La fausse information au sujet de la retenue

Dans l’industrie de la construction, la retenue est de commun usage. À un point tel que les intervenants semblent avoir oublié dans quelles situations celle-ci est à-propos et dans quelles autres elle ne l’est pas. Nous tenterons de dissiper les mythes qui circulent à ce propos et de clarifier en quoi consiste le droit de retenue.

Deux types de retenue : la légale et la contractuelle

La retenue légale est encadrée et doit respecter certains critères. Cela signifie qu’à défaut de remplir les exigences mentionnées au Code civil du Québec (C.c.Q), ce type de retenue ne peut être exercé à l’encontre de l’entrepreneur.

La retenue prévue à l’article 2111 C.c.Q.

« 2111. Le client n'est pas tenu de payer le prix avant la réception de l'ouvrage.
Lors du paiement, il peut retenir sur le prix, jusqu'à ce que les réparations ou les corrections soient faites à l'ouvrage, une somme suffisante pour satisfaire aux réserves faites quant aux vices ou malfaçons apparents qui existaient lors de la réception de l'ouvrage.
[…] » [Nos soulignements]

Ce premier droit de retenue consiste en celui prévu pour les déficiences et les malfaçons apparentes sur les travaux effectués. Lors de la réception de l’ouvrage par le client, celui-ci est en droit de retenir une somme suffisante sur les paiements dus. Selon les tribunaux, le montant retenu doit être proportionnel au coût des mesures de correction devant être apportées. L’objectif derrière ce pouvoir de rétention est de forcer l’entrepreneur à apporter les correctifs requis. En application de cette logique, le propriétaire de l’ouvrage doit permettre à l’entrepreneur d’effectuer les réparations.

L’entrepreneur général ne peut pas bénéficier de ce droit de retenue envers le sous-traitant. La retenue mentionnée à l’article 2111du C.c.Q. est réservée au propriétaire de l’ouvrage.

La retenue prévue à l’article 2123 C.c.Q.

« 2123. Au moment du paiement, le client peut retenir, sur le prix du contrat, une somme suffisante pour acquitter les créances des ouvriers, de même que celles des autres personnes qui peuvent faire valoir une hypothèque légale sur l'ouvrage immobilier et qui lui ont dénoncé leur contrat avec l'entrepreneur, pour les travaux faits ou les matériaux ou services fournis après cette dénonciation.
Cette retenue est valable tant que l'entrepreneur n'a pas remis au client une quittance de ces créances.
Il ne peut exercer ce droit si l'entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant ces créances. »

Ce deuxième droit de retenue est directement lié à l’hypothèque légale. En effet, le propriétaire de l’immeuble pourra retenir une somme sur les paiements faits à l’entrepreneur général pour assurer le paiement des sous-traitants qui ont dénoncé leur contrat aux fins de l’hypothèque légale.

Si le contrat entre l’entrepreneur général et le propriétaire prévoit des paiements par phase, le client peut exercer son droit de retenue lors de chaque versement. Il serait même préférable d’agir de la sorte pour éviter de retenir le dernier versement en entier et de se retrouver avec un montant insuffisant. Bien que le droit de retenue soit un moyen efficace pour favoriser l’acquittement de toutes les créances, il ne donne pas au client un droit de contrôle quant à l’ordre selon lequel l’entrepreneur paie ses créanciers. Pour libérer la retenue, l’entrepreneur doit remettre au client les quittances de ses sous-entrepreneurs.

Pour chacune de ces deux retenues, il est question de retenir une « somme suffisante ». Mais en quoi consiste une telle somme ? Pour plusieurs, un montant de 10 % du contrat leur vient immédiatement en tête. Or, ce pourcentage n’est indiqué nulle part dans les articles du C.c.Q. dont il a été question ci-dessus. Il est nécessaire de départager la loi des pratiques courantes. Il est toutefois possible de prévoir la valeur de la retenue et ce, à même le contrat.

La retenue contractuelle

En plus d’indiquer un pourcentage de retenue au contrat, il est également possible de prévoir que la transmission de certains documents (qu’il s’agisse des quittances, des documents de garantie, des manuels, de l’attestation de conformité de la CNESST ou de la lettre d’état de situation) est essentielle à la libération de la retenue. Cette façon de faire est bien connue des intervenants de l’industrie, mais celle-ci n’est pas toujours mise par écrit contractuellement. Or, dans la mesure où la retenue légale n’est pas applicable : pas de contrat, pas de retenue !

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