Si vous avez déjà vu votre marge de profit sur un contrat forfaitaire fondre comme neige au soleil en raison de l’augmentation de vos coûts de main-d’œuvre ou de matériaux, sachez que vous n’êtes pas seul.
Pour les entrepreneurs qui n’ont pas le luxe de conclure un contrat cost-plus ou un contrat à l’heure, inclure une clause d’ajustement de prix dans un contrat forfaitaire est une bonne façon de satisfaire le client qui exige un prix fixe tout en se protégeant des augmentations de coût et ainsi s’assurer de conserver la marge de profit souhaitée.
Les entrepreneurs qui offrent des contrats à prix fixe sont à risque de subir des pertes en lien avec des contrats déjà signés, que ce soit en raison de l’augmentation du prix des matériaux ou en raison de modifications aux conditions de travail prévues à la convention collective du secteur résidentiel.
Est-ce que n’importe quelle clause d’ajustement de prix peut vous protéger ? Non.
- Une clause trop large qui permet de modifier le prix unilatéralement pourrait être invalidée par les Tribunaux, surtout si vous faites affaire avec des particuliers pour une rénovation ou un agrandissement sans qu’il s’agisse de la construction d’un immeuble complet, car vous seriez alors soumis à la Loi sur la protection du consommateur.
- Une clause d’ajustement de prix dite « en cas de force majeure » pourrait être efficace, mais encore faut-il que l’événement corresponde véritablement à la définition de force majeure. Par exemple, la COVID en mars 2020 était un cas de force majeure, mais elle ne l’est plus lorsque la pandémie et ses conséquences sur le domaine de la construction deviennent prévisibles.
- Une clause trop restrictive au niveau du délai de préavis à donner au client ou du type de preuves justificatives à fournir au client pourrait vous empêcher de satisfaire toutes les conditions pour vous donner le droit de majorer le prix du contrat.
Dans le cadre d’un contrat à forfait, l’article 2109 du Code civil du Québec interdit à l’entrepreneur d’augmenter le prix convenu, même si l’ouvrage a exigé plus de travail ou a coûté plus cher, sauf entente contraire entre les parties. Toutefois, si le contrat contient une clause d’ajustement de prix en cas de circonstances imprévisibles, comme une hausse soudaine du coût des matériaux ou des modifications aux conditions de travail, l’entrepreneur peut réviser le prix à la hausse, à condition de respecter les formalités prévues par la clause en question.

Récemment, dans la décision Hyppolite c. Lemieux Nolet inc. rendue le 8 mai 2025, l’entrepreneur qui avait conclu un contrat forfaitaire pour la construction d’une maison unifamiliale devant être livrée à l’été 2022 s’est pris à son propre piège.
Le contrat qu’il avait rédigé contenait une clause d’ajustement lui permettant de réviser le prix en cas d’augmentation imprévisible des coûts, notamment liée à la COVID-19. Cette clause stipulait que l’entrepreneur devait fournir aux clients des pièces justificatives démontrant l’augmentation. En retour, les clients s’engageaient à signer les documents de modification de coûts dans un délai de 15 jours.
Cependant, le Tribunal a considéré qu’aucune pièce justificative n’a été remise aux clients. L’entrepreneur avait pourtant remis un fichier Excel qui listait les soumissions et facturations des sous-traitants. Le Tribunal a jugé que cet élément était insuffisant, car les factures originales des sous-traitants et les soumissions détaillées n’ont pas été transmises et aucun lien clair avec la COVID-19 n’a été démontré. Au surplus, les clients ont refusé de signer les documents de modification de coût. En l’absence de preuves conformes aux exigences du contrat, la réclamation de l’ajustement de prix a été rejetée et les clients n’ont pas été tenus de payer les sommes réclamées pour l’augmentation du prix des matériaux en raison de la pandémie de la COVID-19. Une clause rédigée différemment aurait peut-être donné un résultat différent.
En terminant, il est à prévoir que les modifications aux conditions de travail prévues à la convention collective pousseront les entrepreneurs à recourir aux clauses d’ajustement de prix pour majorer leurs contrats forfaitaires, ce qui pourrait entraîner une augmentation de litiges à ce sujet dans les prochaines années. Mieux vaut avoir une clause d’ajustement de prix bien rédigée.