Gestion dans le domaine de la construction : défis et solutions

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Contrôler les budgets et les échéanciers, évaluer les coûts des projets, gérer les risques, conserver sa main-d’œuvre, surmonter les difficultés d’approvisionnement : ce ne sont pas les défis qui manquent pour les gestionnaires du domaine de la construction. Sans compter la pandémie, qui complexifie encore plus la situation. Quelques conseils pour tirer son épingle du jeu.

Depuis 2018, Construction Gératek surfe sur une vague de croissance. Il faut dire que l’entrepreneur général, situé en Estrie, multiplie non seulement ses contrats au privé, mais aussi au public. Pas étonnant que, lorsqu’il évoque les principaux défis de gestion avec lesquels il doit composer, le président-directeur général de l’entreprise, David Gosselin, mentionne d’emblée la qualité des appels d’offres et des plans et devis. « Parfois, c’est très complet. Mais d’autres fois, il y a moins de coordination entre les professionnels reliés au dossier. Il faut alors évaluer les mandats à l’interne, mais c’est un défi d’estimer le prix juste. » L’équipe doit donc redoubler d’efforts pour minimiser le risque d’erreurs.

Carolyne Filion

Lorsqu’il évoque les principaux défis de gestion avec lesquels il doit composer, David Gosselin, mentionne d’emblée la qualité des appels d’offres et des plans et devis.

David Gosselin, président-directeur général de Gératek

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En effet, une bonne planification est la clé du succès, estime Jean-Noël Routhier, vice-président de la firme de gestion de projets GPBL. Ce qui n’est pas simple quand il manque certaines données au début même d’un chantier. « On voit beaucoup de gens qui n’osent pas refuser un contrat, même si certains détails ne sont pas clairs. Ils se disent qu’ils éclairciront cela plus tard, mais c’est la pire erreur. Oui, ils vont réaliser le projet, mais à quel coût ? Et ils risquent d’être constamment en réaction, plutôt que dans l’action. »

C’est pourquoi Jean-Noël Routhier suggère donc, quand c’est possible, de prendre le temps de s’assoir avec son client pour bien identifier ses besoins, comprendre ses attentes et s’assurer que la réalité est bien comprise, de part et d’autre. « C’est une étape qui est souvent escamotée, surtout dans les plus petites entreprises, mais cela permet de mieux gérer les attentes et d’établir une relation de confiance avec son client. »

De son côté, Réjean Cloutier, consultant en gestion de construction, coaching et mentorat, conseille aux entrepreneurs de préparer les soumissions les plus étoffées possible. Car, selon le consultant en gestion dans le domaine de la construction, plusieurs se contentent d’offres de services assez succinctes. « Mais il faut détailler le tout, en expliquant toutes les étapes, combien de temps vous pensez que cela va vous prendre, comment vous allez procéder et la date prévue de fin du chantier. Cela peut faire la différence entre votre proposition et celle de la concurrence. De plus, vous mettez le client au fait de votre réalité, tout en vous assurant que le projet sera lancé sur des bases solides. »

Évaluer les travaux et contrôler les coûts

Si les appels d’offres sont parfois incomplets, l’inverse est aussi vrai, constate Réjean Cloutier. Selon lui, plusieurs entrepreneurs, surtout les plus inexpérimentés, ont tendance à faire une évaluation assez approximative des coûts quand ils réalisent une soumission. « C’est la base d’un projet, mais trop souvent, il y a des erreurs. On évalue les matériaux et on calcule très rapidement les coûts de main-d’œuvre, en ajoutant une petite marge de profit. »

En effet, une simple estimation ne suffit pas. Il faut calculer tous les coûts de façon détaillée, incluant la location d’équipement, le tarif horaire pour les sous-traitants, etc. À cela, il faut aussi ajouter une portion des coûts fixes, comme la location d’un bureau, les frais d’adhésion à une association professionnelle, les assurances ou l’achat d’équipement. « Si cela totalise 100 000 $ par année, sur un chiffre d’affaires de 500 000 $, vous devez ajouter 20 % à vos factures pour couvrir ces dépenses, en plus d’inclure une marge de profit, cite-t-il en exemple. Sinon, vos projets ne seront pas rentables. »

Cette planification permet aussi de suivre pas à pas les dépenses liées au chantier et de s’assurer que son budget est respecté. Une étape absolument essentielle au succès d’une entreprise, pense Réjean Cloutier. « Certains ont tendance à laisser les factures s’accumuler et, à la fin du mois, ils perdent des heures et des heures à s’y retrouver. Sans compter qu’il devient difficile de comprendre quelles ont été nos erreurs pour s’améliorer ensuite. » C’est pourquoi il suggère de documenter chaque dépense, en la reliant avec un projet précis, et de classer ses factures au fur et à mesure. Un processus simple une fois qu’il a été mis en place.

« Il y a de plus en plus d’erreurs de la part des fournisseurs, avertit aussi le consultant. En effectuant un suivi serré, cela permet de vérifier immédiatement si vous avez bien reçu les quantités commandées. Sinon, vous ne saurez peut-être jamais qu’il vous manque dix deux par quatre. »

Identifier et gérer les risques

« Un autre problème que nous vivons beaucoup, avec la pandémie, touche l’approvisionnement. L’industrie fait face à une rareté, et parfois une pénurie, de certains matériaux », témoigne David Gosselin. Le PDG cite en exemple le béton. Si autrefois, il pouvait en commander une semaine à l’avance, maintenant, il faut prévoir ses besoins trois mois d’avance.

