Récemment, au terme de très longues procédures judiciaires, une entreprise a réussi à contrer une allégation de négligence criminelle1 .
L’accusation
L’entreprise Arcelor Mittal a été l’objet d’une accusation de négligence criminelle causant des lésions corporelles2 consécutivement à la survenance d’un accident impliquant un préposé-réparateur-opérateur dont la fonction consistait à prendre la température et à effectuer le graissage des composantes mécaniques d’un convoyeur. Le couvercle d’un garde-chaîne a heurté le travailleur, occasionnant de sérieuses blessures dont un traumatisme crânien, un affaissement des muscles du visage et la surdité permanente d’une oreille.
L’enjeu principal lors du procès
La poursuivante, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), alléguait le non-respect de la Loi sur la santé et la sécurité du travail3, du règlement général4 et celui spécifique au travail dans les mines5 au soutien de l’accusation de négligence criminelle.
Le DPCP soutenait que l’entreprise avait omis d’assurer le respect de ses obligations en matière d’organisation du travail et de mise en place de méthodes et techniques sécuritaires ainsi que de moyens de protection adéquats à l’égard des machines utilisées par le travailleur. De plus, le DPCP soutenait que ce comportement dénotait une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité du travailleur.
Le raisonnement juridique
Au terme de l’audition de plus de 20 témoins pendant plus de 50 jours, le tribunal a déclaré que le DPCP l’a persuadé, hors de tout doute raisonnable, que l’entreprise avait effectivement omis de respecter certaines obligations légales visant l’organisation, les méthodes et les techniques mises place; cependant, le tribunal a souligné que la preuve ne permettait pas de conclure que les moyens de protection à l’égard des machines étaient inappropriés.
Ainsi, le tribunal ayant conclu que l’entreprise a omis de se conformer à des obligations légales, de telles omissions étaient susceptibles d’entraîner une condamnation de négligence criminelle si ce comportement révélait une insouciance téméraire ou déréglée à l’égard de la sécurité.
Or, le DPCP n’a pas réussi à convaincre le tribunal que la conduite de l’entreprise s’écartait de façon marquée et importante par rapport à celle d’une entreprise raisonnable placée dans la même situation.
Le tribunal a procédé à une analyse minutieuse de certains incidents antérieurs impliquant le même convoyeur puis en est venu à la conclusion que le DPCP n’a pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que ces incidents permettaient à l’entreprise de savoir que le couvercle du garde-chaîne pouvait se détacher puis être projeté avec une telle force.
L’entreprise a tenté de régler plusieurs problèmes concernant un convoyeur qui se révélait un équipement complexe en raison de sa conception et des modifications qui y ont été apportées. Les représentants de l’entreprise, au cours de la période contemporaine à l’accident et à la lumière des risques connus, ont tenu plusieurs rencontres afin d’assurer la fiabilité de l’équipement.
Le système d’entretien mis en place par l’entreprise n’était pas parfait.
Toutefois, la norme de diligence raisonnable de cette infraction ne doit pas se mesurer à l’aune d’une norme de perfection.
Les cadres supérieurs ont pris des décisions qui peuvent, après coup, être qualifiées de mauvaises, mais la preuve ne permet pas de conclure que ces décisions ont été prises avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité des travailleurs.
L’état d’esprit de la négligence criminelle
Ce jugement illustre clairement que, en matière de négligence, la loi exige un niveau très élevé de faute avant d’engendrer une responsabilité criminelle.
Dans une telle cause, le tribunal doit déterminer si l’entreprise, par l’intermédiaire de ses dirigeant.e.s, a pris soin de recueillir des renseignements puis de les analyser rigoureusement afin de prendre des mesures pour éviter qu’il ne résulte de blessure corporelle dans l’accomplissement des tâches des travailleurs.
Ainsi, le tribunal doit déterminer, d’une part, si les obligations légales et réglementaires ont été respectées et, d’autre part, si les dirigeant.e.s ont manifesté leur souci de sécurité par des actions cohérentes en fonction des éléments pertinents dont ils.elles avaient connaissance.
À défaut par le DPCP de soumettre de tels éléments de preuve, il n’y aura pas de condamnation criminelle.

Capsules ACQuis de droit
Le Service du contentieux de l’ACQ a préparé des capsules d’informations intitulées ACQuis de droit. Ces capsules servent à outiller les employeurs du milieu de la construction concernant les mesures à prendre pour éviter de se retrouver dans des situations indésirables que ce soit en termes d’infraction pénale, de santé et sécurité du travail ou en matière de relations du travail.
Animé par Robert Delorme, avocat et Stéphanie Chayer-Testa, avocate, chaque épisode portera sur un sujet spécifique et un invité viendra élaborer le sujet avec les animateurs. L’objectif de ces capsules est de vulgariser le tout et d’illustrer chaque sujet avec des exemples concrets.
Pour écouter la première capsule portant sur la négligence criminelle :