Deux sites propices à l’habitation font présentement l’objet de chantiers de redéveloppement à Montréal. Le Nordelec s’apprête à faire renaître un symbole du passé, un monument issu de l’ère postindustrielle à Griffintown. L’Henri B, un projet immobilier alliant urbanité et nature, revitalisera le site de l’ancien terminus de la STL dans Ahuntsic-Cartierville. Ces deux projets caractérisent des expressions tout aussi singulières que réussies de conversion. Portrait d’inspirantes transformations.
Le Nordelec
Le Nordelec est l’un des édifices patrimoniaux en briques les plus imposants en Amérique du Nord. Il demeure un exemple remarquable de l’architecture du début du 20e siècle à Montréal. Cet immense complexe de bureaux de la nouvelle économie, situé à l’intersection des quartiers Pointe-Saint-Charles et Griffintown, démontre surtout que sa structure industrielle bien qu’ancienne est épaisse et solide. La conversion d’une partie de l’édifice en ensemble résidentiel en fait un site exceptionnel.
Jacques Gagné, gérant de projets senior pour le Nordelec, mène sous l’égide du promoteur Développement Nordelec, une filiale du groupe de compagnies Elad Canada, un des plus grands chantiers nord-américains de conversion d’édifice industriel en aire résidentielle. Le projet de transformation qu’il dirige se déroule dans le district le plus branché du Sud-Ouest de Montréal.
Les travaux qui ont présentement cours visent à convertir près d’un million de pieds carrés de superficie d’une usine semi-désaffectée érigée en 1913. Des travaux qui permettront de mettre en relief l’esprit d’origine du bâtiment historique unique construit sur un lotissement de 2,1 millions de pieds carrés (20,1 hectares).
Détails du chantier
Cet édifice riche d’histoire, dont la construction s’est étendue sur quatre grandes périodes au siècle dernier, a été bâti au départ pour abriter les installations industrielles de Northern Electric, une manufacture de fils et de câbles électriques. Des phases d’agrandissements seront lancées en 1920, 1948 et 1975, cette dernière année coïncidant avec le rachat du complexe par la société Northern Telecom dans le dessein d’en faire un immeuble à vocation mixte. Cette adresse abrite depuis des locaux commerciaux, des bureaux et des condos résidentiels.
Situé le long du canal de Lachine sur la rue Shearer entre les rues St-Patrick et Richardson, ce projet animé par le Groupe Lemay Architectes, la firme de génie-conseil BH, NCK et Magil Constructions, a déjà débuté la livraison d’une nouvelle série d’espaces habitables.
Le site racheté depuis par le Fonds de placement immobilier Allied Canada pourrait comprendre à terme trois tours de copropriétés résidentielles neuves surplombant le canal et une partie convertie de l’immeuble postindustriel en condos et appartementsterrasses. Les travaux de conversion effectués entre le 6e et le 8e étage des quatre ailes du monument historique touchent pour l’instant les sections d’extrémités du bâti, soit les aires de l’ancienne usine offrant une vue sur le canal.
Enjeux et défis du projet
Le vaste projet a débuté par des travaux d’excavation sur le flanc nord-est du lotissement. Cette portion, s’étendant au pied de la façade de la propriété sur la rue St-Patrick, prévoit la sortie de terre d’un pavillon de faible élévation, communément appelé un « pad commercial » dans le jargon de l’industrie. L’enceinte qui sera adossée au seuil des ailes du joyau centenaire sera assortie d’un garage souterrain surmonté d’une galerie marchande courant sur la quasi-totalité de la devanture du complexe.
Dans la foulée, une équipe chargée de mettre à nue l’intérieur du bâtiment s’appliquait, dans le cadre d’une opération de mise aux normes de la structure, à préserver l’âme des lieux. En outre, à mettre en valeur les murs de briques, des plafonds avec des arches et plusieurs artéfacts découverts durant l’opération pour dégager certains des plus beaux vestiges du passé.
Cet exigeant travail réalisé avec les architectes et les ingénieurs du projet a aussi permis de sauvegarder le caractère industriel de l’édifice. « Nous devions exécuter ce mandat sans ralentir ou interrompre l’activité commerciale toujours en cours dans l’immeuble, car la partie bureaux qui s’étend sur près de 800 000 pieds carrés répartis sur 8 étages était louée à 70 %. Plus de 2 300 personnes travaillent ou habitent au Nordelec durant cette grande entreprise de transformation », précise Jacques Gagné.
Contraintes d’adaptation
« L’opération de mise aux normes a exigé la confection d’installations de constructions temporaires importantes à chaque étape du processus afin de sécuriser le chantier. Des entreprises visant dans un premier temps à assurer la santé et la sécurité des travailleurs en fonctions sur le chantier. »
« C’est le programme de normalisation des équipements de lutte contre l’incendie qui s’est avéré particulièrement complexe sur ce chantier, dit Jacques Gagné. L’édifice historique étant doté d’une seule pompe à incendie, un appareil de bonne capacité, mais offrant moins de pression qu’aujourd’hui, nous avons dû procéder à la pose d’équipements additionnels et plus performants de pompage dans l’immeuble. »
Or, ces dispositifs sont pourvus de mécanismes de poussées de pression beaucoup plus grandes que ceux installés dans le secteur industriel de l’édifice. « Dans ce contexte, il était impératif de s’assurer que la pression d’eau dirigée vers la partie résidentielle du bâtiment n’entraîne pas la destruction du système existant. L’installation d’un équipement de régulation de pression dans la structure de pompes et de conduites existante a donc été nécessaire pour en protéger tout le fonctionnement. »
Mise à niveau
Aussi, puisque la plupart des éléments de lutte contre les incendies disposés dans la structure relevaient de l’origine du bâtiment, l’installation de réseaux de canalisations d’incendie, de gicleurs, de raccords pompiers, de systèmes de captage électronique et de niches pour extincteurs portatifs a été accomplie.
