Deux interprétations de la clause de « paiement sur paiement »

Deux interprétations de la clause de « paiement sur paiement »
Winnie Nguyen
Winnie Nguyen
Chroniqueur Stagiaire en droit, Bélanger Paradis avocats

Tel que vous le savez, il est possible pour un entrepreneur général d’inclure à son contrat de sous-traitance une clause de « paiement sur paiement », soit une clause voulant que les sommes facturées par le sous-traitant soient payées uniquement lorsque l’entrepreneur général aura reçu le paiement correspondant du donneur d’ouvrage.

Or, il existe deux types de clauses de « paiement sur paiement », soit l’une que l’on peut qualifier d’obligation conditionnelle et l’autre d’obligation à terme.

La distinction entre les deux types de clauses est importante puisque celles-ci entraînent des répercussions complètement différentes.

L'obligation à terme

L’obligation à terme est définie par l’article 1508 du Code civil du Québec. Ici, les parties conviennent que le paiement sera reporté jusqu’à l’arrivée d’un événement futur et certain, soit le paiement à l’entrepreneur général par le donneur d’ouvrage. Ce faisant, lorsque l’événement tenu pour certain n’arrive pas, par exemple lorsque le donneur d’ouvrage fait faillite et que l’entrepreneur général ne recevra jamais l’ensemble des sommes lui étant dues, les sommes dues par l’entrepreneur général au sous-traitant deviendront alors exigibles.

L’obligation conditionnelle

Quand à l’obligation conditionnelle, elle est définie par l’article 1497 du Code civil du Québec. Ici, les parties conviennent que le paiement devra être effectué à l’arrivée d’un événement futur, mais incertain. En d’autres mots, et contrairement à l’obligation à terme, l’obligation conditionnelle a pour conséquence que le sous-traitant ne se fera payer qu’uniquement si l’entrepreneur se fait payer par le donneur d’ouvrage. Conséquemment, pour ce type d’obligation, l’entrepreneur général pourrait ne jamais avoir à payer son sous-traitant même s’il devient évident qu’il ne recevra jamais le paiement correspondant du donneur d’ouvrage.

La jurisprudence a établi que la clause de « paiement sur paiement » conditionnelle doit être rédigée en des termes clairs et précis par l’utilisation de mots comme « si » ou « pourvu que » 1. Dès qu’une ambiguïté est démontrée, la clause de « paiement sur paiement » sera considérée comme étant une obligation à terme. À titre d’exemple, la clause suivante a été considérée comme ambigüe selon les tribunaux : « l’entrepreneur payera le sous-traitant dans les 5 jours suivant le paiement par le propriétaire » 2.

En résumé, non seulement la présence d’une clause de « paiement sur paiement » a des conséquences sur le paiement des factures du sous-traitant, mais le type d’obligation qui en découle (à terme ou conditionnelle) peut avoir comme conséquence que ses factures puissent demeurer impayées et inexigibles pour plusieurs mois, plusieurs années, voire à jamais.

La nuance entre les deux types de clauses de paiement sur paiement n’est pas évidente et il est recommandé de consulter un avocat afin de bien en comprendre les implications et les conséquences.

1) À cet égard, voir notamment les décisions Signalisation SMG inc. c. Construction Garnier ltée, 2020 QCCS 1049; Design & construction Giffels Québec inc. c. Excavation Yelle inc., 2016 QCCA 256 et Plomberie KRTB inc. c. Construction Citadelle inc., 2015 QCCS 3103.2) Cette clause est similaire à celle qui a fait l’objet du litige dans la décision Design & construction Giffels Québec inc. c. Excavation Yelle inc., précitée.

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