Bien que ce ne soit pas toujours évident, pour Jean-Noël Routhier, une planification détaillée comporte aussi une analyse de la gestion des risques. Et l’augmentation des coûts des matériaux, ou les difficultés d’approvisionnement, en font partie. « Même si on a fait la meilleure planification possible, si on ne tient pas compte des risques, c’est à refaire. Il faut donc prendre le temps pour les identifier, les évaluer et les prioriser en fonction de leur importance. » Le vice-président conseille aussi de prévoir certaines mesures préventives - un coussin dans son budget - pour se protéger.

Carolyne Filion

Pour Jean-Noël Routhier, une planification détaillée comporte aussi une analyse de la gestion des risques.

Jean-Noël Routhier, vice-président de GPBL

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Pour bien évaluer les différents risques, il peut aussi être intéressant d’instaurer une collaboration avec le client, le gestionnaire du projet, les fournisseurs et les sous-traitants. Une façon de bien comprendre les réalités de chacun et de travailler ensuite sur des solutions communes. C’est un peu l’approche adoptée par Construction Gératek, qui a complètement revu sa façon de planifier ses chantiers pour s’adapter à cette nouvelle réalité. « Au lieu de chercher le plus bas prix, on établit des partenariats à long terme avec certains de nos fournisseurs pour minimiser les risques, explique David Gosselin. On s’entend sur un prix, en fonction des fluctuations, mais surtout, on s’assure qu’ils gèrent assez de volume pour ne pas nous laisser tomber en cours de projet. »

Un calendrier précis des activités de bétonnage a aussi été instauré pour tous les projets menés par l’entreprise. Si l’un d’entre eux prend du retard, la plage horaire est offerte aux autres membres de l’équipe. « Ça peut paraître simple, mais ce type de microgestion s’avère complexe, parce qu’il faut aussi tenir compte de la température ou de la disponibilité des sous-traitants, illustre David Gosselin. Parfois, on serait prêt à couler les fondations deux jours à l’avance, mais ce n’est pas possible. Il faut donc attendre. » Il arrive même que l’équipe modifie ses plans d’ingénierie, par exemple en remplaçant les poutrelles d’acier par des poutres, pour contourner les difficultés d’approvisionnement.

Faire face à la pénurie de main-d’œuvre

Bref, il faut prévoir le coup. « Si la planification se fait trop rapidement, c’est sûr que ça engendre des problèmes à plus long terme et des défis dans la gestion des ressources, qu’elles soient humaines, matérielles ou technologiques. Il faut non seulement gérer son stress, mais celui de ses équipes et de son client, qui risque d’être mis devant des extras », souligne Zarah Issany, coach, conférencière et formatrice.

Des questions d’autant plus importantes à l’heure actuelle, alors que la main-d’oeuvre est une denrée rare. « Le recrutement et la mobilisation de travailleurs constituent des enjeux cruciaux dans l’industrie, constate pour sa part Hélène Douville, présidente et fondatrice du Groupe conseil DCA. C’est pourquoi il faut éviter de se lancer dans tous les projets tête première, au risque de frapper un mur et de brûler ses équipes. « Autrement dit, poursuit-elle, il faut reprendre le contrôle sur les choses sur lesquelles vous avez du pouvoir. »

Ce qui veut dire choisir de conserver un certain équilibre au sein de votre entreprise. « En tant que boss, il faut apprendre à protéger ses employés, soutient Zarah Issany. Si vous avez trop de contrats, vous pouvez en discuter avec votre client pour voir s’il a une certaine flexibilité dans ses échéanciers. Vous pouvez lui dire que vous ne pouvez pas le prendre maintenant, mais que, dans deux mois, vous allez vous consacrer complètement à son projet. Mais pour cela, il faut oser dire les choses. »

Un impératif à l’heure où les nouvelles générations de travailleurs cherchent avant tout un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. « Les gestionnaires ont le pouvoir sur la façon dont ils recrutent leurs travailleurs et surtout, ils peuvent choisir de prendre soin de leurs employés, affirme Hélène Douville. Il faut donc être réaliste dans ses attentes pour éviter de surcharger ses employés et, plus globalement, maintenir un bon climat de travail. Une des clés du succès. »

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© GPBL – Sonia Guertin

Gérer son stress

La pression est trop forte ? Les problèmes semblent insurmontables ? « Il ne faut pas hésiter à chercher de l’aide, souligne Zarah Issany. Par exemple, existe-t-il des groupes dédiés aux jeunes entrepreneurs ou à ceux qui doivent surfer avec la croissance ? Des activités de codéveloppement ? Du mentorat ? Autant de façons de trouver une oreille attentive pour partager ses expériences, mais aussi pour discuter des meilleures solutions à mettre en place. Et surtout, cela permet de voir qu’on n’est pas seul », mentionne-t-elle.

Se tourner vers un consultant, un spécialiste de la gestion ou de la comptabilité peut aussi aider à relâcher la pression, en plus d’offrir un regard extérieur sur la situation.

Réjean Cloutier, consultant en gestion de construction, coaching et mentorat

 

Se tourner vers un consultant, un spécialiste de la gestion ou de la comptabilité peut aussi aider à relâcher la pression, en plus d’offrir un regard extérieur sur la situation. « Il existe aussi différentes formations offertes notamment par les associations professionnelles qui peuvent donner un bon coup de main aux entrepreneurs et les aider à s’outiller comme gestionnaire », explique pour sa part Réjean Cloutier.

Car le succès d’une entreprise dans le domaine de la construction repose autant sur les qualités techniques de ses équipes, que sur sa gestion. Deux piliers essentiels. « Il y a quelques années, Statistique Canada avait mené une étude auprès d’entrepreneurs qui avait montré que 81 % des cas de faillite, dans le domaine de la construction, étaient liés à des problèmes de gestion, précise le consultant. Il n’y a donc pas de honte à se faire aider. Au contraire, c’est une question de survie », conclut-il.

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