Dossier murs-rideaux – Repousser les limites

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Le mur-rideau de la Maison des étudiants de l’ÉTS montre de jolis motifs dans le verre réalisés par sérigraphie. Crédit photo : MSDL Architecte/Stéphane Brugger

En matière de revêtement de bâtiments, les murs-rideaux ont la cote actuellement. Ils constituent l’un des parements les plus performants et offrent de nombreuses possibilités sur le plan architectural. Les concepts toujours plus audacieux des architectes forcent les fabricants à faire preuve d’ingéniosité.

Pour l’édifice Manuvie, au centre-ville de Montréal, les architectes de la firme Menkes Shooner Dagenais Létourneux (MSDL) ont prévu aux étages inférieurs un mur-rideau de 50 pieds de portée sans supports structuraux apparents. C’est le fabricant Epsylon qui a décroché le contrat et réalisé ce qui est vite apparu comme un véritable défi technique.

« Les architectes ont souvent des idées qui nous compliquent la vie, lance en riant Alain Lefrançois, président-directeur général d’Epsylon. Ils se sont inspirés d’un concept vu en Europe. Sauf que les systèmes européens ne sont pas adaptés à notre climat. Il a fallu trouver des solutions pour mettre au point des extrusions performantes. » Son équipe de design et d’ingénierie a travaillé pendant plusieurs mois pour pouvoir réaliser la vision des architectes. « Cela nous force à constamment nous dépasser », affirme le pdg. Au final, Epsylon aura fourni plus de 225 000 pieds carrés de murs-rideaux pour la Maison Manuvie, une tour de bureaux de 27 étages.

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La Maison Manuvie, au centre-ville de Montréal, comporte plus de 225 000 pieds carrés de murs-rideaux. Crédit photo : MSDL Architectes

Du verre plus performant

Avec ses murs-rideaux qui peuvent atteindre jusqu’à 39 pieds de haut entre les ancrages, le Pavillon pour la paix Michal et Renata Hornstein du Musée des beaux-arts de Montréal offre un panorama exceptionnel sur Montréal et sa montagne. C’est Vitreco qui a réalisé le concept imaginé par les firmes d’architectes Atelier TAG et Jodoin, Lamarre, Pratte architectes. « On repousse constamment les limites que peut offrir le verre, explique Marc Bilodeau, vice-président de l’entreprise qui est membre de Flynn Canada. Les technologies de fabrication se raffinent. Aujourd’hui, il est possible de traiter le verre pour enlever au maximum les inclusions, soit des défauts qui entraînent un stress pour le matériau quand il est soumis à de grandes variations de température. Les risques de bris sont ainsi considérablement réduits. Cela permet de se servir du verre comme élément structurel et de créer des ouvrages artistiques. »

Des avantages indéniables

Le marché se développe pour ce type de façade légère. Longtemps réservés aux immeubles commerciaux, les murs-rideaux sont de plus en plus utilisés dans les tours à condominums. L’amélioration du produit sur les plans thermique et acoustique a fait accroître la demande dans le résidentiel.

« Les avantages sont nombreux, affirme l’architecte Anik Shooner de la firme MSDL. En plus de faire entrer beaucoup de lumière, c’est un matériau léger qui nous permet plus de flexibilité et de créativité dans nos concepts. »

La sérigraphie et l’impression digitale offrent de nouvelles possibilités, comme de créer des motifs dans le verre qui ont un impact visuel intéressant. La Maison des étudiants de l’École de technologie supérieure (ÉTS), un concept de MSDL, en est un bel exemple. « La qualité du verre s’est améliorée, explique Anik Shooner. Il est aujourd’hui possible d’obtenir plus de transparence, par exemple. Dans les projets de condominiums, il faut toutefois faire attention à l’aspect acoustique pour éviter que le son ne se propage d’un étage à l’autre. Lors de la conception du Yul (un projet de condominiums de 800 unités d’habitation au centre-ville de Montréal), il a fallu adapter le concept du mur-rideau pour augmenter la résistance à la transmission du son. »

