Les travaux d’épandage, de nivelage et de remblayage peuvent-ils faire l’objet d’une hypothèque légale ?

Karine Devoyault, avocate
Karine Devoyault, avocate
Chroniqueur Juridique

De tous les mécanismes prévus par le Code civil du Québec (C.c.Q.) afin de protéger les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, l’hypothèque légale demeure l’un des recours les plus importants dans l’industrie de la construction au Québec.

Toutefois, il faut savoir que l’hypothèque légale de la construction peut seulement être utilisée pour des travaux de construction, de rénovation et d’agrandissement d’un immeuble. Ces travaux doivent apporter une plus-value à l’immeuble, laquelle est évaluée par les tribunaux.

En 2011, dans l’affaire 9072-7892 Québec inc. (Pro-Co Beauce) c. Vallières, J.E. 2011-1630, la Cour supérieure a conclu que la préparation d’un terrain pour revente n’apportait pas de plus-value à l’immeuble et que par conséquent, les travaux nécessaires à cette préparation ne pouvaient faire l’objet d’une hypothèque légale. Pro-Co Beauce étant insatisfait de la décision rendue a inscrit cette cause en appel.

Le 5 mai 2014, la Cour d’appel confirmait le jugement de la Cour supérieure.

Afin de vous mettre en contexte, il était question ici de travaux d’épandage de matériaux, de nivellement et de remblai d’un terrain. Le propriétaire du terrain, un promoteur immobilier, voulait rendre le terrain plus constructible dans le but éventuel de le revendre. Malgré plusieurs discussions avec des acheteurs éventuels, aucun contrat n’a été signé pour un projet de construction.

Conséquemment, la Cour a conclu qu’il ne s’agissait pas de travaux de construction ou de rénovation : « […] [L]e seul nivellement d’un terrain ne constitue pas une construction en soi et, en l’espèce, n’en est pas l’accessoire ». Elle a ajouté : « Il est essentiel que les travaux ou services rendus participent à la construction d’un immeuble, faute de quoi il y a absence d’hypothèque légale dite « de la construction »].

Les travaux doivent donc être accessoires à des travaux de construction, lesquels doivent être projetés ou planifiés. Ces travaux doivent donner une plus-value quantifiable à l’immeuble. Dans le cas à l'étude, la Cour supérieure retient que : « Les travaux effectués par Pro-Co Beauce ne s’inscrivaient pas dans un projet de construction déterminé et planifié. Au moment de l’exécution des travaux, aucune construction d’immeuble n’était débutée ni même prévue par Marc Vallières. Au contraire, il s’agissait de l’aménagement d’un terrain vacant destiné à la revente dans un contexte de spéculation.»

La Cour a donc ordonné la radiation des hypothèques légales de la construction.

Nous retenons donc que les travaux d’épandage, de nivelage et de remblayage peuvent faire l’objet d’une hypothèque légale de la construction, mais seulement lorsque des travaux de construction sont planifiés.

Référence du jugement de la Cour d’appel : 9072-7892 Québec inc. (Pro-Co Beauce) c. Raymond Leblanc inc., 2014 QCCA 909.

Pour plus d’informations sur l’hypothèque légale de la construction, nous vous référons à notre document publié sur notre site Internet www.acq.org dans la section Centre de documentation/Capsules juridiques/Hypothèque légale/publications. (Pour les membres seulement.)

 

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