La notion de « neuf » dans le bâtiment : pas simple à définir

François-Olivier Godin, avocat, Bélanger Paradis avocats
François-Olivier Godin, avocat, Bélanger Paradis avocats
Chroniqueur Juridique

L’assujettissement d’un bâtiment résidentiel au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dépend de plusieurs critères1. Certains de ces critères concernent le bâtiment en tant que tel2 alors que d’autres concernent l’acquéreur3. Le Règlement va même jusqu’à prévoir que l’assujettissement est conditionnel à ce que le bâtiment soit destiné à des fins principalement résidentielles. À tous ces critères s’en ajoute un qui paraît évident : le bâtiment doit être « neuf ». Pourtant, bien que l’insistance soit mise sur le terme « neuf » à même le titre de la législation, on ne retrouve pas de définition du terme au Règlement. Qu’en est-il exactement ? Qu’est-ce qui est considéré comme un bâtiment résidentiel neuf ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, le Règlement ne définit pas le terme « neuf », pas plus que la Loi sur le bâtiment. Faute de définition, il faut se rabattre sur la doctrine. À ce sujet, dès l’entrée en vigueur des premières moutures du Règlement, les auteurs Doyon et Crochetière4 étaient d’opinion que malgré qu’aucune définition ne soit précisée, le terme devait s’interpréter dans son sens usuel bien qu’il doive aussi être interprété de manière exhaustive. En d’autres mots, les bâtiments restaurés (une usine transformée en copropriété, par exemple) ou modifiés (auxquels on ajouterait une annexe) ne sont pas « neufs » au sens du Règlement et ne lui sont donc pas assujettis puisque la restauration et la modification d’un bâtiment se distinguent de la construction d’un bâtiment neuf.

Autre indice pour en découvrir le sens, au mois de septembre 2017, l’information disponible sur le site Internet de la Régie du bâtiment du Québec indique que « le plan de garantie obligatoire s'applique uniquement aux bâtiments complètement neufs5

Or, bien que cela puisse paraître simple, le Tribunal administratif du travail6 a tout de même dû se pencher, dans un récent dossier, sur une question découlant du caractère neuf d’un bâtiment. Dans ce dossier, l’entrepreneur soutenait que le bâtiment n’était pas « complètement neuf » puisqu’une portion de la fondation du bâtiment voisin était incorporée à la fondation du bâtiment en construction.

Ce n’est qu’à la suite de l’étude des plans et en se basant sur les témoignages d’experts que le Tribunal a pu conclure que bien que « le champ d’application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne vise d’aucune manière les travaux de modification ou de transformation afférents à un bâtiment résidentiel existant, ni les travaux qui consistent à ériger un tel ouvrage sur une fondation existante », le bâtiment en litige était assujetti au Règlement puisqu’il était conçu pour supporter sa propre charge indépendamment de la portion existante de la fondation de sorte que cette portion préexistante ne faisait pas partie de la structure du bâtiment.

En bref, aussi simple que le terme neuf puisse paraître, l’entrepreneur avisé aura tout intérêt à valider auprès des autorités compétentes si un bâtiment dont la construction est projetée est assujetti ou non au Règlement.

LE SAVIEZ-VOUS ?
Pour chaque unité d’habitation enregistrée auprès de l’administrateur, une cotisation doit être faite au Fonds de garantie. C’est la RBQ qui est gestionnaire de ce fonds. Les sommes constituant ce fonds sont détenues en fiducie par la RBQ et déposées auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Les placements autorisés sont ceux prévus dans les portefeuilles sécuritaires de la Caisse que la RBQ choisit selon une politique de placement.

1 Voir à cet effet l’article 2 du Règlement.
2 Détenu en copropriété divise ou non, le type de bâtiment en soi (unifamilial (isolé, jumelé ou en rangée), multifamilial (du duplex au quintuplex), multifamilial comprenant au plus quatre parties privatives superposées).
3 Certaines exclusions s’appliquent aux bâtiments acquis d’un syndic, d’une municipalité ou d’un prêteur hypothécaire par entrepreneur, ou encore sont exclus les bâtiments acquis par un client qui est un OSBL, une coopérative ou un office d’habitation.
4 Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE, Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 239 pages.
5 https://www.rbq.gouv.qc.ca
6 9333-9034 Québec inc. c. Commission de la construction du Québec, CM-2017-4512.

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