Technologies : le domaine de la construction en mode 4.0

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Îlot Balmoral - Crédit photo : SHDM


Chantiers survolés par des drones. Outils connectés. Robots. Impression en 3D. Applications permettant la collaboration entre tous les intervenants d’un chantier. Logiciels de modélisation 3D. Où en est l’industrie de la
construction au Québec en matière de technologies et quelles sont les principales tendances dans ce domaine ?

Quand il a lancé Batimatech, en 2016, Francis Bissonnette pensait que le besoin pour un événement mariant construction et nouvelles technologies était réel. L’organisateur a visé juste puisque chaque édition depuis se tient à guichets fermés. Ainsi, selon les projections, la rencontre du 18 septembre prochain devrait permettre de réunir plus de 300 personnes, dont une quarantaine de conférenciers.

L’objectif derrière Batimatech ? Créer des ponts entre « tout ce monde des TI qui grouille et invente toutes sortes de solutions avec celui de la construction qui cherche des moyens de rattraper son retard en TI », précise Francis Bissonnette, également président et fondateur de SiM5, agence de service-conseil spécialisée en contenu numérique.

Car si le secteur de la construction a déjà amorcé son virage numérique, il n’en est qu’au début. Un départ plus lent que dans d’autres industries s’expliquant notamment par la structure du domaine, analyse Conrad Boton, professeur à l’école de technologie supérieure (ÉTS) et membre du Groupe de recherche en intégration et développement durable en environnement bâti (GRIDD). « Contrairement à l’aérospatial, par exemple, où les grands joueurs donnent l’impulsion, la construction est morcelée en une multitude de petites firmes. »

Ainsi, non seulement chaque construction est unique, mais chaque projet combine l’expertise de différentes entreprises s’alliant temporairement. Bien qu’essentiel, mettre tout le monde sur la même longueur d’onde... technologique n’a rien de simple. « Une étude européenne a démontré que la même information sur un chantier sera reproduite en moyenne sept fois dans différents systèmes. Ce qui pose problème lorsqu’il faut consulter la version la plus à jour », illustre-t-il.

Vers la révolution de BIM

Toutefois, l’adoption par plusieurs de l’approche BIM (Building Information Modeling), qui n’est pas nouvelle en soi, a complètement changé la donne. « Cela a marqué un tournant dans l’industrie, qui a commencé à parler d’une même voix », note le professeur. Ainsi, cette méthode permet non seulement de travailler en 3D, mais également en collaboration avec tous les spécialistes. « Cela permet de briser les silos en créant un environnement propice aux différentes spécialisations, ce qui n’était pas possible avant. C’est de cette collaboration que provient la valeur ajoutée », renchérit Sébastien Frenette, président du Groupe BIM du Québec, organisme sans but lucratif qui s’intéresse aussi à l’utilisation des technologies numérique en construction.

Le BIM permet de se plonger dans un univers en trois dimensions « avec sémantique, c’est-àdire que plusieurs propriétés des éléments sont intégrées au système », indique Conrad Boton. « Mieux : on y ajoute aussi la 4D, la 5D et même la 6D, précise Alexandre Skerlj, directeur de projet au CEFRIO (Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations), soit la gestion du temps, des coûts et le développement durable. Même la durée de vie des différents composants lors de l’opération du bâtiment est prise en compte », poursuit-il.

Une véritable révolution ayant permis de fédérer les efforts des intervenants du domaine. Et, si on regarde ce qui se fait ailleurs, notamment en Angleterre, la tendance ne risque pas de s’essouffler. En effet, le fait d’utiliser le BIM fait partie des critères de sélection lors des appels d’offres publics, ajoute Conrad Boton. Au Québec, la Société québécoise des infrastructures a aussi mis en place une feuille de route sur le virage numérique qui s’étend jusqu’en 2021.

Des tendances à surveiller

Si l’approche BIM est plus fréquente à l’étape de la conception d’un projet, ce mode de travail est également tout indiqué pour la réfection de bâtiments existants, explique Francis Bissonnette. Si cette technologie a été utilisée lors de l’implantation des bureaux de Desjardins au stade olympique, entre autres, c’est encore rare. « Cela permet de déterminer tous les éléments du chantier avec une grande précision, comme l’emplacement des grues. C’est aussi un bon outil pour mieux gérer les échéanciers. »

Dans l’avenir, les technologies de l’information risquent également de prendre de plus en plus de place directement sur le terrain, prévoit Conrad Boton pour connecter les chantiers, qui deviendront 4.0. « Il y aura de plus en plus de capteurs permettant de recueillir l’information en temps réel. Mais il faudra analyser ces données, ce qui constituera un défi important. » Objets connectés, GPS, drones et autres devraient donc apparaître dans le paysage.

