SST

PL 42 : Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement en milieu de travail

Audrey Massicotte
Chroniqueuse SST

Le gouvernement a adopté le 27 mars dernier la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, concept qui avait déjà introduit dans le cadre de la modernisation du régime de santé et sécurité du travail, le volet psychologique. Cette fois, le législateur prévoit des mesures de prévention pour assurer la sécurité des travailleurs ainsi qu’un allègement du cadre administratif afin de faciliter le processus de déclaration et d’indemnisation des victimes.

L’élément substantiel de la Loi visant à prévenir et à combattre le harcèlement psychologique et les violences à caractère sexuel en milieu de travail est l’introduction de la notion de violence à caractère sexuel dans la LSST et la LATMP qui se traduit comme suit :

« Toute forme de violence visant la sexualité ou toute autre inconduite se manifestant notamment par des gestes, des pratiques, des paroles, des comportements ou des attitudes à connotation sexuelle non désirés, qu’elles se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, ce qui inclut la violence relative à la diversité sexuelle et de genre. »

Cette définition se veut volontairement large. On ne veut pas compromettre l’objectif principal, la prévention du harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel dans les milieux de travail. Elle inclut les inconduites aussi relatives à l’orientation sexuelle ou de nature sexiste. Sa portée est grande, et contrairement à la définition de harcèlement, un seul geste peut être considéré comme une inconduite, et ce, sans égard à la gravité du geste posé.

Ainsi, un commentaire de mauvais goût non désiré, une blague grivoise, des avances suggestives, des gestes à connotations sexuelles pourraient ainsi être reconnus comme une forme de violence visant la sexualité ou une inconduite.

L’ajout de présomption

Déclarer une lésion faisant suite à de la violence à caractère sexuel est parfois difficile pour la victime. Les étapes relatives aux recueils des informations et l’étude du dossier peuvent s’avérer une épreuve pour plusieurs. L’adoption de nouvelles présomptions à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles permettent de faciliter la preuve menant à la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Le travailleur qui présentera une réclamation dans les trois mois du geste invoqué, n’aura donc pas à démontrer la connexité au travail, mais simplement invoquer la présence d’une lésion et de violence à caractère sexuel.

Employeur, il faut comprendre que la connexité au travail est analysée au sens large. Il faudra donc prévoir des règles qui encadrent les activités sociales organisées par l’employeur tel un party de bureau, un 5 à 7, un événement corporatif seront considérés comme étant connexes au travail dans l’analyse de la réclamation.

Toujours dans le même objectif, le délai pour produire une réclamation dans le cadre de lésion professionnelle résultant de violence à caractère sexuel est prolongé à 2 ans comparativement au délai prévu pour les autres types de lésions professionnelles qui est de 6 mois.

Avec l’ajout de ces deux présomptions, jumelé à la définition large de violence à caractère sexuel, le législateur remplit parfaitement le mandat qu’il s’était donné, soit de faciliter le processus de déclaration et d’indemnisation des victimes.

L’accès au dossier médical

L’accès au dossier médical sera dorénavant plus restreint. Non seulement seul le professionnel de la santé désigné par l’employeur a le droit de recevoir copie, mais la loi vient préciser qu’il ne peut communiquer à l’employeur que les informations nécessaires pour lui faire un résumé de dossier.

Advenant le non-respect des règles relatives à l’accès aux documents médicaux, la personne en infraction est passible d’une amende d’au moins 1 000 $ et d’au plus 5 000 $ s’il s’agit d’une personne physique et d’une amende d’au moins 2 000 $ et d’au plus 10 000 $ dans les autres cas.

Imputation des coûts

Bien que les nouvelles modalités relatives à la reconnaissance et à la gestion des lésions professionnelles résultant de violence à caractère sexuel favorisent l’accessibilité à l’indemnisation et aux soins médicaux, l’employeur doit conserver son droit de défense pleine et entière.  Le cumul des présomptions, de la prolongation du délai et de l’accès aux documents limité ajoute un fardeau supplémentaire à l’employeur qui voudra gérer les coûts à son dossier et parfois se défendre. Ajoutons que l’employeur pourra directement être visé par la réclamation. Afin de limiter l’ingérence des employeurs dans ce type de réclamation, le coût des prestations dues en raison d’une lésion professionnelle qui résulte de la violence à caractère sexuel subie par le travailleur sera imputé aux employeurs de toutes les unités.

En terminant, vous aurez jusqu’au 27 septembre 2024 pour élaborer une politique de prise en charge des situations de harcèlement. Cette dernière devra notamment prévoir des méthodes et des techniques pour identifier, contrôler et éliminer les risques de harcèlement, prévoir les modalités applicables pour faire une plainte et établir des processus de prise en charge d’une situation de harcèlement. Cette politique devra rencontrer plusieurs nouvelles exigences. Contactez votre conseiller SST de l’ACQ pour bénéficier de notre expertise et de notre soutien dans cette démarche.

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