La renonciation à l'hypothèque légale... une nuance s'impose !

La renonciation à l'hypothèque légale... une nuance s'impose !
Mathieu Préfontaine, avocat, Bélanger Paradis avocats
Mathieu Préfontaine, avocat, Bélanger Paradis avocats
Chroniqueur Juridique

Comme vous le savez sans doute déjà, l’hypothèque légale pour les personnes ayant participé à la construction ou la rénovation d’un immeuble constitue une arme redoutable permettant aux architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux, ouvriers, entrepreneurs ou sous-entrepreneurs1 qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, sous certaines conditions qui ne seront pas abordées dans le cadre de la présente chronique, de garantir leur créance.

Cela dit, le caractère redoutable de l’hypothèque légale et, à plus forte raison, les conséquences qu’elle emporte, soulèvent une question intéressante. Les intervenants du domaine de la construction peuvent-ils, contractuellement, renoncer, au droit que leur confère la loi à l’hypothèque légale du domaine de la construction ?

Or, cette question requiert une réponse affirmative, pourvu que l’intention d’une partie de renoncer à l’hypothèque légale apparaisse clairement dans les termes du contrat2.

Toutefois, et s’il est vrai que les parties à un contrat peuvent, contractuellement, renoncer au droit à l’hypothèque légale du domaine de la construction, une invitation à la prudence s’impose lors de la rédaction et/ou l’analyse de ce type de clause dans la mesure ou la jurisprudence reconnaît que la « renonciation au droit de publier une hypothèque légale, elle, est interdite3 ».

Pour reprendre les propos de l’honorable juge Martin F. Sheehan dans l’affaire 9221-2323 Québec inc. c. Excavation L. Martel inc.4 , la nuance entre les concepts exposés ci-dessus « est susceptible d’entrainer une certaine confusion » que la présente chronique vise à préciser.

En simple, et ce qu’il faut retenir, c’est qu’une clause contractuelle selon laquelle une partie renonce à l’hypothèque légale de la construction sera pleinement valide.

Dans ces circonstances, que vous soyez entrepreneur général ou sous-entrepreneur, nous vous invitons à la prudence lors de la rédaction d’une clause contractuelle prévoyant la renonciation à l’hypothèque légale de la construction et/ou lors de l’analyse d’un contrat prévoyant une telle clause, et ce, afin d’éviter que sa rédaction emporte des conséquences inattendues, voire indésirables.

À l’inverse, une clause selon laquelle une partie renonce à son droit d’inscrire ou de publier une hypothèque légale pour les personnes ayant participé à la construction ou la rénovation d’un immeuble sera, quant à elle, sans effet, et ce, conformément aux termes de l’article 2936 du Code civil du Québec qui est d’ordre public et selon lequel « toute renonciation ou restriction au droit de publier un droit soumis ou admis à la publicité, ainsi que toute clause pénale qui s’y rapporte, sont sans effet ».

C’est désormais en ayant à l’esprit ce qui précède qu’il vous sera possible de négocier et/ou de rédiger une clause contractuelle prévoyant la renonciation à l’hypothèque légale. Bien entendu et en cas de doute, nous vous invitons à consulter vos conseillers juridiques afin de confirmer la validité d’une clause de renonciation à l’hypothèque légale pour les personnes ayant participé à la construction ou la rénovation d’un immeuble et les conséquences qu’elle entraîne, selon la manière, bien entendu, dont elle est rédigée.

1 Article 2726 du Code civil du Québec.2 9221-2323 Québec inc. c. Excavation L. Martel inc., 2020 QCCS 4363, au paragraphe 40.3 Ibid, au paragraphe 41.4 Ibid

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