Efficacité énergétique : nouvelle ère de construction

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La Régie du bâtiment du Québec a annoncé l'entrée en vigueur de nouvelles normes de construction. Elles visent à rehausser la performance énergétique des immeubles commerciaux, institutionnels et industriels ainsi que des grands bâtiments d’habitation. Elles imposent de nouvelles pratiques sur le terrain.

Les mesures contenues dans le nouveau chapitre I.1, Efficacité énergétique du bâtiment, du Code de construction du Québec, ont pour but d'améliorer la performance énergétique d'ensemble des nouveaux bâtiments. Ces exigences concernent également les travaux d'agrandissement de plus de 25 % en moyenne à prévoir sur les grands édifices.

Dans cette loi, le législateur table notamment sur la performance d'isolation des cloisons extérieures, la couverture des ponts thermiques, la récupération d'énergie des systèmes mécanique et sur la puissance d'éclairage des grands bâtiments neufs.

Cette nouvelle réglementation est le résultat d'une collaboration entre Transition énergétique Québec et la Régie du bâtiment du Québec, organisme responsable de son application et de sa mise en oeuvre. Les prescriptions sont basées sur le Code national de l’énergie pour les bâtiments édité par le Conseil national de recherches du Canada en 2015.

Les annonces sont entrées en vigueur le 27 juin. Mais le secteur de la construction dispose d’une période transitoire s'étendant jusqu’au 27 décembre 2021 pour les appliquer. En clair, tout bâtiment dont la construction débutera après le 27 décembre 2021, soit 18 mois suivant l’entrée en vigueur du chapitre I.1, devra être conforme aux nouvelles exigences.

Dans l'intervalle, les professionnels de l'industrie touchés par le règlement pourront compter sur de la formation pour se conformer aux nouvelles obligations. La Régie du bâtiment du Québec de concert avec les associations et les corporations professionnelles respectives guideront les travailleurs dans la démarche d'enseignement.

Précisons que les édifices d’habitation de plus de 3 étages ou de plus de 600 mètres carrés sont également ciblés par la nouvelle réglementation. Ces exigences s’appliquent de plus aux piscines dont la superficie dépasse 100 mètres carrés. Voici en quoi se résume l'application des changements dans les principaux corps de métier de la construction sur les chantiers du Québec.

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© Owens Corning

Mécanique de bâtiment

« À la suite de l'adoption de cette nouvelle norme, la première chose qui va changer chez nos membres, c'est la hausse de documents à consulter pour s'assurer que les exigences de construction des réseaux de chauffage, ventilation et conditionnement d'air ainsi que certains éléments de chauffage de l'eau domestique seront respectées », dit Henri Bouchard, directeur des services techniques pour la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ). 

« L'application des exigences du Chapitre I.1 d'efficacité énergétique du Code de construction du Québec établit officiellement de nouvelles règles. Il faut savoir que la réglementation actuelle est contenue dans le Code national du bâtiment modifié pour le Québec. Ces exigences sont décrites dans le Chapitre 1, bâtiment du Code de construction du Québec. Les exigences liées à la ventilation paraissent dans une portion de la partie 6 de ce chapitre », poursuit M. Bouchard« Ainsi, les entrepreneurs en CVCA devront, en plus de respecter ces nouvelles exigences, appliquer les normes d'efficacité énergétique du Chapitre I.1 du Code de construction du Québec. Ce qui signifie en clair qu'ils ont deux Codes à respecter. D'une part, le règlement de base qui se trouve encore et toujours dans la partie 6, et désormais les nouvelles obligations contenues dans le Chapitre I.1 d'efficacité énergétique. »

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Henri Bouchard, directeur des services techniques pour la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ). 

Nouvelle réalité

« C'est dans ce nouveau segment que sont notamment imposées des procédures plus sévères d'essais et de détections de fuite et qu'ont été ajoutées des étapes d'isolation des conduits de ventilation. Elles comprennent une nouvelle mesure de protection de l'isolation par l'installation d'un pare-vapeur, l'utilisation d'un économiseur d'air et l'assurance d'observer que les systèmes de chauffage et de climatisation ne fonctionnent pas en même temps, une déficience assez courante à laquelle il faut s'attaquer », indique M. Bouchard.

