémentaires, il s’agissait d’un enjeu patronal essentiel et visait l’introduction du taux et demi dans les conventions collectives des secteurs IC/I. L’ACQ demandait le taux et demi pour les cinq premières heures supplémentaires, alors que la partie syndicale revendiquait le statu quo.

L’arbitre a retenu tout d’abord que la rémunération à taux double dès la première heure supplémentaire constitue une exception à ce qui se fait dans toutes les autres industries au Québec et au Canada. Il a ensuite ajouté que les conditions de travail déjà très généreuses des travailleurs de la construction ne justifiaient en aucun cas que la rémunération des heures supplémentaires à taux double dès la première heure soit considérée comme une compensation à des conditions de travail désavantageuses pour les employés. Il a conclu que dans ce contexte, il est légitime pour les entrepreneurs de vouloir que les conditions de travail de leur main-d’œuvre soient les plus cohérentes possible avec celles de la société dans laquelle ils évoluent. Il a donc jugé que les conventions collectives des secteurs IC/I devraient comporter un passage par le taux et demi. Mentionnons que l’arbitre n’a retenu aucune des prétentions syndicales justifiant la rémunération des heures supplémentaires à taux double dès la première heure.

L’arbitre a ensuite fait l’analyse suivante : le taux et demi a déjà existé dans les conventions collectives IC/I. Toutefois, de 1974 à 1990, le nombre d’heures à taux et demi est passé de quatre à zéro. Il a également ajouté que de 1990 à 2010, la partie patronale n’a fait aucune revendication à ce sujet. Considérant ce fait, l’arbitre a décidé de ne pas changer radicalement une situation qui a évolué très lentement en faveur des syndiqués au cours des quatre dernières décennies. Il a convenu que la demande était légitime et a accordé une heure supplémentaire par semaine rémunérée à taux et demi.

Indemnités de frais de déplacement

Pour ce qui est de la majoration des frais de déplacement, il est important de rappeler que la partie patronale avait réussi à négocier une augmentation de la distance à parcourir avant le début du paiement de l’indemnité, passant d’une distance de 60 km à 65 km entre le domicile du salarié et le chantier, et ce, sur l’ensemble du territoire de la province. En contrepartie, l’ACQ offrait une majoration de l’indemnité de frais de déplacement équivalente à 6 % pour la première année et 3 % pour les années subséquentes. Fait à noter, toutes les propositions de majorations déposées par la partie patronale lors de la négociation l’ont été en dollars et non en pourcentage. Pour sa part, l’Alliance syndicale demandait une majoration des indemnités de frais de déplacement de 6 % par année.

Que s’est-il passé ? Après de longues discussions, le 8 juillet 2014, la partie syndicale a signé une entente de principe avec la partie patronale dans laquelle on retrouvait notamment une proposition pour la majoration des frais de déplacement en dollars. Ce n’est que quelques jours plus tard que l’Alliance syndicale est revenue sur son engagement et a brisé l’entente puisqu’elle ne concordait pas avec sa demande de 6 % par année.

Devant l’arbitre, la partie syndicale a réaffirmé que l’entente conclue dans la nuit du 8 juillet était de 6 % par année. De son côté, l’ACQ maintenait avoir soumis des augmentations en dollars et que c’était la responsabilité de l’Alliance d’effectuer les calculs. En aucun temps, les négociateurs patronaux n’avaient parlé de pourcentage. Finalement, l’arbitre a rejeté la version syndicale et a retenu que la version patronale était plus crédible et cohérente. Il a donc conclu que la majoration des indemnités de frais de déplacement devait être celle convenue entre les parties le 8 juillet 2014, soit celle prévue actuellement dans les conventions collectives.

Enfin, l'arbitre prévoit une période de 60 jours pour l'entrée en vigueur de cette décision. Ainsi, les parties patronale et syndicale ont 60 jours pour s'entendre sur une date d'entrée en vigueur, à défaut de quoi, la décision sera effective le 23 novembre 2016.

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