La mobilité dans l'industrie de la construction : où en sommes-nous ?

La mobilité dans l'industrie de la construction : où en sommes-nous ?
Valérie Mallette
Valérie Mallette
Chroniqueur Relations du travail

Débutons par un petit rappel des règles applicables à l’industrie de la construction en matière de mobilité de la main-d’œuvre. Lors de l’embauche d’un nouveau travailleur, l’entrepreneur peut uniquement l’affecter sur des chantiers de construction provenant de sa région de domicile, tel qu’il apparaît sur son certificat de compétence.

Son processus de recrutement est ainsi tributaire des règles relatives à la priorité d’emploi connues comme « la mobilité » des salariés qui est unique dans l’industrie de la construction.

Les employeurs ne peuvent donc pas déplacer un travailleur d’une région à une autre en fonction de leurs contrats. Cela étant dit, le Règlement sur l’embauche et la mobilité des salariés dans l’industrie de la construction1 permet à un salarié, ayant travaillé un minimum de 1500 heures pour un même employeur dans l’industrie, de travailler partout au Québec pour lui uniquement. Nous l’appelons plus communément « salarié préférentiel ».

Toutefois, les conventions collectives des secteurs institutionnel/commercial et industriel (IC/I) limitent le nombre de salariés préférentiels autorisés. Ces restrictions privent alors l’employeur d’une équipe avec qui il travaille depuis déjà plusieurs années et qui connaît bien les outils ainsi que les méthodes de travail de son entreprise.

Les différentes actions de l’ACQ

Devant des règles aussi restrictives et contreproductives pour l’efficacité des travaux de construction, l’ACQ a déposé une requête en décembre 2017 auprès du Tribunal administratif du travail (TAT) afin de déclarer invalides et inopérants les articles 35 et 38 du Règlement sur la mobilité en plus des clauses 15.01 à 15.03 des conventions collectives IC/I puisque contraires à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés.

Une décision a été rendue le 9 août 2019 qui établit qu’effectivement les règles relatives à la priorité régionale d’embauche portent « atteinte au droit à la vie privée des salariés et à leur liberté d’établir leur domicile dans le lieu qui leur convient et, partant, restriction pour les employeurs d’embaucher les salariés dont ils ont besoin en fonction de leur domicile.2 ». Le juge déclare, par conséquent, les dispositions sur la mobilité du règlement et des conventions collectives IC/I invalides.

Notons que l’application du jugement a été suspendue jusqu’au renouvellement des conventions collectives, lesquelles venaient à échéance le 30 avril 2021 afin de donner la chance aux parties de négocier une entente satisfaisante de part et d’autre. En raison de la requête pour réviser cette décision, la mobilité n’a pas fait l’objet d’un accord lors de la négociation 2021-2025.

La décision du 15 août 20223

Après plusieurs journées d’audition en mars 2022, la Cour supérieure casse la décision de 2019 en concluant que le TAT n’avait pas compétence pour trancher la demande de l’ACQ portant sur la validité constitutionnelle d’un règlement en regard des chartes québécoises et canadiennes.

En conséquence, bien que la qualité certaine de l’analyse du TAT fût soulignée par le juge de la Cour supérieure, celui-ci invite les parties à redéposer une requête devant la Cour supérieure, ayant comme conséquence d’allonger substantiellement les délais avant d’obtenir une décision finale en matière de mobilité.

Les prochaines étapes

Soyez assurés que l’ACQ n’a pas dit son dernier mot et fera appel de cette décision afin de la renverser. L’objectif étant de ne pas recommencer le débat sur le fond et de permettre à la Cour supérieure de statuer une fois pour toutes sur la validité des règles de mobilité dans l’industrie de la construction.

Au quotidien, qu’est-ce que cette décision implique ?
Le règlement sur la mobilité ainsi que les clauses des conventions collectives IC/I sur les ratios à respecter étant toujours en vigueur, les employeurs devront encore porter une attention particulière au domicile du salarié lors du choix du lieu d’affectation, et ce, avec toutes les contraintes que cela engendre.
Pour connaître vos obligations ou tout simplement pour avoir plus d’informations sur le cheminement du dossier sur la mobilité, les conseillers en relations du travail de votre région sont disponibles pour répondre à vos différentes questions.

 

1 R-20, r. 6.1 - Règlement sur l’embauche et la mobilité des salariés dans l’industrie de la construction.2 ACQ c. FTQ et als, CM-2017-1326, 2019-08-09, par. 326.3 FTQ et als c. TAT et als, 500-17109314-198, 2022-08-15.

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