Portrait Cefrio technologies
Alexandre Skerlj, directeur de projet au CEFRIO.

Autre domaine à surveiller : la réalité virtuelle ou augmentée. Une technologie qui fait une percée dans le secteur de la construction. « Cette approche a notamment été utilisée pour la conception de certains hôpitaux, pour que les chirurgiens vérifient la configuration des salles d’opération avant la première pelletée de terre », cite en exemple Alexandre Skerlj. Une pratique qui pourrait se répandre, estime Sébastien Frenette. « Ainsi, il est possible de s’ajuster selon les besoins des clients sur plan, plutôt qu’en cours de chantier. Ce qui diminue les coûts ! »

Et ce n’est qu’un début avec l’avènement du 5G, qui permettra d’augmenter énormément la puissance des réseaux. Les possibilités, déjà multiples, risquent donc de se multiplier à la vitesse grand V. « Mais ce qui est le plus important, c’est de trouver les solutions les plus adaptées selon les besoins de son entreprise et non pas de vouloir adopter une technologie à tout prix », conclut Conrad Boton. À méditer !

SIX CONSEILS POUR RÉUSSIR SA TRANSITION NUMÉRIQUE

Il existe déjà des centaines de possibilités technologiques pour concevoir, planifier et gérer des chantiers de construction. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Comment sélectionner les meilleures options ? Six conseils d’experts.

1 - Établir le bon diagnostic

Avant de se lancer, il faut s’assurer que le produit convient réellement à ses besoins immédiats et à ses objectifs stratégiques à long terme. « Par exemple, est-ce que vous voulez traiter l’information, accéder aux plans, localiser vos matériaux ? Ensuite, vous pourrez fixer un budget et un plan réaliste pour y arriver », soutient Sébastien Frenette, président du Groupe BIM du Québec.

2 - Consultez

Le discours est parfois pollué par les vendeurs », explique Conrad Boton, professeur à l’école de technologie supérieure (ÉTS) et membre du Groupe de recherche en intégration et développement durable en environnement bâti (GRIDD). C’est pourquoi il vaut mieux se faire conseiller par des sources indépendantes, comme des consultants en TI. De plus, il existe beaucoup de documentation disponible, notamment sur le site du CEFRIO, du groupe BIM Québec ou de Batimatech.

3 - Ralliez vos troupes

Avant d’investir, il faut s’assurer que vos employés voient l’avantage de ces changements. Car s’ils n’en voient pas l’utilité ou pire, estiment que cela leur nuit, ils risquent de ne pas se servir des outils à leur disposition, explique Conrad Boton. Il vaut donc mieux valider à l’interne en premier. « Vous pouvez aussi offrir un budget techno à vos équipes, pour qu’ils puissent acheter des versions démos et les tester. Ils pourront ensuite vous faire des suggestions éclairées », conseille Francis Bissonnette, président et fondateur de SiM5.

4 - Investissez en temps et en ressources

Pour éviter de faire chou blanc, il ne faut pas que le changement repose uniquement sur une ressource à l’externe, affirme Alexandre Skerlj, directeur de projet au CEFRIO. Au contraire : il faut s’assurer d’allouer du temps au personnel pour mettre en place de nouveaux processus, se former, tester le tout, etc. Mieux : nommez un responsable à l’interne !

5 - Allez voir ailleurs !

S’il existe toutes sortes de technologies développées pour le domaine de la construction, il faut oser aller voir ce qui se fait en dehors de son industrie, estime Francis Bissonnette. Il cite en exemple des outils comme Dropbox, mais aussi Asana, un logiciel de gestion de projets. Adopté notamment par Disney, il peut fort bien s’adapter à plusieurs contextes.

6 - Utilisez la force du réseau

Des organismes comme le groupe BIM Québec ou des événements comme Batimatech permettent de partager ses bons coups, ses erreurs, de discuter des enjeux et des solutions éventuelles. Sans compter que ces organismes offrent la possibilité, via activités et conférences, d’être à l’affût des nouveautés dans le domaine. De quoi faire le plein d’idées !

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Photo page d'accueil : Grand Théâtre de Québec, crédit photo : Pomerleau

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