Prévenir les risque d'électrisation : la vision à 360 degrés

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Les travaux à exécuter sur les chantiers de construction à proximité des lignes électriques aériennes sous tension font partie des mesures de prévention « tolérance 0 » édictées par la CNESST. La qualité de la formation de tous les intervenants de chantier pour prévenir les risques d’électrisation joue un rôle prioritaire. Elle met en relief l’importance de bien planifier le travail.

Près de 600 électrisations ou brûlures par contact électrique surviennent chaque année dans les milieux de travail. Cela se produit notamment quand des équipements mobiles se rapprochent d’une ligne électrique aérienne sous tension sur des chantiers de construction et aussi, lorsque des ouvriers érigent des échafaudages, rénovent des toitures ou réalisent toute autre tâche qui exige de travailler en hauteur près de lignes électriques. Les distances minimales d’approche doivent être respectées.

La fiche tolérance 0 rédigée par la CNESST pour prévenir les risques d’électrisation et d’électrocution sur les chantiers souligne que la distance de sécurité à respecter pour des travaux à exécuter près d’une ligne électrique aérienne sous tension de moins de 125 kV est de 3 mètres. La distance passe à 5 mètres lorsque des travaux sont entrepris près d’une ligne électrique de 125 à 250 kV. Elle se situe à 8 mètres pour une ligne électrique de 250 à 550 kV. Elle est de 12 mètres si la tension fait plus de 550 kV.

Ces distances minimales d’approche avec une ligne électrique sous tension peuvent éviter une électrisation, c’est-à-dire une mise sous tension du corps pouvant provoquer des lésions ou des dommages corporels. Ces règles contribuent également à prévenir des brûlures graves, une chute ou même une électrocution, soit une mise sous tension du corps entraînant la mort. Pour prévenir ce type d’accident, l’employeur a l’obligation de mettre en place des mesures de sécurité. De leur côté, les travailleurs ont la responsabilité de les appliquer et de les respecter.

Mais il n’y a pas que les individus qui soient directement touchés par ces directives. L’utilisation d’équipement roulant et déployable constitué de plateformes élévatrices, nacelles et bras articulés pour pelle ou godet, et autres machineries de levage lors de travaux près des lignes électriques est également régie par des règles strictes d’éloignement. Ces équipements doivent être munis d’un dispositif limiteur de portée permettant de respecter les distances énonce la fiche tolérance 0 de la CNESST.

Pratiques sécuritaires

Hydro-Québec offre également des solutions aux entrepreneurs de chantier. La société d’État peut veiller à la mise hors tension d’une partie de la ligne électrique, avec ou sans contournement, pour sécuriser une zone de travail. Elle peut aussi réaliser le soutènement temporaire d’un poteau électrique dans le cas de travaux d’excavation. Elle procède de plus à la pose de protecteurs et à leur parfait emboîtement pour protéger adéquatement les conducteurs nus sous tension.

Les techniciens d’Hydro-Québec font aussi la mise en place de conducteurs à être fixés correctement au sommet des poteaux, en vérifiant que la gaine des conducteurs isolés est en bon état. L’entrepreneur ou le gestionnaire de projet d’un chantier n’a qu’à présenter une demande de sécurisation à la société d’État avant de débuter les travaux. Un guide d’information générale précisant chaque étape de la démarche est disponible sur le site Web « Sécurité lors de travaux à proximité d’une ligne de distribution » d’Hydro-Québec.

L’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur de la construction (ASP Construction) a également préparé un document portant sur les travaux près des lignes électriques aériennes, encadré par le Code de sécurité pour les travaux de construction. C’est un guide de prévention présentant les éléments à considérer lors de la planification des travaux à proximité de lignes électriques aériennes. Il décrit les mesures préventives à mettre en place sur un site extérieur afin que les travailleurs puissent œuvrer en toute sécurité.

Dans cet ouvrage, les auteurs précisent qu’il est primordial d’effectuer une visite du futur chantier à lancer au moins
15 jours ouvrables avant le début des travaux, et d’observer l’aire de travail. Cette étape permet de repérer la présence des lignes électriques et d’identifier des contraintes. Cette importante phase contribue notamment à déterminer le type de tension et à mesurer la distance qui les sépare du lieu de travail. La pratique sert également à désigner la disposition des bâtiments et les conditions réelles du terrain.

Tout prévoir

À proximité de lignes électriques, certaines situations de travail exposent les travailleurs à un risque de décharge électrique ou d’arc électrique. L’utilisation d’un échafaudage, d’une échelle ou d’une plateforme élévatrice peut être en cause. Des risques peuvent survenir aussi lors de travaux sur un toit, pendant un creusement et durant la livraison ou le déplacement de matériaux. Dès qu’un équipement, du matériel ou une personne s’approche des lignes électriques, même sans les toucher, le danger est présent. En présence de lignes électriques aériennes sous tension, la menace semble, à priori, visible. Pourtant, chaque année, on dénombre des événements accidentels mettant en cause l’électricité. Des valeurs estimées par le professionnel scientifique Martin Lebeau du Groupe de connaissance et surveillance statistiques (GCSS) de la Direction de la recherche de l’IRSST font état de 134 cas d’électrisation acceptés provenant des chantiers de construction du Québec dont l’événement d’origine est survenu entre 2015 et 2019. De ce nombre, on compte 66 cas de lésions professionnelles liées à des brûlures de nature électriques et 68 cas de travailleurs victimes de décharges électriques et d’électrocution dans le secteur de la construction résidentielle et commerciale.

