Contrats publics : comment bien se préparer ?

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Le Plan québécois des infrastructures 2021-2031 met de l’avant des investissements importants pour la construction d’écoles, de maisons des aînés et la réfection de nombreux hôpitaux et CHSLD partout au Québec. Devant ce nombre important d’appels d’offres, comment réussir à passer au travers les dédales administratives et bien préparer ses soumissions ?

En mai dernier, l’ACQ dévoilait les résultats d’une étude, réalisée par la firme Raymond Chabot Grant Thornton qui révélait que l’intérêt envers les marchés publics connaît une importante baisse tant chez les entrepreneurs (38 %) que chez les professionnels (40 %).

Aux yeux des répondants, trop peu de donneurs d’ouvrage publics mettent en place des conditions attrayantes pour les soumissionnaires. En plus de la surchauffe du marché, du manque de disponibilité de certains matériaux et de la rareté de la main-d’œuvre, ce manque d’attractivité des marchés publics fait en sorte que près de 75 % des répondants confirment écarter les donneurs d’ouvrage publics en fonction des conditions qu’ils offrent.

Les irritants suivants constituent des freins majeurs face aux marchés publics : la présence de clauses de pénalité et de clauses abusives dans les contrats, les enjeux en lien avec les processus d’appel d’offres, la lourdeur de la gestion contractuelle, ainsi que la prépondérance du prix dans certains marchés. Les politiques et les modalités de paiement actuelles ressortent parmi les principales raisons communes contribuant à une baisse de l’intérêt des professionnels et des entrepreneurs pour les marchés publics. Les entrepreneurs critiquent les délais de paiement. La Coalition contre les retards de paiements dans la construction est d’ailleurs active depuis plusieurs années concernant cet enjeu. Les professionnels, de leur côté, souhaitent un ajustement du tarif maximal autorisé. Tous ces irritants poussent environ 60 % des entrepreneurs et des professionnels à vouloir se tourner davantage vers les contrats privés.

Afin de remédier à la situation et de favoriser une plus grande qualité des projets, les répondants à la consultation de Raymond Chabot Grant Thornton, suggèrent quatre grands axes d’intervention :

1) Attractivité des contrats – Préparation d’appels d’offres clairs, plus équitables et attrayants pour les soumissionnaires et utilisation du mode de réalisation le mieux adapté à la nature du contrat. Cette solution consisterait notamment à retirer les clauses abusives des contrats, réduire la durée de validité des appels d’offres/ soumissions et produire des appels d’offres de meilleure qualité.

2) Règlement des différends – Adoption d’une attitude collaborative facilitant les négociations et un processus de règlement des différends transparent et standardisé afin de faciliter l’avancement du projet et en assurer une gestion équitable.

3) Modalités de paiement – Mise en place d’un calendrier de paiement avec des délais fixes qui prévoit notamment des clauses d’engagement pour les donneurs d’ouvrage afin d’assurer que les contractants et sous-contractants soient rémunérés dans des délais raisonnables.

4) Interventions gouvernementales – Mise en œuvre d’interventions gouvernementales pour standardiser les processus des différents donneurs d’ouvrage. Ces interventions devraient comprendre l’indexation du tarif d’honoraires des architectes et des ingénieurs, le développement de critères de qualité favorisant la concurrence pour la sélection des professionnels ainsi que l’optimisation et la standardisation des processus d’appels d’offres.

Création d’un comité conjoint SQI – ACQ, CEGQ, APECQ

Autre irritant soulevé concernant les appels d’offres publics, c’est que ces derniers sont souvent annulés en raison des prix trop élevés des soumissions fournies par les entrepreneurs. Ces prix sont élevés, car les entrepreneurs veulent se protéger des risques de hausse des coûts de matériaux.

L’ACQ a participé à la création d’un comité conjoint avec la SQI, la CEGQ et l’APEQ afin d’ajouter aux contrats de nouvelles clauses qui permettraient d’ajuster les prix en fonction des variations qui pourraient survenir.

Jusqu’à maintenant, ce comité a travaillé en collaboration avec Statistique Canada afin de mettre de l’avant 9 indices des prix des produits industriels (IPPI). Les indices convenus pour fins d’ajustements seront identifiés pour chacun des projets et pourront être modifiés pour les projets subséquents afin de refléter le mieux possible l’augmentation réelle des coûts à laquelle font face les entreprises au cours d’une période de 24 mois. Déjà, le comité a rencontré des représentants de Statistique Canada en juin et juillet afin de pouvoir mettre en vigueur cette clause d’ajustement des prix à l’automne 2021. Restez à l’affût, des informations sur l’avancement de ce projet seront diffusées au cours de l’automne sur acq.org.

Malgré tout, comment bien se préparer ?