« Tout au long de ce processus, nous avons prévu au moins une issue accessible et praticable en permanence dans les aires du bâtiment où se déroulaient les travaux. Nous devions de plus veiller à protéger en tout temps les accès autorisés pour les résidents du complexe et leurs invités, ainsi qu’abriter les couloirs de circulation pour les employés et les clients des bureaux, des aires devant demeurer libres durant la réalisation de ce programme de mise à niveau. En somme, ne pas nuire aux déplacements effectués par le grand public dans les parties permises de l’immeuble était une priorité », confie le porte-parole du secteur construction de ce vaste chantier.
Afin de témoigner de l’ampleur et de l’exigence des travaux dans ce contexte, signalons que plusieurs des passerelles existantes en acier contenues entre les ailes de l’immeuble historique ont été rénovées pour permettre aux résidents et aux employés des commerces et des bureaux d’évacuer rapidement l’édifice en cas d’urgence. Ce qui a engagé d’importants frais. « Notre principal défi durant cette opération consistait à reconfigurer l’escalier industriel existant de 8 étages de hauteurs variées, des espaces commerciaux faisant de 14 à 22 pieds d’une dalle à l’autre selon le niveau, pour l’arrimer au nouvel édifice résidentiel qui, lui, compte 12 étages de hauteur régulière de 9 pieds. Un casse-tête d’asymétrie que nous avons surmonté. »
Constituant des exemples d’intégration réussie au cadre bâti, ces infrastructures imposantes de design industriel affirment la capacité du promoteur à honorer la définition de son engagement, à conférer à l’édifice une note permanente de noblesse et d’élégance.
Îlot de verdissement
Henri B
Un autre projet de conversion est attendu à l’extrémité nord de l’île Montréal. Un chantier qui vise à démanteler les anciennes installations du terminus d’autobus de la Société de transport de Laval pour donner naissance à Henri B, un projet de 200 unités de copropriétés d’habitations et de maisons de ville. « Un parc immobilier répondant aux plus hauts standards architecturaux et écologiques, où environ 20 % de l’aménagement, une fois terminé, comptera des espaces verts », précise Martin Galarneau, associé chez TGTA, une firme qui a démontré son expertise en matière de requalification de sites dans des secteurs sensibles de la métropole et copromoteur du projet avec la firme Loracon.
Ce projet d’habitations dont les dessins ont été imaginés par Provencher Roy Architectes s’élèvera dans l’arrondissement montréalais Ahuntsic-Cartierville. C’est sur un lotissement vacant de 66 000 pieds carrés (plus de 6 000 mètres carrés) posé à un jet de pierre de la rivière des Prairies que sera construit ce nouvel espace de vie, à l’automne. La revitalisation du site délimité par le boulevard Gouin au nord, par les rues Basile-Routhier à l’est et Lajeunesse à l’ouest est bordée par le boulevard Henri-Bourassa et la station de métro du même nom au sud. Un secteur attrayant près des pistes cyclables, de nombreux espaces de verdure et du parc linéaire riverain.
Exceptionnel atout
Le chantier de l’Henri B débute cet été par la démolition des anciens bâtiments du terminal de la STL. L’édifice ne présente aucune valeur patrimoniale ni aucun symbole d’intérêt architectural pour conservation, indique le promoteur. Or, le lotissement comprend un édicule d’accès à la station de métro Henri-Bourassa et un pavillon temporairement fermé par la STM, qui sera conservé. Il pourrait faire l’objet d’une réouverture une fois le projet d’habitations réalisé.
Des discussions avec la Société de transport de Montréal sont en cours pour réintégrer ce passage donnant directement accès à la station de métro à partir du site de l’Henri B. Un atout majeur pour ce projet d’habitations.
« Le site est unique. Son offre exclusive de desserte en transport collectif, son emplacement près des parcs et d’un cours d’eau, la proximité d’établissements scolaires et la présence de commerces incluant supermarché, pharmacie, institution bancaire et restaurants à distance de marche, en font un espace de vie idéal. C’est pourquoi nous avons choisi de le redévelopper », ajoute M. Galarneau.
Redynamisation de secteur
« Cet îlot contrastera avec le terrain actuel qui ne comprend aucune végétation, où l’omniprésence de surfaces minéralisées contribue à créer une zone de chaleur importante. Notre projet, qui mise sur un important verdissement, redonnera vie au site en attirant de nouvelles familles dans le quartier. L’Henri B comprend aussi une diversité de types d’habitations qui inciteront des familles et des jeunes professionnels à s’y établir. Une adresse qui contribuera certainement au dynamisme du secteur », estime Martin Galarneau.
Des fondements qui traduisent l’esprit de densification des quartiers montréalais et la pittoresque nature du mode de vie qu’ils suscitent.