Doit-on respecter la méthode de réalisation des travaux spécifiée aux plans et devis ?

Marie-Mychel de Charette, avocate
Marie-Mychel de Charette, avocate
Chroniqueur Juridique

C’est la question sur laquelle un juge de la Cour supérieure a eu à se pencher dans une affaire récente opposant Développement Atrium inc. (Atrium) au Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval1 (CISSS) dans le cadre d’un litige concernant le paiement de travaux supplémentaires et de réclamation de crédits.

Le CISSS soutenait qu’Atrium avait fait un mauvais choix dans sa méthode de travail et réclamait des crédits correspondant à des travaux décrits au contrat, mais non exécutés par ce dernier. Le juge a rejeté les deux réclamations de crédits, une portant sur la ventilation temporaire et l’autre sur la relocalisation des équipements électriques. En voici les détails.

Ventilation temporaire

Lors de son témoignage, le professionnel a expliqué qu’il avait prévu la méthode de ventilation dans le devis de mécanique et d’électricité afin que les soumissionnaires s’assurent de la qualité de l’air sur les lieux où se réalisaient les travaux aux bénéfices des travailleurs et occupants de l’immeuble.

La méthode consistait en l’installation de gros ventilateurs dans les fenêtres afin de faire entrer de l’air frais et d’expulser l’air vicié en précisant même le sens où la ventilation circulerait dans les divers corridors du bâtiment.

Contrairement à ce qui était prévu, Atrium a opté pour l’installation de petits ventilateurs reliés à des tuyaux flexibles afin d’expulser à l’extérieur les poussières et l’air vicié, résultat du travail réalisé à l’aide des équipements mécaniques (CO). Cela avait pour avantage de mieux cibler les sources de pollution et évitait de refroidir indûment les lieux des travaux par l’entrée massive d’air froid lors de la période hivernale. Le CISSS considère qu’Atrium n’a pas suivi la méthode de ventilation temporaire tel que spécifiée dans la portée des travaux et demande un crédit pour les travaux non réalisés.

Le juge considère que l’obligation d’Atrium est de satisfaire aux exigences en matière de pollution, de santé et de chauffage et non de fournir les composantes précises de cette réalisation à savoir l’installation de gros ventilateurs aux fenêtres.

Il ajoute que « Bien que les documents contractuels puissent spécifier des matériaux ou une procédure obligatoire de pose et des performances à respecter, l’entrepreneur demeure maître de la méthode. Le maître d’oeuvre ne doit pas confondre la demande telle qu’imaginée par le concepteur, dans notre cas, prévoir une ventilation temporaire, et l’intention prévue au Contrat qui vise à maintenir la qualité de l’air durant l’exécution des travaux. L’installation d’une ventilation temporaire ne peut pas s’assimiler à l’obligation de respecter une procédure obligatoire de pose d’équipements ou de matériaux nécessaires à la réalisation et la remise de l’ouvrage prévu.2 ».

Par conséquent, « quelle que soit la méthode retenue par Atrium, l’objectif d’évacuation de l’air souillé et de maintenir la température est rencontré, le professionnel, en requérant l’exécution de travaux n’ayant aucun lien avec l’ouvrage à réaliser, ajoute aux obligations de l’entrepreneur et intervient dans la méthode. Le Professionnel n’a, à ce sujet, aucun lien de subordination sur Atrium. »3

Relocalisation des équipements électriques

Suivant le même raisonnement, le juge a déterminé que la méthode de travail proposée aux plans et devis, soit l’enlèvement d’équipements électriques fixés au mur ainsi que la démolition desdits murs pour permettre l’installation de la nouvelle conduite de drainage, ne faisait pas partie de l’ouvrage à réaliser, lequel était plutôt de faire passer le drainage sous les murs.

Atrium a trouvé le moyen de réaliser les travaux sans déplacer les équipements électriques, en faisant un percement sous les deux murs à démolir afin de permettre le passage du drainage, ce qui répond au même objectif que la méthode prévue aux plans et devis émis par le professionnel.

Bref, ce jugement vient rappeler toute l’autonomie dont dispose les entrepreneurs pour réaliser leurs contrats et vient tracer les limites d’intervention des professionnels dans la rédaction de devis, particulièrement concernant les méthodes à utiliser pour exécuter certains travaux4.

1 Développement Atrium inc. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval, 2019 CanLII 3793 (QC CS).
2 Id., par. no 128.
3 Id., par. no 131.
4 2099 du Code civil du Québec.

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