D’entrée de jeu, M. Daniel Paquette, directeur des opérations au BSDQ suggère aux entrepreneurs généraux, sachant que des soumissions peuvent être déposées au BSDQ jusqu’à 5 jours ouvrables avant la clôture de l’appel d’offres chez le maître de l’ouvrage, de lancer les invitations à soumissionner aux entrepreneurs spécialisés dès qu’ils ont un intérêt pour un projet. Il suggère également aux entrepreneurs spécialisés de ne pas attendre à la dernière minute pour remplir une soumission. « Il faut prévoir les délais pour recevoir les prix des fournisseurs et les délais pour les demandes de cautions, par exemple ».

M. Paquette précise également qu’étant donné qu’il est de la responsabilité des entrepreneurs spécialisés de s’assurer d’avoir tous les documents de soumission pour préparer une soumission complète et conforme, il leur recommande, lorsque cela est possible, d’acheter les plans et devis et ainsi de faire partie de la liste de distribution lorsqu’il y a des addendas. « Notre système électronique de transmission des soumissions (TES) est très convivial et donne beaucoup de renseignements aux entrepreneurs afin de ne rien oublier lorsqu’ils remplissent le formulaire de soumission de la TES, poursuit-il. Les soumissionnaires doivent aussi se conformer aux directives des donneurs d’ouvrage. Par exemple, s’ils veulent utiliser un matériau de remplacement, ils doivent s’assurer que cela est conforme à l’appel d’offres du donneur d’ouvrage. »

Lire attentivement la documentation d’appel d’offres

« Bien lire les documents d’un appel d’offres permet de bien se préparer à remplir une soumission. Par exemple, s’il y a une clause qui indique qu’il y aura des pénalités en cas de retard de livraison de l’ouvrage et que les délais de construction semblent irréalistes, il sera bon de prévoir d’avance le coût d’une pénalité dans son prix », commente Maria Cristina Argento, avocate à l’ACQ.

Vérifier les conditions d’admissibilité de l’entreprise

Depuis le 1er juin 2010, l’Attestation de Revenu Québec (ARQ) est exigée en matière de contrats publics seulement. Cependant, depuis le 1er mars 2016, dans le cadre de la lutte contre le travail au noir, elle est aussi exigée en matière de contrats privés et publics pour les sous-traitants. L’ARQ est exigée pour le sous-contractant lorsque le total des contrats (publics et privés) avec le même entrepreneur général atteint un seuil de 25 000 $ avant taxes dans la même année civile. Lorsque ce seuil est atteint, le sous-contractant devra fournir l’ARQ à cet entrepreneur pour TOUT contrat futur, peu importe sa valeur.

Toute entreprise qui souhaite conclure des contrats ou des sous-contrats publics doit faire une demande auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMP) afin d’obtenir une autorisation de contracter (si le contrat comporte une dépense égale ou supérieure au montant déterminé par le gouvernement).

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Le seuil provincial est fixé à :

  • 5 M$, pour tout contrat et sous-contrat de travaux de construction ou de partenariat public-privé
  • 1 M$, pour tout contrat et sous-contrat de services conclus à la suite d’un appel d’offres ou attribué de gré à gré

Le seuil pour la Ville de Montréal est fixé à 100 000 $, pour tout contrat :

  • De travaux de construction, de reconstruction, de démolition,de réparation ou de rénovation en matière de voirie, d’aqueduc ou d’égout
  • D’approvisionnement en enrobés bitumineux

De services liés à la construction, la reconstruction, la démolition,la réparation ou la rénovation en matière de voirie, d’aqueduc ou d’égout.
De plus, le seuil pour la Ville de Montréal est fixé à 25 000 $ pour les sous-contratsrattachés directement ou indirectement aux contrats visés par le seuil de 100 000 $ mentionnés ci-dessus.

La demande doit être accompagnée de documents obligatoires, dont notamment les états financiers audités du dernier exercice financier de l’entreprise et l’attestationde Revenu Québec.

L’entreprise qui désire soumissionner doit aussi être inscrite au Registre des entreprises autorisées (REA) qui consigne le nom des entreprises détenant une autorisation délivrée par l’AMP. De son côté, le Registre des entreprises non autorisées (RENA) consigne le nom des entreprises s’étant vu refuser la délivrance, le renouvellement ou à qui l’AMP a révoqué une autorisation. Ainsi, à compter de son inscription au RENA, une entreprise ne pourra se voir accorder un contrat public ou sous-contrat public ou poursuivre un tel contrat en cours d’exécution, et ce, pour une durée de cinq ans.

