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Les risques psychosociaux et la violence en milieu de travail : comprendre, agir et prévenir

Alain Lahaie Alain Lahaie
Alain Lahaie
Chroniqueur SST

Au Québec, les risques psychosociaux (RPS) et la violence de tout genre sont pris en compte dans le cadre légal de la santé et de la sécurité du travail, au même titre que les risques physiques, biologiques ou chimiques. Cette reconnaissance s’est renforcée avec l’adoption de la nouvelle Loi visant à combattre et à prévenir le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.

La santé psychologique au travail est reconnue comme un enjeu majeur de santé publique et au travail affectant, de façon sans équivoque, la performance organisationnelle.

Les statistiques parlent d’elles-mêmes.
Selon la CNESST1, les statistiques québécoises récentes relevées entre 2019-2023 démontre notamment :
– Hausse de 42 % des lésions attribuables aux RPS depuis 2019;
– En 2023, uniquement, on comptait 5532 lésions lié aux RPS;
– La durée moyenne d’indemnisation pour les femmes était de 155 jours et de 204 jours pour les hommes;
– Les débours moyens pour les hommes ont atteint 32,616 $, soit une hausse de 66,5 %;
– Les secteur de la santé et de l’enseignement sont plus particulièrement visés par des lésions à la violence.

Cadre légal au Québec – obligations des employeurs

La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) imposent aux employeurs l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin de protéger et d’assurer la santé physique, psychique et l’intégrité des travailleurs. D’une façon concrète, l’article 51.16 de la LSST stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour éliminer les risques à la source, doit prendre les moyens pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel (VACS) et de prendre toute autre mesure que peut déterminer un règlement pour prévenir ou faire cesser une situation.

La loi 42 (2024) renforce les obligations des employeurs en matière de prévention du harcèlement psychologique et de la violence à caractère sexuel. Elle exige, notamment, d’évaluer leur impact sur la santé des employés, de mettre en place ou de mettre à jour des politiques de prévention qui incluent l’intégration de la notion de violence à caractère sexuel, la formation obligatoire des responsables, un processus de traitement des plaintes clair et confidentiel, et des mesures disciplinaires en cas de non-respect des règlements ainsi que de favoriser un climat organisationnel sain.

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Comment interpréter les risques psychosociaux ?

Selon la CNESST, les RISQUES PSYCHOSOCIAUX liés au travail peuvent affecter la santé physique et psychologique d’une personne. Ils peuvent être présents dans tous les milieux de travail. Comme les autres risques à la santé et à la sécurité des travailleurs, ils doivent être identifiés, analysés et pris en charge par les milieux de travail.

Ils incluent notamment2 :

  • Le harcèlement au travail
  • La violence en milieu de travail
  • La violence conjugale, familiale
  • La violence à caractère sexuel
  • L’exposition à un événement potentiellement traumatique.

Ce sont des risques qui sont définis et liés aux aspects de l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi et aux relations sociales ou contextuelles qui peuvent nuire à la santé mentale et physique des travailleurs, et qui fait augmenter la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées3.

Ces risques, quoiqu’ils soient présents dans la société et dans les milieux de travail, ne sont pas toujours translucides, mais leurs effets peuvent être graves et perdurer dans le temps.

De plus, des facteurs de risques psychosociaux liés au travail pris séparément ou en combinaison peuvent influencer la santé psychologique et physique des travailleurs et travailleuses.

Ces facteurs de risques notamment sont4 :

  • L’autonomie décisionnelle
  • La charge (insuffisante) ou surcharge de travail
  • La justice organisationnelle
  • La reconnaissance au travail
  • Le soutien au travail entre collègues de travail et des gestionnaires
  • Les conflits interpersonnels.

Ces facteurs peuvent agir isolément ou en combinaison, et leur impact est souvent cumulatif et insidieux. Ils doivent être considérés de façon globale comme agissant les uns avec les autres plutôt que pris séparément.

Quelle que soit la situation, cela pourrait entraîner des troubles ou des désordres tels que :

  • Détresse psychologique
  • Dépression
  • Troubles anxieux
  • Épuisement professionnel
  • Troubles musculosquelettiques
  • Maladies cardiovasculaires
  • Conflit
  • Absentéisme

Distinction entre risques psychosociaux (RPS) et facteurs de risques (FDR)

Voici comment les reconnaître :

