Inspection obligatoire : le Québec est-il en retard sur le reste du Canada ?

album photo

Au Québec, nous sommes la seule province canadienne à ne pas détenir de régime d’inspection obligatoire pour les bâtiments.

Sommaire des régimes d’inspection obligatoire dans les provinces canadiennes

Dans toutes les provinces canadiennes, l’inspection est requise en fonction de la législation ou selon la demande de permis. Dans plusieurs provinces, nommément l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador, celle-ci dépend de la municipalité. Le Code national du bâtiment de 2015 s’applique presque partout au pays, sauf en Colombie-Britannique et en Ontario. Outre Terre-Neuve, toutes les provinces ont aussi adopté leurs propres codes provinciaux du bâtiment.

Pour toutes les villes dont le régime a été analysé dans le cadre d’une étude faite par l’ACQ sur le sujet, c’est-à-dire Edmonton (Alberta), Winnipeg (Manitoba), Moncton (Nouveau-Brunswick), Brampton (Ontario), Swift Current (Saskatchewan) et St-Johns (Terre-Neuve), la législation applicable au régime d’inspection provincial inclut aussi les règlements municipaux.

De manière globale, les régimes d’inspection obligatoire s’appliquent à la construction, à la démolition, à la rénovation et au maintien des bâtiments, dans un langage juridique qui varie quelque peu entre les provinces et les villes étudiées.

Pouvoir dévolu aux villes et municipalités

Dans la moitié des provinces canadiennes, le pouvoir de ce régime est dévolu aux villes et aux municipalités. Ces gouvernements locaux possèdent des départements et/ou des représentants spécifiques pour traiter les permis et les inspections. Dans l’autre, le pouvoir est conservé au niveau de la province, et parfois, se partage avec des entités indépendantes, par exemple, le Safety Codes Council en Alberta et le Construction Code Authority of Saskatchewan dans la province éponyme. Ce pouvoir peut aussi être délégué aux organisations régionales, telles que des commissions de services en Alberta ou des commissaires aux incendies au Manitoba.

Les bâtiments visés par les régimes d’inspection obligatoire des provinces, dans la grande majorité des cas, sont tous les projets de construction, de rénovation, de modification, de réparation et de démolition. Cela inclut aussi tout projet de bâtiments de moins de trois étages, dont l’occupation est de nature résidentielle, commerciale, mercantile ou industrielle de faible à moyen risque, tel que prescrit à la section 9 du Code national du bâtiment de 2015 . Bien entendu, comme au Québec, des permis sont nécessaires pour tous ces types de projets. Toutefois, en Alberta, en Ontario et en Saskatchewan, seuls les projets de construction qualifiés comme majeurs sont soumis aux régimes d’inspection. De plus, à l’Île-du-Prince-Édouard ainsi qu’en Nouvelle-Écosse, plus précisément dans la ville d’Halifax, les maisons manufacturées ou modulaires sont exemptées du régime.

 Nombre d’inspections requises

Le nombre d’inspections requises varie entre les provinces et les villes étudiées : on parle d’entre deux (pour Winnipeg) et sept (pour Halifax). Pour les provinces de la Colombie-Britannique, l’Ontario, la Saskatchewan (incluant la ville de Swift Current) et Terre-Neuve, ce nombre n’est toutefois pas défini. Cependant, les villes de Brampton et de St-Johns ont toutes deux imposé un nombre minimal d’inspections à six. Ce seuil peut évidemment augmenter en fonction de la nature et des permis attribués aux projets.

Pour les provinces et les villes qui définissent la nature de ces inspections dans leur régime obligatoire, il s’agit d’inspections aux moments charnières du projet. Par exemple, s’il s’agit d’un projet de construction, les inspections se feraient aux étapes de la fondation, avant le remblayage, à l’installation de la plomberie, à l’érection de la charpente, avant la pose des cloisons sèches et à la fin du projet.

Seuls des inspecteurs formés au préalable et autorisés par les autorités compétentes, définies par les provinces et les villes étudiées, réalisent les inspections obligatoires en vertu des régimes.

Et au Québec ?

