Dossier SST - Reculer moins, reculer mieux

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Bip, bip, bip… L’alarme de recul des véhicules lourds retentit encore, mais on l’entend un peu moins souvent sur les chantiers. Depuis que des modifications au Code de sécurité pour les travaux de construction ont été apportées en 2016, la meilleure option, c’est d’avancer !

Ça se passe en septembre 2015 sur le chantier de construction d’un bâtiment résidentiel de six étages à Montréal. Un employé d’un entrepreneur général est heurté par un camion qui recule alors qu’il agit comme signaleur pour la livraison d’un conteneur. Son décès est constaté dans l’ambulance.

C’est parce qu’il y a trop d’accidents semblables qu’une nouvelle réglementation sur les manœuvres de recul était nécessaire. En moyenne, un travailleur par année perd la vie sur un chantier, écrasé par un véhicule en marche arrière. De 1995 à 2016, 24 décès sont survenus, selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « Et cela, c’est sans compter les accidents avec blessures ! », se désole Caroline Lavoie, conseillère en prévention à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur de la construction (ASP Construction).

Pourquoi tous ces accidents ? Il s’agit souvent d’une question de gestion et de supervision déficiente de la circulation. « J’ai vu des gens discuter derrière un camion à benne qui recule, des zones de livraison de matériaux à côté de la roulotte de chantier, des camions reculer sur de longues distances avec des travailleurs autour », donne en exemple Mme Lavoie.

La présence de travailleurs dans l’angle mort est aussi pointée du doigt par les enquêtes de la CNESST. D’ailleurs, c’est l’une des raisons du décès du travailleur de la construction mentionné plus haut. Mais si l’angle mort réduit le champ de vision des conducteurs, comment expliquer que les travailleurs ne voient pas toujours le camion ? « Parfois, ils sont dos au véhicule, parfois ils sont tellement concentrés sur leur tâche qu’ils ne voient plus ce qui se passe autour », dit Annick Roy, conseillère en santé-sécurité à l’Association de la construction du Québec (ACQ).

En théorie, l’alarme de recul du camion aurait dû les avertir du danger. Le fait qu’elle n’a pas attiré leur attention est toutefois une autre cause fréquente d’accidents. Ce signal sonore est devenu si familier qu’il fait moins réagir. Sans compter que les chantiers sont des environnements bruyants et qu’il n’est pas toujours entendu.

LES 5 PRINCIPALES CAUSES DE BLESSURES EN 2016

  1. Réactions du corps (ex. : en se penchant, en s’étirant)
  2. Se faire frapper par un objet
  3. Faire un effort excessif
  4. Heurter un objet
  5. Être coincé ou écrasé par un équipement (sauf véhicules)

Source : CNESST

S’attaquer à la source du problème

Les changements au Code ont pour but d’éliminer le danger à la source en limitant les manœuvres de recul. Mais comme ce n’est pas toujours possible, la notion d’aire de recul a été ajoutée.

« Le maître d’oeuvre doit d’abord planifier le chantier pour que les camionneurs n’aient plus besoin de reculer, dit Mme Lavoie. Ça peut se faire, par exemple, avec une entrée et une sortie séparées. Sinon, il prévoit une aire de recul bien balisée et interdite aux piétons. Le recours à un signaleur vient en troisième lieu seulement. »

La responsabilité du maître d’œuvre de préparer un plan de circulation demeure, mais elle s’applique uniquement aux chantiers comptant au moins 10 travailleurs à un moment donné des travaux. En plus des informations exigées auparavant, le schéma inclus dans ce plan doit maintenant indiquer les aires de recul et le positionnement d’un signaleur si nécessaire.

« Comme les chantiers sont toujours en mouvement, la difficulté est d’adapter le plan à l’évolution des travaux », remarque Mme Roy. À cet effet, Caroline Lavoie rapporte avoir vu un entrepreneur utiliser un tableau effaçable ainsi que des camions et des cônes aimantés pour tracer son schéma. « Ça devient plus facile d’avoir un document à jour. »

Parmi les autres changements, le contenu de la formation des signaleurs de chantier est désormais défini et le port du vêtement à haute visibilité jaune-vert fluorescent conforme à la norme CSA Z96 est devenu obligatoire. Autre ajout : l’utilisation d’un walkie-talkie est exigée lorsque le signaleur guide un conducteur qui recule sur 10 mètres et plus.

Quant à l’exigence d’une alarme de recul, elle s’applique seulement aux véhicules avec une charge utile de 2 250 kg ou plus ainsi qu’à ceux dont la lunette arrière est obstruée. Plusieurs camionnettes de style pick-up peuvent donc maintenant être dépourvues d’alarme, ce qui pourrait rendre cet avertissement moins banal pour les travailleurs.

La nouvelle version du Code précise de plus que l’alarme doit pointer vers l’arrière du véhicule et être visible. Certaines alarmes sont mal installées et projettent le son vers l’avant ou vers le sol, ce qui compromet la sécurité des travailleurs, indiquait la CNESST dans son analyse d’impact réglementaire. Les propriétaires de véhicules doivent donc veiller à installer l’alarme dans les règles de l’art.

Une volonté de se conformer

Ces changements sont-ils compris et appliqués ? La bonne nouvelle, c’est que les entrepreneurs démontrent une volonté de se conformer. « Beaucoup d’entreprises nous demandent de l’information et de la formation », constate Mme Lavoie.

En revanche, les schémas des plans de circulation comportent souvent des erreurs. « Il manque des éléments, comme le positionnement du signaleur, poursuit la conseillère en prévention. Le walkie-talkie est peu utilisé et les signaleurs ne portent pas toujours la bonne couleur de vêtements. Aussi, on voit encore beaucoup de manœuvres de recul où se trouvent des travailleurs alors qu’il devrait en avoir moins. » Bref, un travail de sensibilisation et d’information reste à faire !

Exemples de plans de circulation

EXEMPLE 1

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Les aires de recul ne sont pas localisées puisqu’il y a un signaleur.

EXEMPLE 2

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Les aires de recul sont bien délimitées puisqu’il n’y a pas de signaleur.

(1) la localisation et les dimensions des voies de circulation
(2) la localisation des aires de recul, le cas échéant
(3) la signalisation
(4) les vitesses maximales permises
(5) le positionnement d’un signaleur de chantier ou routier.

Source : ASP Construction

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