La nouvelle réglementation définit également le fonctionnement des ventilateurs.Elle impose qu'ils produisent un volume d'air variable au lieu d'un débit  constant comme c'est présentement le cas dans plusieurs immeubles. Il en va de même pour les caractéristiques des thermopompes. Ces systèmes devront pouvoir être équilibrés au besoin par les techniciens afin de se conformer au nouveau Code.

La nouvelle norme englobe également le processus d'ouverture des registres d'air, des clapets qui devront être motorisés ou dotés d'un mécanisme à ressorts obligatoire. « Les nouvelles exigences forcent enfin l'installation de portillons activés par gravité pour empêcher les refoulements dans les systèmes », enchaîne Henri Bouchard.

Pompes et rhéostats

La norme cible de plus l'optimisation des pompes de circulation de l'eau dans les réseaux de conduites du bâtiment. Ces pompes doivent maintenant être assorties de moteurs à débit variable, c'est-à-dire être équipées d'un rhéostat électronique par opposition au commutateur de marche/arrêt communs à nombre d'édifices existants. L'emplacement des thermostats dans les locaux devra aussi et méticuleusement respecter les règles de l'art de l'installation. Ils devront notamment être disposés en des lieux où l'air n'est pas stagnant, mais à l'abri des courants d'air, et ailleurs qu'en plein soleil, c'est-à-dire positionnés de manière à assurer un rendement maximum.

Ces bonnes pratiques ont déjà cours depuis plusieurs années dans plusieurs projets de construction, précise le porte-parole de la CMMTQ. Particulièrement dans les bâtis de type haut de gamme, des chantiers réputés dispendieux. L'imposition de la nouvelle norme de transition énergétique aura à cet égard une incidence sur l'augmentation des coûts de construction de tous les édifices projetés régis par l'entrée en vigueur du règlement.

« Précisons que la politique énoncée est issue du Code national de l'énergie pour les bâtiments. C'est une norme pancanadienne. C'est en Allemagne, à l'instar d'autres pays européens beaucoup plus avancés que le Canada en matière de récupération d'énergie, qu'elle tire ses préceptes. Ces exigences s'inscrivent dans un courant mondial de développement durable », souligne M. Bouchard.

Certains pays ayant adopté des initiatives devancières dans ce domaine ont même promulgué une homologation, une certification de rendement à afficher sur une plaque à apposer bien en vue sur la façade des immeubles inspectés par les autorités gouvernementales responsables. « À cet égard, note Henri Bouchard, la mise en place de ces nouvelles normes en efficacité énergétique trace la route vers un éventuel code ayant pour but de construire des bâtiments Net Zéro. »

Guide de l'AERMQ

Evans Francoeur, secrétaire-trésorier de l'Association des entrepreneurs en revêtements muraux du Québec (AERMQ) et chargé des ventes et de l'estimation des travaux pour Revêtements métalliques Gaétan Lajoie Inc., estime que la nouvelle norme va mettre l'association à l'avant-plan des pratiques d'industrie. « Cette période de transition permettra à la fois de former les membres à la nouvelle réalité du métier et d'uniformiser le rehaussement des méthodes d'isolation en s'attaquant de façon plus efficace aux bris thermiques des bâtiments. C'est donc une très bonne nouvelle », se réjouit-il.

Le porte-parole de l’association qui a produit le Guide de solutions de fixation de parement pour murs commerciaux isolés à l'extérieur, travaille de pair avec Salvatore Ciarlo, directeur des services techniques du manufacturier de produits isolants chez Owens Corning Canada. Ce manufacturier précise que la nouvelle norme crée un procédé d'installation différent.

« C'est pourquoi nous avons mis en oeuvre un plan pour informer les entrepreneurs des bonnes pratiques d'exécution à adopter.

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Evans Francoeur, secrétaire-trésorier de l'Association des entrepreneurs en revêtements muraux du Québec (AERMQ).

C'est un programme qui leur permet d'atteindre les nouvelles exigences de façon simple et abordable. Il est évident que ça va coûter plus cher de réaliser une installation dans ce nouveau contexte, mais ce sera profitable à toute l'industrie de la construction », tranche M. Ciarlo.