Ce système de revêtement de l’enveloppe du bâtiment présente d’autres avantages. « Comparés au béton préfabriqué, les murs-rideaux sont plus chers, mais ils restent très compétitifs, affirme Alain Lefrançois d’Epsylon. Le produit est durable. Bien entretenu, sa durée de vie peut atteindre 50 ans voire plus. »

De plus en plus, les panneaux du mur-rideau sont fabriqués en usine avant d’être expédiés sur les chantiers. Une pratique qui tend à se généraliser en raison de ses nombreux avantages.

« Cela nous permet de fabriquer des produits de qualité supérieure dans des conditions optimales », affirme M. Lefrançois. « La fabrication se fait en même temps que la structure est montée. De plus, l’installation est rapide puisqu’on peut faire plusieurs étages en quelques jours. Cela permetde fermer le bâtiment plus rapidement. Le fait de pouvoir construire plus vite a un impact positif sur le coût du projet », explique Anik Shooner.

LES AVANTAGES TECHNIQUES ET ÉCONOMIQUES DES MURS-RIDEAUX

  1. Permet de construire des bâtiments plus légers (de 20 à 30 % du poids d’une construction traditionnelle)
  2. Optimise l’éclairage naturel
  3. Économise l’espace (gain de 10 à 30 cm pour les superficies intérieures)
  4. Présente une durabilité supérieure à d’autres revêtements
  5. Constitue une enveloppe de plus en plus performante sur le plan de l’étanchéité (eau et air)
  6. Offre de grandes possibilités sur le plan architectural
  7. Accélère la construction grâce à la préfabrication industrielle

Une question d’innovation

Si des entreprises québécoises se démarquent à l’échelle internationale, il reste que ce sont les fabricants européens, principalement l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, qui tiennent le haut du pavé. « Il faut constamment se tenir au courant de ce qui se fait ailleurs, explique Marc Bilodeau.

Mettre au point des produits toujours plus évolués met beaucoup de pression sur les équipes dédiées à la conception et à l’ingénierie des murs-rideaux. Si les fabricants font une bonne part de leur R-D à l’interne, ils ont aussi besoin de tester leurs produits avant de le commercialiser. C’est à ce moment-là qu’entre en jeu le Conseil et laboratoire en enveloppe du bâtiment (CLEB). Installé à Varennes, sur la Rive-Sud de Montréal, le CLEB offre des services de consultation et de tests (en laboratoire et in situ) sur les composantes de l’enveloppe du bâtiment.

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Dans les laboratoires du CLEB, à l’aide d’un moteur d’avion, de l’eau est projetée avec puissance sur un prototype de mur-rideau pour tester de façon dynamique sa résistance. Crédit photo : CLEB

« Avant la mise en marché de leurs nouveaux produits, les fabricants ont besoin de tester leurs systèmes pour s’assurer qu’ils soient performants sur le plan de l’étanchéité à l’air et à l’eau et que la structure soit résistante », explique Louis Fortin, directeur de projets, consultation et mise en service.

Les spécialistes du CLEB sont intégrés à l’équipe de projet. Autour de la table peuvent se retrouver ingénieurs et architectes ainsi que d’autres spécialistes selon les besoins (en maçonnerie, par exemple).

« L’objectif, c’est d’identifier les risques de conception et de trouver les solutions pour les mitiger afin de s’assurer que le concept est bien réalisé et réponde aux intentions des architectes », explique Louis Fortin.

Certains types de tests peuvent être faits directement sur les chantiers. Pour les projets de plus grande envergure, le travail en laboratoire est requis. Les experts du CLEB accompagnent le fabricant à toutes les étapes de réalisation effectuant même des visites sur le chantier de manière à prévenir tout problème potentiel.

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