Entrepreneur et responsabilité criminelle

Marianne Lajoie, avocate
Marianne Lajoie, avocate
Chroniqueur Juridique

Triste première au Québec : le 1er mars 2018, la Cour du Québec a déclaré un entrepreneur en construction coupable de négligence criminelle ayant causé la mort, mais également d’homicide involontaire coupable envers un travailleur sur un chantier de construction1 .

Les faits

Le 3 avril 2012, Sylvain Fournier, président de l’entreprise S. Fournier Excavation inc., ainsi que son employé Gilles Lévesque doivent changer un tuyau d’égout d’une résidence. Pour faire ce travail, une tranchée doit être creusée afin d’accéder au tuyau à remplacer. Alors que le creusement de la tranchée est terminé et que les deux hommes se trouvent à l’intérieur de celle-ci, une paroi s’effondre. Sylvain Fournier est alors enseveli jusqu’à la taille, subissant de multiples fractures aux jambes. De son côté, Gilles Lévesque est complètement enseveli et les secours ne peuvent que constater son décès par traumatisme craniocérébral au moment où ils réussissent à l’atteindre.

Vous êtes en autorité sur un chantier ? Vous êtes responsable

Les accusations portées envers Sylvain Fournier sont basées sur les articles du Code criminel portant sur la négligence criminelle et l’homicide involontaire coupable, mais surtout sur l’article 217.1 du Code criminel. Cet article énonce « qu’il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui ».

Ainsi, que ce soit l’employeur lui-même, un surintendant ou un contremaître, toute personne en autorité qui dirige l’exécution d’un travail est responsable d’éviter qu’il en résulte des blessures corporelles pour une autre personne.

Dans le dossier de Sylvain Fournier, le Tribunal a conclu que l’accusé, en omettant de respecter les obligations imposées par la Loi sur la santé et la sécurité du travail2 et le Code de sécurité pour les travaux de construction3 a démontré qu’il n’avait pas pris les mesures voulues pour éviter la mort de son employé. Le juge a déterminé que parce qu’il a omis de respecter ces obligations, Sylvain Fournier a démontré une insouciance déréglée à l’égard de la vie du travailleur et qu’il a donc fait preuve de négligence criminelle ayant causé la mort.

De façon plus importante, le juge a déterminé que Sylvain Fournier est également coupable d’un homicide involontaire coupable à la suite de ses agissements. Le fait de ne pas avoir respecté l’obligation qui lui incombait d’étançonner solidement les parois de la tranchée représente un acte illégal objectivement dangereux ayant causé la mort de Gilles Lévesque. Cette façon d’agir représente un écart marqué de conduite par rapport à une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances qui aurait prévu le risque de lésion corporelle ou de mort.

Et pour le futur

En tant qu’entrepreneur, vous devez toujours vous assurer que tout est mis en place afin d’éviter de si tristes accidents. Ainsi, la gestion proactive de la santé et de la sécurité et la formation de tous les acteurs sur un chantier deviennent encore plus importants et devraient être au coeur des orientations des entreprises.

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Nota bene : La décision rendue le 1er mars 2018 fait présentement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Québec.

¹ Voir jugement : R. c. Fournier, 2018 QCCQ 1071
2 Loi sur la santé et la sécurité du travail,
RLRQ, c. S-2.1
3 Code de sécurité pour les travaux de
construction, RLRQ, c. S-2.1, r. 4


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