À cet égard, le manufacturier a piloté plusieurs initiatives de communication. « Nous avons élaboré pour tous nos partenaires d'industrie, des experts de l'enveloppe de bâtiment aux architectes, des programmes sur mesure d'enseignement portant sur les nouvelles exigences. Nous avons préalablement développé une gamme de nouveaux matériaux et concepts d'installation avant que le train se mette en marche. Des idées conçues pour minimiser l'impact des changements attendus sur les habitudes de chantier et pour rehausser la performance thermique des bâtiments ciblés », convient le représentant d'Owens Corning.

Exigences holistiques

Salvatore Ciarlo souligne que la nouvelle réglementation englobe toute l'enveloppe de bâtiment. « Cette réglementation vise à minimiser l’écoulement de la chaleur à travers toutes les parties opaques de l’enveloppe du bâtiment, en incluant tous les ponts thermiques, les jonctions et les pénétrations à travers l’enveloppe. La nouvelle réglementation exige une résistance thermique effective, contrairement à la valeur debrésistance thermique nominale exigée dans la réglementation précédente », souligne-t-il.

« La valeur nominale « R » exigée dans le passé ne tenait pas compte des pertes de chaleur résultant des ponts thermiques à travers l’enveloppe, dit-il. Or, les ponts thermiques peuvent représenter à eux seuls jusqu'à 60 % des pertes de chaleur totales d'un bâtiment lorsque les bonnes méthodes de travail d'ensembles ne sont pas considérées. »

« Afin d'atteindre les nouvelles exigences dans les différentes zones climatiques, il va falloir modifier nos détails d’enveloppe du bâtiment. Le défi consistera donc à concevoir et à construire un mur mince, mais plus performant, conforme aux dispositions en vigueur dans le Code du bâtiment, à un coût jugé abordable, le prix constituant le nerf de la guerre de la concurrence d'industrie », précise-t-il.

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© Owens Corning

« Par exemple, pour un mur extérieur en ossature d’acier comprenant un revêtement métallique, on peut soit isoler complètement du côté extérieur de l’ossature d’acier, pour les murs épais, ou isoler des deux côtes, pour des murs plus minces. Ajouter un isolant dans la cavité de l’ossature d’acier, couplé avec un isolant continu du côté extérieur et des attaches isolés thermiquement pour tenir le revêtement métallique en place, peut également nous permettre d’atteindre les nouvelles exigences de façon abordable. Cela peut aider à réduire l’épaisseur du mur et, ainsi, contribuer à abaisser le coût total de fabrication d'un mur », ajoute M. Ciarlo.

Selon Salvatore Ciarlo, la nouvelle réglementation, à l'instar de son évolution annoncée, préparera le terrain à l'atteinte graduelle d'une conformité encore plus exigeante, « le fameux standard Net Zéro, prévu pour 2030 comme le sait l'industrie. »

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Salvatore Ciarlo, directeur des services techniques du manufacturier de produits isolants chez Owens Corning Canada.

Moins de kWh

À la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ), les enjeux sont moins lourds. La corporation qui réunit près de 3600 membres à adhésion obligatoire note que la majorité des entrepreneurs électriciens est peu concernée par les mesures contenues dans le nouveau chapitre I.1 entrées en vigueur le 27 juin. Selon Michel Bonneau, directeur des services techniques et santé-sécurité du travail de la CMEQ, c'est l'article portant sur l'éclairage électrique des grands bâtiments ciblés par la loi qui traduit particulièrement la nature des modifications à adopter au sein de la profession. Mais le règlement a été discuté et rédigé à l'époque où l'éclairage incandescent dominait le marché.

« La nouvelle norme stipule en effet que le maître électricien doit s'assurer d'installer des lampes de moindre puissance. Cette politique faisait l'objet d'une réflexion bien avant l'arrivée des composants d'éclairage à diodes électroluminescentes (DEL), des coupoles moins énergivores aujourd'hui très populaires. Le problème de capacité d'éclairage a donc été résolu avec l'avènement de la technologie DEL », analyse-t-il.

« La nouvelle norme guide également la profession en matière de choix d'équipements électriques à installer. Ces appareils, dont les moteurs et les transformateurs, doivent être de conception homologuée pour respecter la nouvelle norme d'efficacité énergétique désormais en vigueur », fait valoir Michel Bonneau pour résumer la situation dans son secteur d'activité.

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Michel Bonneau, directeur des services techniques et santé-sécurité du travail de la CMEQ.

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