Le Québec traîne de la patte derrière ses homologues alors qu’il pourrait être un leader en
matière d’inspection obligatoire. Pour l’ACQ, le déploiement d’une politique provinciale en matière d’inspection de bâtiments est un élément significatif pour garantir la qualité de la construction et la protection des consommateurs québécois dans le marché de l’immobilier.

Présentement, les différentes mesures proposées par la Loi sur le bâtiment et ses règlements proposent notamment des recours aux consommateurs en cas de malfaçons, mais ne garantissent pas la solvabilité de l’entrepreneur concerné par les travaux ni la qualité de ces derniers.

D’ailleurs, de nombreux témoignages de consommateurs soulignent les difficultés à faire reconnaître et corriger les malfaçons affectant leur immeuble ainsi que les coûts, la lourdeur et les délais causés par les recours mis en place pour faire valoir leurs droits.

Qualité de construction

La qualité de la construction au Québec repose maintenant principalement sur l’émission du cautionnement de licence, les formations initiales et continues des entrepreneurs ainsi que les processus d’accréditation des entrepreneurs qui adhèrent aux Plans de garantie des bâtiments résidentiels neufs et s’appuient sur la politique d’inspection de la Garantie de construction résidentielle (GCR).

Cette accréditation des entrepreneurs ne peut remplacer un modèle d’inspection encadré, pour les raisons suivantes : les sous-traitants engagés par l’entrepreneur accrédité pour la réalisation d’une bonne partie des travaux ne font, eux, l’objet d’aucune accréditation; et peu d’inspections sont effectuées par la GCR, en moyenne moins d’une par projet.

La mise en place d’une politique provinciale d’inspection de bâtiments est une solution intéressante, envers laquelle une grande majorité des entrepreneurs sont favorables. Elle mérite toutefois une bonne réflexion pour être porteuse dans un processus d’amélioration de la qualité de la construction au Québec.

 

Un modèle d'inspection à revoir

À l’ACQ, nous sommes d’avis qu’un modèle d’inspection doit avant tout bien accompagner les entrepreneurs tout au long du projet. Notre expérience, en lien avec notre propre modèle, démontre que ce soutien ponctuel est pertinent et a un impact positif sur la qualité. En effet, il a permis de diminuer le nombre de réclamations de consommateurs, pour un taux de 0,76 %, pour environ 10 800 unités d’habitation, depuis 2015.

Notre modèle propose un minimum de quatre inspections par projet : pour de plus petits projets de transformation, par exemple, pour quelques unités de condo, on parle d’habituellement 5 à 6 inspections; pour de plus gros projets, comme la grande tour des Canadiens, on parle de plus de 20 inspections, vu l’échéancier de réalisation. Ce nombre peut aussi varier en fonction du risque, de la qualité de la construction en cours d’exécution et de la collaboration de l’entrepreneur. Nous avons identifié quatre moments charnières pour procéder aux inspections : avant le remblai des fondations, à la fin des travaux de structure ou d’ossature, avant la pose des cloisons sèches et au début des travaux de revêtement extérieur.

Les inspections sont généralement réalisées par le même inspecteur, tout au long du projet. Les rapports d’inspection sont complets et très détaillés, la procédure pour effectuer les correctifs requis est aussi bien expliquée à l’entrepreneur concerné.

Nous sommes d’avis que la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a un rôle important à jouer dans un futur régime d’inspection obligatoire au Québec. Elle devrait être responsable des inspections, de leur encadrement, mais surtout, de leur tarification qui devra être uniforme et prévisible pour fin de soumissions. Selon nous, des organismes privés ou des OBNL pourraient certainement être mandatés par la RBQ pour réaliser des inspections, mais devraient en suivre les procédures et les standards approuvés par l’organisme et agir uniquement à titre de son mandataire.

Un régime québécois d’inspection obligatoire devrait favoriser l’accompagnement plutôt que la simple inspection de l’entrepreneur et du projet et reconnaître la qualité des travaux des entreprises inspectées, ce qui aura pour effet de mieux protéger les consommateurs.

Inscrivez-vous à notre infolettre

Pour toujours être informé sur les actualités de la construction