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Décret : risques de chutes en hauteur : quand la gravité vous attire vers le sol

Alain Lahaie Alain Lahaie
Alain Lahaie
Chroniqueur SST

Depuis plus de 20 ans, la chute de hauteur de plus de 3 mètres constitue une des cibles de Tolérance zéro de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)1.

Les conséquences d’une chute de hauteur de plus de 3 mètres vont de fractures simples ou multiples aux déchirures des muscles, entorses ou foulures et même, certains cas, au décès. Ces situations de risque de chute envoient un signal aux employeurs afin de mettre en place des mesures de sécurité pour protéger adéquatement les travailleurs, à défaut de quoi ils s’exposent à un arrêt de travail et peuvent être passibles de poursuites pénales.

Constatations et statistiques

Dans plusieurs milieux de travail, les travailleuses et travailleurs sont exposés à des chutes de hauteur.

La CNESST dénombrait plus de 7 décès ainsi que 2928 lésions pour le milieu de travail québécois incluant le secteur de la construction entre 2020 et 2022 en ce qui a trait aux chutes de hauteur.

Les métiers tels que charpentiers-menuisiers, couvreurs, maçons, manœuvres, peintres, monteurs de structure d’acier, et aussi selon les activités et les tâches à accomplir, présenteraient des risques de chutes, notamment, lorsqu’on : érige des structures, on rénove ou que l’on fait de la finition de murs ou encore que l’on installe une toiture. On peut aussi être à risque de chute lorsqu’on est sur une dalle ou sur un plancher sans protection collective ou individuelle.

Ces accidents, par rapport aux chutes de hauteur, arrivent trop souvent. En général, les risques sont simples à éviter et peuvent être repérables facilement.

Projet réglementaire et décret

Il y a quelques années, un projet de règlement portant sur la protection des risques de chute de hauteur avait pris forme pour venir bonifier et modifier les articles de la section 2.9 du CSTC.2

Le décret 63-20253 a été publié dans la Gazette officielle du Québec le 5 février 2025.

Le but assuré de ce projet réglementaire est de faire diminuer les accidents, donc, le bilan des lésions professionnelles lors de chute en hauteur.

Selon la CNESST, les dispositions actuelles des articles de la section 2.9 du CSTC, avant 5 février 2025, permettaient une certaine latitude dans le choix des moyens de protection contre les chutes, sans tenir compte de leur efficacité.

Protection contre les chutes de hauteur : avancement technologique, actualisation des normes et hiérarchisations des moyens

Le projet de modification réglementaire de la section 2.9 du CSTC visait à mettre à jour les dispositions des normes en matière de protection contre les chutes et de la gestion du travail en hauteur.

Pour ce faire, le travail de mise à jour au CSTC s’est arrimé sur :

  • Actualiser les dispositions du CSTC concernant les règles générales applicables;
  • L’identification (analyse et mesures de prévention mises en place) des situations où une protection contre les chutes est requise;
  • Les règles d’installation d’un garde-corps;
  • Les exigences liées à la priorité de sélection par la hiérarchisation des moyens de protection contre les chutes.

Il permettra de mettre à jour certaines exigences du CSTC afin de tenir compte de l’avancement technique et technologique (actualisation) afin qu’elles soient cohérentes avec les normes existantes mises à jour et les règles de l’art pour plus de représentations de la réalité sur le terrain en lien avec :

  1. LE PLAN DE SAUVETAGE À LA SUITE D’UNE CHUTE EN HAUTEUR, DE l’ÉQUIPEMENT POUR CE PLAN DE SAUVETAGE ET DES BESOINS DE FORMATION;
  2. L’INSTALLATION DE GARDE-CORPS, L’UTILISATION DE SYSTÈMES DE LIMITATION ET LES FILETS DE SÉCURITÉ;
  3. LE PORT DU HARNAIS RELIÉ À UN POINT D’ANCRAGE PAR UNE LIAISON ANTICHUTE qui EST UN DES MOYENS DE PROTECTION RÉPANDU ET DEMEURE PARFOIS LA SEULE SOLUTION.

POUR CE QUI EST DU PLAN DE SAUVETAGE À LA SUITE D’UNE CHUTE, le CSTC intègre de nouvelles exigences, qui vient remédier à cette situation avec la création d’articles applicables, peu importe le type de travaux en hauteur réalisés. Les nouveaux articles 2 .9.5 et 2.9.5.1, 2.9.5.2 et 2.9.5.3 de la section 2.9 indiquent que les mesures de sécurité générales sont maintenant plus détaillées quant aux mesures de sauvetage.

Ces ajouts reprennent le contenu qui était exigé à l’article 3.24.4, dispositions visant spécifiquement les travaux de montage ou de démontage de charpente métallique, en précisant que dorénavant le plan et le sauvetage à la suite d’une chute sont maintenant sous la responsabilité du MO concernant le sauvetage après une chute de hauteur lors de travaux nécessitant un harnais ou un filet de sécurité. Cet ajout est aussi en concordance avec d’autres types de procédures de sauvetage qui incombent au maître d’œuvre (p. ex. travaux à proximité de l’eau, chantiers souterrains, espaces clos).

