Dossier innovation et technologies – Accélérer la transformation numérique

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Selon une étude mondiale de McKinsey, l’industrie de la construction n’a fait aucun gain de productivité au cours des 30 dernières années. Pour améliorer sa performance, un virage s’impose et il passe notamment par l’adoption des nouvelles technologies. Mais leur utilisation tarde à se généraliser. Toutefois, des entreprises ont pris un pas d’avance et ouvrent la voie au changement. Le mouvement est amorcé et il ira en s’accélérant, de l’avis de plusieurs. État de la situation.

En retard sur le plan technologique, l’industrie de la construction ? « Oui et non, soutient Daniel Forgues, professeur au Département de génie de la construction de l’École de technologie supérieure (ÉTS).

Les grands constructeurs donnent l’impulsion. Là où ça bloque, c’est du côté des professionnels, architectes et ingénieurs notamment. Il y a encore de la résistance quoique ça bouge de plus en plus de ce côté. » La forte fragmentation de l’industrie, composée à plus de 90 % de PME, est un autre frein à l’intégration des technologies.

Daniel Forgues voit quand même une progression. « Au Québec, on bouge plus vite que dans le reste du Canada », soutient celui qui est aussi directeur du Groupe de recherche en intégration et développement durable en environnement bâti (GRIDD). Selon lui, le visage de l’industrie est appelé à changer au fur et à mesure des changements technologiques. « On peut prévoir de gros bouleversements dans les 10 prochaines années, dit-il. Il faut s’attendre à ce que les entrepreneurs deviennent des intégrateurs. Les donneurs d’ouvrage voudront faire affaire avec un seul fournisseur qui offrira un service complet, de la conception à l’exécution. »

Un phénomène à l’image de ce qui s’est passé dans l’industrie aérospatiale il y a une dizaine d’années. Face aux exigences des donneurs d’ordre, les fournisseurs de l’industrie n’ont eu d’autres choix que de se réorganiser pour rester compétitifs à l’échelle internationale. « Il faut s’attendre à ce qu’il y ait des regroupements d’entreprises, prévoit M. Forgues. L’industrie va se redéfinir. Il y aura d’un côté les grands constructeurs et de l’autre de plus petites firmes qui seront spécialisées et aussi très agiles. »

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Daniel Forgues, professeur au département de génie de la construction à l’ÉTS. Crédit photo : ÉTS

« Vivre » les espaces

Pomerleau a pris le virage technologique il y a plus de 5 ans. Il intègre la modélisation des données d’un bâtiment (ou BIM) de même que la conception et construction virtuelle (ou VDC) à un nombre croissant de projets qui lui sont confiés. À son siège social, le constructeur a créé un centre des technologies où l’on retrouve des écrans géants, un écran tactile SmartUse, des systèmes de réalité augmentée, etc. C’est là qu’il accueille ses clients pour leur montrer ce que sera leur projet en devenir. « Cela nous permet de communiquer l’information de manière simplifiée, explique Pierre Pomerleau, président-directeur général. C’est difficile pour le client de bien lire les plans, mais il comprend le 3D. »

Le constructeur travaille actuellement au projet de construction du nouveau Centre hospitalier de Baie-Saint-Paul, évalué à 245 millions de dollars, qui doit être achevé en 2018. Lors de la phase de conception, le client a pu « visiter » le futur établissement grâce à la réalité virtuelle. Enfilant les lunettes spéciales, les médecins ont ainsi été en mesure de parcourir les espaces réservées à l’urgence et apprécier la configuration des équipements. Ils pouvaient alors se rendre compte que tel appareil était mal positionné ou que la circulation était entravée à tel autre endroit, par exemple. Des modifications ont pu être apportées au plan avant la mise en chantier. Déceler les problèmes en amont permet de sauver des coûts importants.

Ces technologies avancées améliorent la productivité et la qualité des projets. Leur avantage économique est majeur. Selon Pierre Pomerleau, pour le projet du Centre hospitalier de Baie-Saint-Paul, l’approche du BIM a permis d’économiser pas moins de 50 millions de dollars sur l’enveloppe globale.

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Pierre Pomerleau, pdg de Pomerleau. Photo : Pomerleau

Vaincre la résistance au changement

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Une vue de la salle de choc et d’une salle de chirurgie du Centre hospitalier de Baie-Saint-Paul. Grâce à la réalité virtuelle, les médecins ont pu « circuler » dans ces espaces et demander les ajustements nécessaires avant le début de la construction. Photos : Pomerleau

L’adoption des technologies ne se fait pas sans heurts chez les constructeurs, surtout au début. Alain Lefrançois, président-directeur d’Epsylon peut en témoigner. Son entreprise, qui se spécialise dans le design, la fabrication et l’installation de murs-rideaux préfabriqués en aluminium et verre, a pris le virage il y a quelques années. Le fabricant utilise notamment des technologies 3D pour modéliser les différents projets. « Il y a de la résistance au changement mais au fur et à mesure, elle se fait moins forte. Cela transforme nos façons de faire, ce qui peut être mal perçu par certains employés au départ. Ils ont aussi peur que les machines fassent perdre des emplois, ce qui n’est pas le cas. Ils finissent par voir les avantages et les améliorations sur le plan de la productivité. Ils ne veulent plus revenir en arrière. »

Plutôt que d’acheter de gros systèmes coûteux et mal adaptés à ses besoins, Epsylon a opté pour le développement technologique à l’interne. « Nous faisons adapter des logiciels existants pour qu’ils correspondent mieux à notre façon de travailler. Pour cela, nous travaillons avec des firmes de développement à l’externe », explique M. Lefrançois. Il est de ceux qui croient que le Québec est en mesure de rattraper son retard technologique. « On n’a pas le choix si on veut rester compétitif. »

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