Dossier toitures vertes et agriculture urbaine - L'enjeu d'une bonne planification

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Il y a une vingtaine d’années, c’est particulièrement sur les grands édifices commerciaux et institutionnels que l’on retrouvait des toitures végétalisées. Depuis une décennie, ces ouvrages surmontent des bâtiments résidentiels. Ces constructions qui imposent une rigoureuse planification exigent une expertise d’ingénierie reconnue. De l’architecture de pontage aux subtilités d’aménagements, des professionnels des toits verts indiquent comment bien préparer un projet pour réussir une oeuvre sûre et durable. Abc d’un chantier.

Coiffer un bâtiment neuf d’une toiture végétalisée pourrait devenir, d’ici une décennie, une norme de construction résidentielle, prédisent des experts de la construction et de l’aménagement urbain.
Ce standard de bâtiment neuf est déjà instauré dans plusieurs grandes capitales internationales depuis 2008. Force est de constater que vivre sur les toits est un mode de vie qui prend de l’ampleur.

C’est dans cet esprit que des chantiers de transformation de toits conventionnels en surfaces végétalisées se multiplient sur des immeubles existants au Québec comme à travers le monde, particulièrement dans les centres urbains où ce type d’aménagement contribue à réduire les îlots de chaleur.

Denis Le Breton, spécialiste en horticulture pour la compagnie Les Toits Vertige prête son expertise aux projets de conversion de toitures traditionnelles en toits verts, un courant de haute spécialité. Maîtrisant tous les vecteurs de l’ingénierie d’adaptation d’immeubles neufs et existants, cette entreprise a mené à ce jour plus de 250 chantiers de toitures végétalisées uniquement au Québec.

Études préliminaires

Des projets qui, sans exception, débutent par des études préliminaires de conception. C’est-à-dire par de judicieux calculs visant à s’assurer de la résistance structurelle des immeubles. « Un incontournable qui permet d’établir la capacité portante d’une infrastructure donnée et de recommander, le cas échéant, la mise aux normes de l’assise de soutènement, explique M. Le Breton. Une analyse constitue le point de départ de tout projet de toits végétalisés. »

 « Ces dispositions permettent également d’évaluer le type de projet à envisager, caril existe trois différentes variétés de toitures végétalisées. Selon les observations et exigences retenues par le client, on pourra considérer l’aménagement d’une toiture de nature extensive, semi-extensive ou intensive, au choix », estime Denis Le Breton.

« La toiture extensive, la plus légère, est pourvue d’un minimum de substrat. Elle est généralement recouverte de 4 (10 cm) à 8 pouces (20 cm) de substrat de culture, une caractéristique qui limite la variété de
plantations. Elle convient particulièrement à la transplantation de sédum ou orpin, des plantes grasses très adaptées assorties de longues tiges charnues. »

En effet, idéal pour les toits verts, le sédum s’adapte sans peine à la sécheresse qui prolifère dans un sol ordinaire, neutre et drainé, exposé au grand soleil. L’aménagement du toit extensif peut également comprendre de petites vivaces, comme des graminées qui peuvent tolérer ce type d’environnement.

 toitures vertes et agrculture urbaineLes Toits Vertige

La toiture semi-extensive, une autre catégorie, est composée de 6 (15 cm) à 12 pouces (30 cm) de substrat. Une profondeur qui convient à une grande sélection de plantes, voire à de petits arbustes.

Poids et irrigation

Enfin, la toiture intensive, une surface comportant plus de 12 pouces (30 cm) de terre pour toits verts est adaptée, selon l’épaisseur du substrat, à tous les types de végétaux. Cette catégorie de toitures végétalisées nécessite cependant une structure de bâtiment offrant un maximum de capacité portante. On peut y pratiquer l’agriculture urbaine.

Les substrats de croissance conçus pour les toitures végétalisées sont plus légers et drainant qu’un terreau régulier utilisé dans les champs de cultures traditionnelles.

En outre, l’eau qui y pénètre s’irrigue rapidement. Ces qualités qui diminuent le poids d’un sol, qui sont plus appropriées au respect des normes de capacités portantes des structures de bâtiment, rendent le terreau moins spongieux.

Ce vecteur accélère en effet la course des engrais vers le fond du substrat pour être rapidement récupéré par les drains de l’immeuble vers les conduites d’égouts pluviaux. Ce qui peut avoir un effet légèrement contre-productif sur le plan écologique. C’est un système qui ne convient toutefois pas aux critères d’agricultures potagères traditionnels requérant une terre beaucoup plus riche en nutriments.

« L’agriculture sur les toits, un phénomène en pleine croissance, nécessite donc plus de compétences et de connaissances de l’amendement et de la fertilisation. Une rigueur soutenue des jardiniers est essentielle pour obtenir de bonnes pousses. À ce titre, les toitures végétalisées se prêtent davantage au fleurissement de jardins ornementaux exigeant un minimum d’effort et d’entretien », concède Denis Le Breton.

Qualité structurelle

Lorsque l’analyse des besoins pour le projet désigné révèle une carence dans la capacité portante de l’immeuble, on doit impérativement effectuer des travaux de renforcement de structure du bâtiment. À cet égard, la Régie du bâtiment du Québec précise que le calcul des charges structurales doit tenir compte d’une accumulation d’eau jusqu’au niveau des dalots en périphérie ou des trop-pleins, en présumant que les avaloirs de toit pourraient être obstrués et le substrat, inondé.