Donc, l’article 3.24.4 est abrogé et sera remplacé, notamment, par la section 2.9.5, entre autres, de la section 2.9 du CSTC qui s’appliqueront, lors de travaux en hauteur impliquant l’utilisation d’un harnais ou d’un filet de sécurité, l’implantation d’un plan de sauvetage et l’utilisation d’équipement de protection individuelle contre les chutes.

Pour arriver fins prêts pour ce plan de sauvetage, la tenue d’une formation et de séances d’informations sur la procédure de sauvetage établie par le maître d’œuvre ainsi que la tenue d’exercices afin d’éprouver la procédure du plan de sauvetage, sera de mise dans les débuts de chantier.

Si un travailleur se trouve suspendu dans un harnais ou dans un filet de sécurité à la suite d’une chute, la procédure doit rapidement être enclenchée afin que le travailleur soit dégagé de sa position dans un délai d’au plus 15 minutes afin d’éviter des lésions graves, voire mortelles, en priorisant l’appareil de levage de personne.

De plus, la fourniture et la disponibilité des équipements nécessaires pour effectuer le sauvetage devront être en place au chantier.

Aussi, la présence d’au moins un intervenant en sauvetage (travailleur du chantier) ayant reçu la formation le rendant apte à dégager un travailleur est requise.

article chronique sst juillet

Installation du garde-corps, limitation de déplacements, des filets de sécurité et le port du harnais

Un ordre de préséance pourra être de mise afin de mettre en place une hiérarchisation des moyens de protection contre les chutes.

En cas d’exception, la hiérarchie des mesures de protection contre les chutes selon l’ordre de préséance est prescrite à l’article 2.9.2 du CSTC.

Lors de l’installation d’un garde-corps ou si une section doit être temporairement retirée en raison d’un obstacle à l’exécution des travaux, ou si l’installation d’un garde-corps est interdite ou impraticable, le travailleur doit obligatoirement être protégé au moyen de l’un des dispositifs de protection suivants, selon l’ordre de priorité établi :

  1. Modifier le procédé ou la position de travail du travailleur de manière que celui-ci exécute son travail à partir du sol ou d’une autre surface où il n’y a aucun risque de chute.
  2. Utiliser un système de limitation de déplacement conforme.
  3. Installer un filet de sécurité conforme. Pour des précisions par rapport à l’installation et la sélection du filet, il faut se référer à la norme ANSI-ASSE A10.11 ou NF EN 1263-1.4
  4. Le port, par le travailleur, d’un harnais de sécurité relié à un système d’ancrage par une liaison d’arrêt de chute conforme.

Pour ce qui est de l’installation d’un garde-corps sans égard à la présence d’un travailleur, celui-ci doit être installé à une distance de 0-300 mm de la bordure du vide incluant les côtés d’un plancher ou d’un toit, d’où un travailleur pourrait tomber :

  • Dans un liquide ou une substance dangereuse, sur une pièce en mouvement;
  • Sur un équipement ou des matériaux présentant un danger;
  • D’une hauteur de plus de 1,2 m lors de l’utilisation d’un véhicule;
  • D’une hauteur de 1,5 m lors de manutention d’une charge;
  • D’une hauteur de plus de 3 m dans des autres situations (les situations communes qui sont représentées en temps normal).

En considérant la LSST et les règles de l’art, il s’agit des mesures essentielles dans toute gestion sécuritaire du travail en hauteur puisqu’elles permettent de limiter les risques à la santé et la sécurité en évitant une aggravation des lésions subies à la suite d’une chute.

Gardons en mémoire que le CSTC établit les règles minimales que tous les employeurs du secteur de la construction doivent respecter dans le but de s’assurer de la protection de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique et psychique des travailleurs.

Les mesures et les actions à prioriser permettront d’éliminer ou, à priori, à contrôler les risques identifiés en priorisant la hiérarchisation des moyens pour prévenir le risque de chute de hauteur.

À noter :
L’article 1.1. DU CSTC- Surface fragile est une nouvelle définition ajoutée. Surface qui n’est pas prévue pour supporter le poids d’un travailleur, tel que : puits de lumière, auvent, pare-soleil, plafond en cloison sèche.
De plus, le terme « antichute » est remplacé par « arrêt de chute » utilisé dans les normes de la série CSA Z259 5 portant sur les éléments et les concepts du système de protection contre les chutes.
Pour ce qui est de l’installation d’un garde-corps, d’où un travailleur pourrait tomber d’une hauteur de 1,5 m lors de manutention d’une charge, la notion de manutention de charge serait représentée par le fait qu’une personne manutentionne une charge et qu’elle aurait la vue partiellement obstruée et qu’elle aurait les deux mains occupées à transporter la charge en question.

Mise en garde :
Le présent texte est fourni uniquement à titre informatif et ne peut être utilisé à d’autres fins. Les renseignements qu’il contient ne constituent pas des avis ou opinions juridiques et ne remplacent pas les textes du Code de sécurité pour les travaux de construction, la Gazette officielle du Québec ou les autres lois et règlements applicables, qui ont valeur officielle.
En tout temps, il faut se référer aux lois et règlements en vigueur afin de connaître les règles juridiques applicables.

Références :
1) La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
2) Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) section 2.9 Protection contre les chutes
3) Décret 63-2025 Publication dans la Gazette officielle (GOQ)
4) Norme ANSI-ASSE A10.11 ou NF EN 1263-1. (Filet de sécurité)
5) Norme CSA Z259