La limite au droit contractuel : Hydro-Québec taxée de mauvaise foi

La limite au droit contractuel : Hydro-Québec taxée de mauvaise foi
Olivier Alepins, avocat
Olivier Alepins, avocat
Chroniqueur Juridique

Un volet d’une importante saga judiciaire vient tout juste de se terminer, amenant un éclairage certain sur la limite au droit contractuel d’une partie, notamment lorsqu’il est question de mauvaise foi.

En effet, la décision de la Cour d’appel datée du 17 mai 2019, écorchant au passage la société d’État Hydro-Québec, vient rappeler avec limpidité qu’une transaction signée entre deux parties peut être entachée d’un vice de consentement d’une d’entre elles, lorsque par exemple, celle-ci est dans un état de nécessité connu du cocontractant et que ce dernier en tire profit indûment.

Les faits

Dans cette affaire, Construction Polaris avait été engagée par Hydro-Québec (HQ) pour l’exécution d’un contrat de construction pour le deuxième tronçon de la route d’accès au projet hydroélectrique de la Romaine. Au cours du projet, de nombreux retards et problèmes ont surgi, certains d’ailleurs résultant de HQ, ce qui a engendré d’importants frais supplémentaires pour Polaris. Cette dernière s’est finalement retrouvée acculée au pied du mur, faisant face à une faillite imminente si une source de liquidités ne pouvait venir en renfort.

Polaris, en mars 2011, avait déjà présenté une réclamation pour des frais supplémentaires de quelque 24 M$. Considérant la situation financière précaire de Polaris, HQ a accepté de lui fournir une avance de 4 M$, à condition de confirmer les difficultés de l’entreprise via une vérification comptable.

C’est ainsi qu’une rencontre a été organisée le 25 mai 2011, où Polaris s’attendait à recevoir l’acompte de 4 M$, à défaut de quoi la faillite de l’entreprise était inévitable. Coup de théâtre, HQ lance une offre « à prendre ou à laisser » de 10 M$ qui a pour effet de régler toutes les réclamations passées, présentes et futures ! Il est à noter qu’à ce moment, il restait au moins 40 % du contrat à être effectué et HQ savait pertinemment que d’autres problèmes ou impacts étaient à prévoir. Qui plus est, HQ laissait à Polaris un délai de deux heures pour accepter cette offre.

Par conséquent, Polaris a été contrainte de signer cette convention imposée par HQ, cette dernière tirant un bénéfice indu de l’état de nécessité extrême de son cocontractant. Dès le lendemain, HQ a même diminué la somme à 9,3 M$ et a ajouté une clause de pénalités additionnelles en cas de retard.

La décision

Selon le Tribunal, il est insensé qu’en d’autres circonstances, Polaris eût accepté une telle entente, à savoir qu’en plus de réduire une réclamation potentielle de 24 M$ à seulement 9,3 M$, elle donne quittance complète et finale de toutes les réclamations futures d’un projet à demi complété. HQ s’est servie de la vulnérabilité extrême de Polaris pour lui imposer un ultimatum où elle se retrouvait hautement désavantagée. 

La morale de cette histoire est que s’il est habituellement vrai qu’une entente ne peut être annulée en raison de la dépendance financière d’une des parties et que son consentement aurait été donné par nécessité circonstancielle, il n’en demeure pas moins que la situation est toute autre si le cocontractant de mauvaise foi en tire volontairement profit afin d’obtenir un avantage indu. Dans ce cas, la partie lésée, Polaris en l’espèce, peut invoquer la « crainte » (article 1404 du Code civil du Québec) afin de rendre nulle l’entente intervenue. C’est d’ailleurs la conclusion de la Cour d’appel qui confirme le jugement de première instance en donnant tort à HQ et annulant leur transaction signée le 27 mai 2011.

Cette déconfiture pour Hydro-Québec devant la Cour d’appel ne constitue qu’une bataille de perdue, maintenant que cette fameuse transaction est annulée, mais laisse présager le ton que prendra la deuxième phase du procès à venir concernant le vif du sujet, soit le fondement de la réclamation de 63 M$ de Polaris.

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