Le 30 mai dernier, l’Assemblée nationale adoptait la loi 142. Avant même de reprendre la négociation avec la partie patronale, l’Alliance syndicale annonçait qu’elle contestait cette loi spéciale devant les tribunaux. Rappelons que cette loi comporte quatre aspects : la fin de la grève et le retour au travail, une augmentation salariale et la reconduction des conditions de travail actuelles, des amendes pour les contrevenants ne respectant pas le projet de loi et finalement, une période de médiation de cinq mois se terminant avec un arbitrage de différends s’il n’y a pas d’entente entre les parties.
Toutefois, le 26 juin 2017, les cinq organisations syndicales qui représentent les travailleuses et les travailleurs de la construction au Québec ont déposé, devant la Cour supérieure, une requête contestant la constitutionnalité de la loi spéciale qui a mis fin à la grève dans la construction et de la loi R-20.
L’Alliance conteste la constitutionnalité de la loi 142 en alléguant que la privation de l’exercice du droit de grève ainsi que le pouvoir discrétionnaire de la ministre de déférer ou non une demande syndicale en arbitrage contreviendraient à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu’à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
L’Alliance conteste également l’interdiction de négocier des augmentations de salaire rétroactives et l’absence de dispositions anti-briseurs de grève de la loi R-20 invoquant qu’elles sont également inconstitutionnelles puisque, selon elle, cela nuit au droit d’association protégé par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Trois causes marquantes
Dans les affaires APMO (droit d’association et de négociation), Meredith (droit de négocier collectivement) et Saskatchewan (droit de grève), la Cour suprême du Canada est venue donner une portée sans précédent à la notion de liberté d’association garantie par l’article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette trilogie de décision de la Cour suprême venait renverser près de 30 ans de jurisprudence en statuant que le droit de négocier et de faire la grève constituait une garantie constitutionnelle protégée par la Charte.
Une analyse approfondie de ces différentes décisions permet de dégager un dénominateur commun à la base du principe de la liberté d’association, soit le droit à un processus véritable de négociation. C’est dans ce contexte que la majorité des juges, dans l’arrêt Saskatchewan, ont conclu que le droit de grève était une composante indispensable à ce droit de négocier collectivement.
Le droit de négocier collectivement implique donc le droit, pour les parties, de faire les demandes de leur choix, de les négocier et de refuser d’abandonner leur position, et ce, même si ceci mène à la grève et au lock-out. La Cour suprême nous enseigne également qu’une entrave substantielle, par un gouvernement, au processus de négociation, par exemple en interdisant la grève ou le lock-out, en imposant le contenu d’une convention collective ou en forçant le retour au travail des parties en grève ou en lock-out était contraire à la Charte si cette entrave n’était pas justifiée par un mécanisme permettant aux parties de régler par eux-mêmes leurs différends ou avec l’aide d’un des moyens alternatifs de résolution des conflits, comme la conciliation, la médiation ou l’arbitrage de différends.
En d’autres termes, le droit au processus de négociation collective est protégé constitutionnellement et, en cas de grève, une loi forçant le retour au travail dans le secteur privé ou public doit être élaborée avec prudence, afin de remplacer la perte de ce droit de grève par un véritable mécanisme de règlement des différends. Il est à noter que l’arrêt Health Services énonce également que le fait, pour un gouvernement, de retirer des sujets pouvant faire l’objet d’une négociation collective entraverait substantiellement le droit de négocier collectivement, donc contreviendrait à la Charte.
L’ACQ défendra les intérêts des entrepreneurs
La requête de 1 500 pages de l’Alliance syndicale a été faite à l’encontre du gouvernement du Québec, l’instance qui a adopté les lois 142 et R-20, et l’ACQ est mise en cause dans ce dossier, tout comme les autres associations sectorielles représentant les employeurs de la construction.
Afin de nous assurer que vos intérêts sont protégés au cours du processus judiciaire, nous avons mandaté Me Guy Tremblay, de la firme d’avocats BCF, pour nous assister. Vous vous souviendrez que Me Tremblay est l’avocat qui nous a représentés avec succès dans le dossier d’arbitrage de différend de 2014, arbitrage qui a mené, entre autres, au gain relatif à la première heure de temps supplémentaire à taux et demi.