Les contrats des organismes municipaux : la suite tant attendue

Audrey-Anne Guay‏, avocate
Audrey-Anne Guay‏, avocate
Chroniqueur Juridique

Chose promise, chose due ! Voici la deuxième chronique juridique sur l’art de contracter avec les organismes municipaux et la maîtrise des particularités qui en découlent.

Lors de la dernière parution de Construire, nous vous avons présenté la clause de réserve souvent mentionnée dans les documents d’appels d’offres et utilisée par les organismes municipaux. La clause est la suivante : « La municipalité ne s’engage à accepter ni la plus basse, ni aucune des soumissions. » Celle-ci permet aux municipalités d’annuler l’appel d’offres, de rejeter les soumissions reçues et de recommencer le processus avec une nouvelle demande de soumissions.

Il arrive parfois que la municipalité décide plutôt d’exécuter ou de faire exécuter les travaux elle-même. Cette situation semble se produire plus fréquemment ces derniers temps et peut soulever certains questionnements chez les entrepreneurs, notamment le suivant : une municipalité doit-elle détenir une licence pour exécuter les travaux elle-même ?

Selon la Loi sur le Bâtiment, une personne qui, pour son propre compte, exécute ou fait exécuter des travaux de construction est définie comme un constructeur-propriétaire. Les municipalités, étant des personnes morales de droit public, répondent à cette définition. Selon l’article 48 de cette même loi, « nul ne peut exercer les fonctions de constructeur-propriétaire ni donner lieu de croire qu’il est constructeur propriétaire s’il n’est titulaire d’une licence en vigueur à cette fin. » Il y a toutefois des exceptions applicables aux municipalités. En effet, la licence n’est pas nécessaire si la municipalité locale, la municipalité régionale de comté ou la communauté métropolitaine fait exécuter par ses salariés les travaux suivants :

  • de construction de canalisation d’eau ou d’égouts
  • de construction de trottoirs
  • des travaux de pavage
  • et les autres travaux de même nature

C’est ce qui est communément appelé faire les travaux en régie.

Cette exception ne comprend toutefois pas la construction de bâtiments ni d’ouvrages de génie civil comme les gazoducs, les aéroports, les centrales d’énergie, etc. Pour la réalisation de ce type de travaux, la municipalité devrait donc être détentrice d’une licence. La municipalité prend alors le rôle de l’entrepreneur général. Elle pourra octroyer différents contrats à des sous-traitants pour la réalisation de travaux spécialisés.

Il faut également savoir que selon l’article 49 de la Loi sur le bâtiment, la licence de constructeur-propriétaire n’est pas nécessaire si l’organisme municipal octroie un contrat à un entrepreneur licencié si la principale activité de celui-ci est l’organisation ou la coordination des travaux de construction dont l’exécution est confiée à d’autres entrepreneurs.

Plusieurs municipalités du Québec sont détentrices d’une licence de la Régie du bâtiment. Vous pouvez consulter la liste sur le répertoire en ligne¹.

La possibilité pour un organisme municipal d’agir comme entrepreneur général ne doit toutefois pas devenir un moyen détourné pour fractionner les contrats.

« Une municipalité ne peut diviser en plusieurs contrats en semblable matière, sauf si cette division est justifiée par des motifs de saine administration, un contrat d'assurance ou un contrat pour l'exécution de travaux, la fourniture de matériel ou de matériaux […]² »

Les tribunaux ont reconnu le droit à la municipalité, dans la décision Leblanc c. Leblanc³, d’octroyer plusieurs petits contrats selon les différents corps de métiers, dans la mesure où la municipalité agit de bonne foi, pour des raisons de saine administration et dans l’intérêt de la municipalité. L’organisme municipal doit toutefois veiller au respect des règles d’adjudication des contrats et des seuils d’appels d’offres publics applicables.

Si vous avez des interrogations à ce sujet, nous vous rappelons que le personnel de la Direction des affaires juridiques et gouvernementales de l’ACQ est disponible pour répondre à ses membres au 514 354-0609 ou au 1 888 868-3424.

Saviez-vous que…
Quiconque contracte avec une municipalité doit s’assurer qu’elle agit dans les limites de ses pouvoirs et qu’elle respecte les lois qui s’appliquent à elle. Autrement, si le contrat est déclaré nul, il est réputé n’avoir jamais existé. La municipalité ne sera alors pas liée envers quiconque et n’aura donc pas à payer pour les services et les travaux déjà effectués par l’entrepreneur4.

¹ Registre des détenteurs de licence de la Régie du bâtiment du Québec
² Article 573.0.3 de la Loi sur les cités et villes (et 938.0.3 du Code municipal)
³ J.E. 92-1234 (C.A.)
(4) Beaudry c. Cité de Beauharnois [1962] B.R. 738

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