L’aménagement d’un toit végétalisé sur un bâtiment existant nécessite donc une attention particulière afin d’éviter toute défaillance structurale et la détérioration des matériaux et des assemblages existants. En effet, les charges du toit végétalisé non prévues lors de la conception du bâtiment sont susceptibles d’excéder la résistance de la structure, et la présence de substrat pourrait compromettre l’intégrité de la couverture et des matériaux contigus au toit végétalisé.

Il existe évidemment des technologies d’installation permettant de produire des toitures vertes inclinées, un type d’aménagement généralement plus coûteux. « Toutefois, dans la majorité des cas, nous confectionnons des toitures végétalisées plates », indique le porte-parole de Toits Vertige.

« Ces dernières constituent 90 % des mandats que nous dirigeons. Elles sont idéales pour la réalisation d’architectures d’irrigation et de drainage conventionnelles. Ce facteur est essentiel à la bonne santé d’un toit vert. Un autre facteur déterminant de succès résidera dans le degré de rusticité des plantes sélectionnées. Il est en effet fortement recommandé de choisir des plantes d’un niveau de rusticité plus robuste, de zone 4 et moins. Des végétaux résistants mieux aux vents, à la sécheresse et aux extrêmes de températures généralement observés sur les toits. »

Produit thermodynamique

toitures vertes et agriculture urbaine-2Les Toits Vertige

Défini comme une dimension sous-exploitée de l’environnement urbain, particulièrement en zone densément peuplée, le toit végétalisé représente un espace singulier de verdure et de tranquillité au coeur de la ville. Un endroit propice à différentes activités de travail et de détente assorti de vue imprenable, souvent sur 360 degrés.

Or, le toit végétal offre bien davantage qu’un site exclusif au regard dominant sur la ville. « Il protège le bâtiment en ajoutant au confort des occupants sur les étages en toutes saisons. En contribuant à réguler naturellement la température interne du bâtiment, il crée une thermodynamique d’isolation qui permet aux équipements de climatisation et de chauffage d’être moins sollicités », explique Denis Le Breton.

Les toitures végétalisées bien construites capturent également de manière très efficace les eaux de pluie. De l’absorption des précipitations par le substrat et les plantes à la gestion du ruissellement des zones saturées, à l’aide d’infrastructure de drainage, les toits verts retiennent, filtrent et irriguent les eaux pluviales lorsqu’ils sont bien construits.

Membrane d'étanchéité

À ce titre, une toiture verte n’est pas étanche, explique l’architecte paysagiste et designer de toits végétalisés Roxanne Miller. « Le toit vert est conçu de manière à laisser passer tout surplus d’eau lorsque le substrat et les végétaux en sont saturés. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir une membrane d’étanchéité imputrescible ainsi qu’une membrane antiracine sous la surface végétalisée. »

Représentante technique des produits Sopranature, le système de toitures végétalisées de Soprema, une entreprise manufacturière d’envergure internationale, cette passionnée de verdure qui contribue à l’essor du mouvement aide les architectes à élaborer des solutions d’avant-garde. Des procédés de planification qui visent à créer un plan d’ingénierie pour identifier la meilleure sélection de matériaux et de produits à adopter pour réussir un projet.

Évolution des systèmes

« À cet égard, les systèmes évoluent et les manufacturiers s’adaptent aux tendances, précise-t-elle. Dans la foulée, les coûts de production des matériaux diminuent et des procédés plus simples d’installations sont étudiés et lancés.

On constate ainsi l’émergence de systèmes modulaires de couches de membranes plus efficaces, légers et faciles à installer. Aussi, des systèmes offrant une plus grande capacité de rétention d’eau pour répondre aux enjeux dressés par l’agriculture urbaine », conclut l’architecte paysagiste Roxanne Miller.

Agriculture urbaine - améliorer ses connaissances

Près de 14 M de pieds carrés (1,3 M de mètres carrés) de surfaces au Québec sont présentement destinés à l’agriculture urbaine selon le site cultivetaville.com. Ces potagers de proximité de nature plutôt écologique se trouvent parfois sur un toit d’immeuble adapté dit toiture végétalisée, dans un îlot de jardins communautaires au sol, et de en plus dans des bacs placés sur des balcons de logements individuels.

L’agriculture urbaine à dessein collectif exige cependant des compétences approfondies de jardinage et un engagement soutenu des planteurs et cultivateurs, particulièrement si elle se déroule sur un toit. Une visite de certaines installations pédagogiques qui font école aidera à comprendre les fondements de ces exigences, ce qui inclut l’observation d’une réglementation municipale stricte.

Réglementation

La plupart des règles concernant la production agricole en milieu urbain relèvent des règlements d’urbanisme. En effet, chaque municipalité possède ses propres règlements de zonage. Les objectifs de cette réglementation visent à diminuer la nuisance liée à certaines pratiques d’agriculture et à éviter les conflits déjà observés entre citoyens et ce faisant, à favoriser la cohabitation harmonieuse de tous dans la ville.

Ces règles de zonage précisent les usages permis ou interdits pour chacune des zones de la ville. Elles expliquent aussi les dispositions à respecter. Le site du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec a d’ailleurs produit à cet égard le Guide de l’agriculteur urbain. Ce guide numérique regorge de trucs et conseils avisés pour outiller le citadin qui veut lancer un projet de potager urbain.

Vous pouvez obtenir davantage de renseignements sur ce nouveau courant d’agriculture en navigant sur www.mapaq.gouv.qc.ca et cultivetaville.com. Ces sites constituent des portails dynamiques d’apprentissage, d’échanges et de mise en valeur des connaissances personnelles et professionnelles sur le sujet. Ils informent sur l’art de devenir un parfait « urbainculteur », un nouveau mot à intégrer au dictionnaire.

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