Conseiller en prévention et responsable du dossier électricité à l’ASP Construction, un thème intégré aux neuf champs de tolérance zéro de santé et sécurité du travail identifiés par la CNESST, Hugues Ntoumaleu Tchamabe réfère à plusieurs observations sur le sujet. Il traite couramment de situations à risque d’électrisation qui vont au-delà de l’attention à porter à la présence des lignes électriques aériennes. Il cite l’ensemble de la menace électrique sur un chantier de construction pour sans cesse contraindre le risque et augmenter la vigilance.

« C’est en analysant les comportements à risque sur les chantiers, ce qui inclut l’utilisation et le fonctionnement de certains équipements et appareils électriques à défaillance tolérée ou non rapportée, et dont l’entretien a été négligé que l’on constate certaines faiblesses d’opération en matière de prévention de l’électrisation. La disposition de ces instruments sur le terrain, dont le déploiement de cordons d’alimentation mal disposés et la présence de gaine endommagée ou de fil érodé ajoutent au risque », dit-il.

L’approche globale doit aussi encadrer les opérations d’alimentation des machines et des petits outils professionnels à piles rechargeables désormais très populaires sur les chantiers.

Former et informer

Son collègue, Bertrand Dorval, également conseiller en prévention à l’ASP Construction, précise que dans le dossier électricité, la procédure de cadenasse contribue également à prévenir les risques d’électrisation. Mais elle doit être maîtrisée. « La méthode bien exécutée consiste à contrôler toutes les énergies pour que les ouvriers puissent effectuer un travail en toute sécurité sur un chantier avant, pendant et après son application. À cet égard, tous les intervenants d’un chantier doivent être mis au courant d’un cadenassage en déroulement. La mesure fait appel à une haute compétence et à un sommet d’attention. Elle ne doit rien laisser au hasard et prévoir notamment la présence d’énergie emmagasinée. »

« À cette fin, il est primordial de réviser régulièrement un programme de cadenassage établi et de sérieusement réfléchir à de possibles lacunes dans son déploiement, car il n’y a pas que l’énergie électrique et son activité résiduelle qui soient en jeu dans une telle intervention. Il faut tenir compte de la force gravitationnelle d’une articulation d’équipement par exemple. Même si le courant est coupé, une pelle hydraulique peut poursuivre la course de sa descente et provoquer un accident. Les équipements doivent donc être impérativement purgés de leur source d’énergie pour être conformes à la procédure de cadenassage », signale Bertrand Dorval pour qui la prévention, comme la formation, fait partie du travail. 

« Bien que plusieurs soient informés par leurs employeurs et se maintiennent à jour, nous agissons souvent comme des messagers lors de nos interventions en chantiers », enchaîne Jackie Deschênes, conseillère SST prévention à l’Association de la construction du Québec (ACQ). « Un nouveau règlement modifiant le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) est entré en vigueur le 22 avril dernier. Il est de notre responsabilité d’agent promoteur de bonnes pratiques en santé et sécurité sur nos chantiers de propager ces changements. La section 2.11 - Électricité a notamment été actualisée pour assurer une cohérence avec le chapitre - Électricité et la norme CSA Z462-15 - Sécurité en matière d’électricité au travail du Code de construction Québec. »

Ajouts importants

« À ce sujet, un ajout important a été fait : l’article 2.11.10. Cet article stipule qu’une installation électrique temporaire ne doit pas être interconnectée à l’un des circuits d’une installation électrique permanente, à moins qu’une mise en garde appropriée soit affichée à tous les points d’interconnexion ou autres endroits présentant un danger. Nous sommes appelés à intervenir avec des travailleurs qui n’ont pas toutes les connaissances que possèdent les électriciens. De là l’importance de cet article. Il vise à informer tous les intervenants sur un chantier. Ces branchements sont souvent utilisés par des mécaniciens d’ascenseur. La modification de la section électricité du CSTC impose un ajout de cinq articles, dont quatre encadrant l’utilisation des rallonges. Ne soyez pas surpris de voir et d’entendre les conseillers en prévention des risques d’accidents du travail de l’ACQ discuter de l’état de vos rallonges et des modifications en vigueur », précise Jackie Deschênes.

Son collègue Denis Cloutier, conseiller en prévention de l’ACQ, observe en plus qu’il n’est pas rare, lors d’une visite de chantiers, de constater que des équipements mobiles sont près des lignes aériennes haute tension. « L’opérateur de l’équipement est alors interpellé afin de s’assurer qu’il effectue ses travaux en reconnaissant les risques d’accident avec les lignes à haute tension. Le travailleur doit avoir suivi un accueil ou une session d’informations qui traite de ce sujet, en plus d’avoir reçu toute l’info sur les risques associés aux tâches qui lui ont été attribuées s’il s’avère y a lieu que les équipements limiteurs de portée sont bien mis en fonction. »

« Durant les formations destinées aux employeurs membres des Mutuelles de prévention ACQ, un accent est mis sur les tolérances zéro de la CNESST. On y traite d’électricité et plus précisément de dangers d’électrisation avec une ligne aérienne sous tension. Je mentionne alors aux participants que les lignes électriques aériennes sous tension font partie de notre paysage. Au quotidien, elles deviennent invisibles à l’esprit. Rappeler leur présence et respecter les distances prévues au règlement épargnent des maux et des vies », conclut Denis Cloutier.

Cet article est aussi disponible en format audio : Construire, le balado

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