Depuis 1968, au Québec, les relations du travail dans l’industrie de la construction sont régies par la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, communément appelée loi R-20. Le nouveau projet de loi déposé hier par le ministre du travail, Jean Boulet, vient mettre cette loi au goût du jour. Pour parler de ces changements, nous avons rencontré Guillaume Houle, porte-parole de l’ACQ.
Quels sont les principaux changements apportés dans le nouveau projet de loi ?
G. H. – L’objectif de la modernisation de la loi R-20 est de se doter d’une industrie plus productive, efficiente et attractive afin de pouvoir répondre à la demande de plus en plus élevée en infrastructures tout en palliant au besoin criant de travailleurs sur les chantiers.
La complexité de sa réglementation qui n’a subi aucune modification significative depuis plus de 30 ans a généré plusieurs barrières et ne répond plus au contexte socioéconomique d’aujourd’hui. En effet, l’étude réalisée par la firme AppEco dévoile que la productivité dans le secteur de la construction au Québec en 2021 accusait un retard de 13 % avec ses voisins ontariens. Les résultats obtenus exposent de multiples facteurs en cause, tels que le cloisonnement des métiers, les restrictions à la mobilité de la main-d’œuvre ainsi que les défis reliés à la formation des travailleurs.
Quel sera l’impact de la mobilité des travailleurs ?
G. H.- Un tel système visant à restreindre la mobilité des travailleurs en accordant une priorité régionale en fonction de leur domicile est unique en Amérique du Nord et son impact sur la productivité est incontestable. Si ce régime bénéficiait d’une certaine légitimité lors de son introduction dans la réglementation dans les années 1970 en raison du contexte économique difficile et des taux de chômage historiquement hauts, il a mal vieilli et n’est tout simplement plus d’actualité aujourd’hui.
Rappelons que les heures travaillées sont passées de 68,1 millions d’heures en 1997 à 210,2 millions d’heures en 20221. L’industrie roule à plein régime et la pénurie de la main-d’œuvre ne fait qu’exercer une pression supplémentaire sur l’économie du Québec.
Alors que la validité constitutionnelle de ces clauses a été contestée devant les tribunaux, certains travailleurs n’avaient pas la possibilité de travailler dans la région de leur choix. Ceux-ci se retrouvaient limités à exercer leur métier dans leur région de domicile et les employeurs ne pouvaient les embaucher sous peine d’amendes ou de griefs.
Ce manque de flexibilité générait de nombreuses problématiques sur l’organisation du travail et plus encore dans une région où il y a un manque criant de main-d’œuvre disponible. Cette rigidité dans l’allocation des ressources pouvait, par conséquent, occasionner des retards dans la livraison du chantier et des coûts supplémentaires.
À titre d’exemple, un salarié domicilié dans la région de Sherbrooke soit la région des Cantons de l’Est ne pouvait pas travailler à Valcourt (40 km de Sherbrooke), car Valcourt est situé dans la région de Montréal. Cependant, un salarié domicilié à Mont-Tremblant pouvait très bien travailler à Valcourt à plus de 150 km de chez lui, car sa résidence est située dans la région de Montréal.
Pour rajouter à cet illogisme, selon les ententes conclues avec les différentes provinces, un travailleur ontarien peut travailler partout au Québec. Dès lors, il y a lieu de se demander si ce système à deux vitesses permet de rendre l’industrie plus attrayante pour la jeune relève du Québec ?
Avec plus de 50 % des heures qui sont effectuées dans les secteurs institutionnel et commercial, c’est l’ensemble de la société qui profitera d’une productivité accrue par la réalisation d’un plus grand nombre de projets ayant un impact considérable sur la population, telles la rénovation des écoles ou encore la construction de nouveaux hôpitaux, CHSLD, etc.
Qu’en est-il du décloisonnement des métiers pour les entrepreneurs en construction ?
G. H. -L’industrie au Québec, telle qu’on l’a toujours connue, comprend 25 métiers distincts alors que l’Ontario n’en a que 7.
Accroître les connaissances et diversifier les tâches des salariés dans l’industrie sont bénéfiques pour tous et permettront une meilleure efficience dans l’organisation du travail sur les chantiers.
Après autant d’années sans changements, il est évident qu’un fossé s’est creusé entre le règlement et la réalité des chantiers. La segmentation des tâches, le manque d’agilité et de dynamisme entre l’exercice des 25 métiers et occupations ont amené un ralentissement dans l’organisation du travail, causant un manque d’efficience sur les chantiers de construction. Concrètement, cette situation engendre des coûts en temps et en argent pour l’ensemble des Québécois et Québécoises.
Selon le sondage de la firme AppEco, un assouplissement dans l’exercice des métiers pourrait permettre d’économiser jusqu’à 10 % des heures travaillées.
En terminant…
G.H. – L’ACQ poursuivra son analyse approfondie du projet de loi n°51 dans les jours et semaines à venir. Elle s’engage également à travailler de manière constructive avec les élus et autres parties prenantes de l’industrie pour améliorer le projet de loi, dans l’intérêt de tous les Québécoises et Québécois. L’ACQ demeure engagée à contribuer activement à la mise en œuvre de ces mesures, afin de créer un environnement dynamique et prospère pour tous.