Un de vos anciens clients vous contacte quelques années suivant la prise de possession de sa résidence après avoir constaté la présence d’une boue rougeâtre et visqueuse dans le système de drainage de son immeuble. Selon lui, il n’y a pas de doute possible : le dépôt ferrugineux révèle la présence d’un problème d’ocre ferreuse. Est-ce couvert par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs réglementé ?
Avant toute chose, il faut savoir que la Régie du bâtiment du Québec définit l’ocre ferreuse comme suit : « L’ocre ferreuse est le résultat d’une réaction chimique ou d’un processus biologique, les deux pouvant se produire individuellement ou simultanément :
- Réaction chimique : lorsque le sol contient du fer, celui-ci migre avec l’eau vers le drain et forme au contact de l’air une boue d’hydroxyde de fer.
- Processus biologique : lorsque la ferrobactérie est présente dans la nappe phréatique, elle produit, à la suite de l’oxydation du fer au contact de l’air, une masse gélatineuse.¹ »
C’est donc dire que la problématique découle essentiellement du lieu de construction, mais non de la construction elle-même bien qu’elle puisse y causer certains problèmes, notamment le colmatage des drains pouvant causer des infiltrations d’eau.
À ce sujet, le Tribunal a déjà indiqué qu’«une construction en sol ferreux n’est pas problématique si alternativement la hauteur de la nappe phréatique n’est pas problématique et/ou le système de drainage est adéquat et que (dans certains cas) un entretien périodique du système est adressé² ». Bref, le Tribunal considère que le niveau de nappe phréatique est un catalyseur de l’ocre ferreuse. Toutefois, la simple présence de cette bactérie ne suffit pas pour causer des désordres mais bien qu’elle constitue un facteur aggravant.³
On retiendra que la présence d’ocre ferreuse seule ne constitue pas une déficience admissible à la garantie et qu’il faut se tourner vers les impacts de l’ocre ferreuse, à titre de facteur aggravant, sur le bâtiment pour déterminer si ceux-ci sont admissibles à une couverture de garantie.
Ainsi, conformément à l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’admissibilité de la réclamation découlera de la qualification de la problématique à titre de malfaçon, de vice caché ou de vice de construction, dans un contexte où plus la situation est dénoncée tardivement après la réception du bâtiment ou la fin des travaux, plus elle doit comporter une certaine gravité pour bénéficier d’une couverture de garantie.
À titre d’exemple, le Tribunal a déjà statué dans des cas d’ocre ferreuse quant à la crainte d’une obstruction du drain que « l’affirmation de la présence d’un danger ou de l’appréhension d’un problème éventuel ne sont pas la preuve d’un problème affectant réellement l’ouvrage (4) », tout comme il a déjà statué que « la jurisprudence arbitrale requiert habituellement que les fondations soient construites dans la nappe phréatique afin de déclarer qu’un problème d’ocre ferreuse constitue un vice majeur (5) ».
En bref, l’admissibilité d’une réclamation pour une problématique d’ocre ferreuse s’évalue en fonction de plusieurs critères, au cas par cas. Afin d’éviter les désagréments, l’entrepreneur conscient de présence d’ocre ferreuse dans une région aura donc tout intérêt à porter une attention particulière à certains aspects de sa construction, notamment le niveau de la dalle de béton du sous-sol au-dessus de la nappe phréatique et l’installation de cheminée de nettoyage.
SAVIEZ_VOUS QUE ?
En fonction de l’article 125 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les dépenses effectuées par les parties intéressées et l’administrateur pour la tenue de l’arbitrage (par exemple, les frais d’impression et les honoraires extrajudiciaires payés à l’avocat) sont supportées par chacun d’eux.
¹ https://www.rbq.gouv.qc.ca/citoyen/acheter-une-maison-neuve/problemes-particuliers/ocre-ferreuse.html
² Larouche et Habitations Clo-Bel inc., Me Michel A. Jeanniot, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 070926001 et 044872, 2007-12-14.
³ Kuzma et Groupe immobilier Grilli inc., Me Michel A. Jeanniot, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 071207001 et 041975, 2008-05-30.
(4) Hecht Gaertner et Réseau Viva international inc., Me Johanne Despatis, arbitre, Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), 2009-13-002 et 132155-1 (09-362SP), 2009-12-23.
(5) Syndicat de copropriété 51 Carmel et 140607 Canada inc. (Construction Ro-Bert), Me Philippe Patry, arbitre, Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC), S11-080101-NP et 11-356FL, 2012-04-09.
François-Olivier Godin
Avocat
Bélanger Paradis avocats