Permis, licences, certification

Un entrepreneur en construction doit obligatoirement détenir une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) qui doit être maintenue annuellement. L’objectif de ce maintien est de s’assurer que le titulaire de la licence satisfait toujours aux conditions requises par la Loi sur le bâtiment pour détenir une telle licence. Une fois la licence émise, l’entrepreneur peut se voir imposer par la Régie une restriction s’il commet certaines infractions. Ainsi, l’entrepreneur qui voit sa licence restreinte ne peut conclure, directement ou indirectement, des contrats avec des organismes publics.

Les documents de soumission obligent le soumissionnaire à détenir la licence requise. Toutefois, le maître d’ouvrage n’a pas l’obligation d’indiquer les licences précises puisque la Loi sur le bâtiment est d’ordre public. En l’absence de la bonne licence, il est impossible de contracter. De plus, l’entrepreneur général ne peut pas faire exécuter des travaux autres que ceux prévus à sa licence.

Instructions aux soumisionnaires

Les instructions aux soumissionnaires indiquent comment procéder pour présenter une soumission complète et conforme aux exigences de l’appel d’offres. En principe, elles sont obligatoires. Elles énumèrent tous les documents remis aux soumissionnaires. À cette étape, il faut s’assurer d’avoir en mains toute la documentation.

Elles indiqueront entre autres : la date, le lieu et l’heure fixés de la visite, la date, le lieu et l’heure fixés pour le dépôt des soumissions et, le cas échéant, la date, le lieu et l’heure fixés pour l’ouverture des soumissions ainsi que la possibilité pour les soumissionnaires d’y assister.

Elles informent également de la formule de soumission à remplir et les autres documents à annexer à la soumission.

Elles contiennent également une indication aux soumissionnaires précisant que le défaut de remettre tous les documents exigés, dûment remplis et signés, permettra à l’organisme public de ne pas considérer la soumission. Elles contiennent aussi la déclaration du soumissionnaire quant à la véracité des informations fournies ainsi que la nature et le montant des garanties de soumission exigées et de celles qui seront exigées si la soumission est retenue. Elles comprennent également la lettre d’intention de cautionnement par laquelle l’entreprise s’engage à émettre les garanties d’exécution si la soumission est retenue, le délai de validité de la soumission et des garanties ainsi que le nom de la personne-ressource en cas d’ambigüité.

Les instructions aux soumissionnaires réitèrent habituellement la réserve à l’effet que l’organisme public ne s’engage à accepter ni la plus basse ni aucune des soumissions reçues et qu’elle décline toute responsabilité à l’égard de l’un ou l’autre des soumissionnaires, à la discrétion du donneur d’ouvrage. Cette discrétion est cependant sujette au devoir d’équité ainsi qu’au principe de l’égalité de traitement.

Il est aussi important de valider si le projet en question fait partie du projet pilote visant à faciliter les paiements dans l’industrie de la construction. Ce projet pilote vise à expérimenter diverses mesures destinées à faciliter le paiement aux entreprises qui soumissionnent sur des contrats publics de travaux de construction. Il vise essentiellement à tester deux éléments principaux, soit le calendrier de paiement obligatoire et un mode de règlement des différends plus rapide, avec le recours à un intervenant expert.

Poser des questions avant le dépôt

La personne-ressource désignée dans les documents d’appel d’offres peut répondre à vos questions en cas d’ambiguïté. Il faut seulement s’assurer des formalités pour soumettre les questions (délai, format écrit ou autre, etc.).

Déposer une soumission conforme aux exigences

Il faut s’assurer de répondre aux formalités : date, heure, endroit, format (papier, nombre d’enveloppes, copies, électronique).

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Grilles de vérification

Les grilles de vérification, élaborées par les comités des entrepreneurs généraux et spécialisés de l’ACQ, sont des guides qui vous seront utiles dans la gestion quotidienne de vos projets. Le but est de vous aider à travers chacune des étapes d’un projet.

Entrepreneurs spécialisés :

  • Grille de vérification pour soumission
  • Grille de vérification précontractuelle
  • Grille de vérification de l’administration du contrat
Entrepreneurs généraux :
  • Grille de vérification pour soumission

Ces grilles se trouvent dans l’Espace ACQ à la section « administration » et sont disponibles pour les membres de l’ACQ uniquement.

La hausse du prix des matériaux, le manque de disponibilité de certains matériaux et la pénurie de main-d’oeuvre n’aident certainement pas les entrepreneurs à soumissionner sur des appels d’offres publics. Toutefois, en raison des nombreux investissements dans les infrastructures, le milieu de la construction devra trouver des solutions afin de pouvoir répondre à la demande. Les démarches de l’ACQ en collaboration avec d’autres associations d’entrepreneurs auprès du gouvernement vont bon train. Une histoire à suivre.

Cet article a été écrit en collaboration avec Maria Cristina Argento, avocate à la Direction des affaires juridiques et gouvernementales de l'ACQ.

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