Précaution à prendre dans les cas de faillite imminente d’un sous-traitant

Mylène Sagala, avocate
Mylène Sagala, avocate
Chroniqueur Juridique

Est-il vrai qu'un entrepreneur général peut être tenu de payer les mêmes sommes au syndic de faillite de son sous-traitant à la CCQ et à la CSST ?

La réponse est oui ! Deux lois imposent un lourd fardeau à l’entrepreneur général qui octroie des contrats à des sous-traitants. Ces lois rendent l’entrepreneur responsable de certains paiements dû par le sous-traitant à la CCQ et à la CSST.

L’article 54 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction rend l’entrepreneur solidairement responsable du paiement des salaires des employés de ses sous-traitants. L’article 316 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles rend pour sa part l’employeur responsable du paiement de la cotisation de ses sous-traitants.

Ces dispositions doivent être interprétées comme étant une obligation de la part de l’entrepreneur général de cautionner ses sous-traitants, et l’ensemble des sous-traitants indirects, pour le paiement des salaires de ses employés et de sa cotisation auprès de la CSST.

Cela signifie qu’en cas de faillite, ou de défaut de paiement des salaires ou de la cotisation, la CCQ et la CSST pourront récupérer les sommes dues par le sous-traitant à l’entrepreneur général. Ce dernier pourra par la suite intenter un recours contre le sous-traitant afin de récupérer les sommes qu’il a dû prendre en charge.

Afin de surmonter les conséquences de ces dispositions, l’entrepreneur général et le donneur d’ouvrage peuvent exiger des lettres d’états de situation et des avis de conformité. Ces lettres attestent que l’entreprise est en conformité avec la CCQ et la CSST.

Il est donc fréquent, et il s’agit souvent d’un incontournable, d’exiger ce type de lettre avant de libérer les retenues contractuelles. Si aucune lettre n’est fournie ou qu’une lettre non favorable est fournie, l’entrepreneur aura la possibilité d’utiliser les sommes retenues pour acquitter les dettes du sous-traitant à la CCQ et à la CSST.

Mise en garde en cas de faillite du contractant ou du sous-traitant

Une attention particulière doit être portée dans les situations suivantes :

  • L’entrepreneur général ou le donneur d’ouvrage est incapable d’obtenir une lettre d’état de situation de son cocontractant
  • L’entrepreneur ou le donneur d’ouvrage reçoit une lettre de saisie en main tierce de Revenu Québec ou de l’Agence de Revenu du Canada. Cela signifie que le cocontractant a une dette à l’endroit du gouvernement fédéral ou provincial
  • L’entrepreneur général ou le donneur d’ouvrage est d’avis que son cocontractant est en mauvaise situation financière et qu’une faillite est imminente
  • Le sous-traitant a déposé un avis d’intention de déposer une proposition concordataire.

Lorsque ces situations se présentent, l’entrepreneur général ou le donneur d’ouvrage doit être très vigilant puisque les conséquences peuvent être importantes. Il est donc recommandé de payer rapidement les sommes dues à la CCQ et à la CSST puisqu’en vertu d’un jugement rendu par la Cour suprême, l’entrepreneur ou le donneur d’ouvrage pourrait avoir à payer deux fois ces sommes.

En effet, dans l’affaire D.I.M.S. Construction Inc. (Syndic de) c. Québec (Procureur général)¹ , la Cour suprême est venue préciser les éléments suivants :

  • Lorsqu’un entrepreneur général retient contractuellement des sommes, le syndic de faillite peut les réclamer
  • Même si l’entrepreneur général n’a plus de dette à l’endroit d’un sous-traitant, il est tenu de payer les sommes demandées par la CCQ et la CSST
  • Le paiement effectué par l’entrepreneur général à la CCQ et à la CSST avant que la faillite ne soit déclarée sera opposable au syndic de faillite. Ainsi, la dette de l’entrepreneur général envers le sous-traitant et le syndic est éteinte
  • Par contre, le paiement effectué à la CCQ et la CSST après que la faillite soit déclarée ne sera pas opposable au syndic. Ainsi, l’entrepreneur général devra également remettre au syndic de faillite les sommes dues au sous-traitant.

Rappelons que selon l’article 2.1 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), la faillite d’une personne ou sa mise en faillite survient :

  • Soit à la date de l’ordonnance de faillite la visant
  • Soit à la date du dépôt d’une cession de biens la visant ou
  • Le jour du fait qui rend réputée une cession de biens (ex. : jour où la proposition concordataire déposée est rejetée par les créanciers [art. 57 de la LFI]).

Lorsqu’une telle situation se présente, n’hésitez pas à communiquer avec votre conseiller en relations du travail de l’ACQ ou l’un de nos avocats afin de prévenir un paiement en double.

  1. [2005] 2 R.C.S. 564.

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