RPS : Ce sont les conséquences néfastes sur la santé mentale ou physique des travailleursFDR : ce sont les éléments du milieu de travail qui peuvent provoquer ces risques
Risque : détresse psychologiqueFacteur : manque de connaissances
Risque : syndrome du choc post-traumatiqueFacteur : témoin d’accident mortel ou grave
Les risques psychosociaux liés au travailActions à réaliser dans votre entreprise et vos milieux de travail sans s’y limiter.
Pour tous les risques psychosociaux, informez et consultez le personnel, cela peut être très éducatif pour les employés.
Harcèlement au travail– Une politique claire de tolérance zéro;
– Offrir des formations;
– Créer un environnement de travail sécuritaire et respectueux;
– Inculquer une culture de travail saine;
– Organiser de la formation sur la civilité et la résolution de conflits;
– Intervenir rapidement lors de situations de harcèlement;
– Appliquer une politique de tolérance zéro.
Violence en milieu de travail– Agir rapidement et de manière adéquate. Lors d’un événement, nommer un enquêteur interne ou externe;
– Former et sensibiliser le personnel à la gestion des conflits;
– Communiquer avec aisance et intervenir afin de prévenir les conflits et résoudre les problèmes;
– Sécuriser le lieu de travail pour empêcher la violence.
Violence conjugale ou familiale– Rédiger une politique de tolérance zéro incluant l’aspect du télétravail;
– Installer un système de surveillance au bureau (ex. : caméra);
– Mettre en place des mesures et des procédures de prévention de la violence;
– Offrir du soutien aux victimes;
– Former et sensibiliser le personnel.
Violence à caractère sexuel en milieu de travail– Élaborer et diffuser une politique écrite qui définit la violence à caractère sexuel, les comportements inacceptables et les sanctions associées;
– Développer des ateliers pratiques sur la prévention des violences;
– Proposer des canaux de signalement (en personne, en ligne ou via une ligne d’assistance externe);
– Respecter la confidentialité;
Imposer des sanctions proportionnées aux actes.
Exposition à un événement potentiellement traumatique
Il faut considérer plusieurs situations :
– Être la victime
– Être témoin
– Apprendre qu’un proche a été exposé
– Être exposé de manière répétée
– Évaluation des risques et interventions rapides;
– Formation à la gestion des conflits;
– Politiques anti-harcèlement et anti-discrimination;
– Soutien psychologique;
– Communication transparente;
– Plans d’urgence et de sécurité;
– Formation en gestion du stress et en premiers soins psychologiques.
  1. Harcèlement verbal et discriminatoire dans un service : une technicienne en comptabilité a été victime de propos humiliants et racistes de la part de son supérieur. Le tribunal a reconnu une relation de domination et a accueilli la plainte.
  2. Violence psychologique envers une travailleuse de la construction : une travailleuse vulnérable a été menacée et humiliée par son supérieur. Le tribunal a jugé que l’employeur avait profité de sa vulnérabilité.
  3. Harcèlement dans un service de production : un directeur a été intimidé par un collègue sans que la direction supérieure n’intervienne. Le tribunal a reconnu la faute de l’employeur.
  4. Pressions indues pendant un congé de maladie : un employé spécialisé a reçu des appels répétés pour le pousser à démissionner. Le tribunal a reconnu le harcèlement psychologique.
  5. Surcharge de travail et absence de reconnaissance : une adjointe administrative a été menacée par un collègue sans que la direction n’intervienne. La plainte a été accueillie.
Facteurs de risques psychologiquesActions à réaliser sans s’y limiter.
Dans tous les facteurs de risques, informer et consulter le personnel, cela peut être éducatif pour les employés.
Autonomie décisionnelle– Valoriser et privilégier la prise d’initiatives, la créativité et le développement de compétences;
– Instaurer un climat de confiance encourageant à prendre des initiatives et exprimer des idées;
– Offrir des formations pertinente et adéquate.
Charge de travail– Organiser des réunions d’équipe régulières, notamment pour discuter des objectifs à atteindre, des ressources nécessaires et des obstacles envisagés ou rencontrés;
– Évaluer les méthodes, les procédures ainsi que les outils de travail afin d’en assurer l’efficacité et l’efficience;
– Élaborer une politique de déconnexion;
– Réserver des périodes planifiées sans rencontre pour limiter les interruptions.
Justice organisationnelle– Implanter des politiques et des procédures cohérentes et impartiales;
– Adopter un style de gestion inclusif, reposant sur la concertation et la participation du personnel;
– Maintenir une communication régulière et transparente avec le personnel;
– Promouvoir la transparence et l’équité dans les politiques de rémunération et les processus d’évaluation.
Reconnaissance au travail – Favoriser une culture de reconnaissance;
– Organiser une journée de reconnaissance à l’occasion ou une fois par année;
– Adopter un programme de reconnaissance formelle;
– Soutenir le développement professionnel et les opportunités de croissance.
Soutien au travail– Promouvoir la collaboration;
– Renforcer la cohésion d’équipe en organisant des activités sociales;
– Fournir du soutien à l’ensemble du personnel en proposant, par exemple, un programme de pairs aidants (ou sentinelles);
– Accorder du temps pour des activités de type « team building » durant les heures régulières de travail afin de favoriser le développement des relations de travail positives.

Sur les chantiers de construction :

  • Une pression générée par la performance en raison  des délais serrés et des exigences physiques.
  • La culture de la virilité où peu de place est laissée pour l’expression des émotions.
  • La violence verbale ou physique entre travailleurs ou avec les contremaitres, coordonnateurs en santé et sécurité ou autres personnes sur un chantier.
  • L’insécurité d’emploi, car les travaux sont parfois en montagne russe, l’emploi peut être temporaire et fluctuant, créant de l’incertitude.
  • Un faible soutien professionnel, car le travail en équipe peut varier régulièrement, créant des difficultés d’adaptation et de l’isolement.
  • L’exposition à des événements traumatiques tels que les accidents graves ou un décès sur le chantier.

Dans les milieux de travail – Bureaux-Établissement

  • Charge mentale élevée provoquée par des délais serrés.
  • Manque de reconnaissance dans les équipes de travail ou la direction.
  • Isolement en télétravail qui pourrait réduire le soutien social et professionnel.
  • Ambiguïté des rôles pouvant générer du stress.
  • Violences verbales de la part de ses collègues de travail.
  • Exemple du secteur de la construction : une entreprise a intégré les RISQUES PSYCHOSOCIAUX dans son programme de prévention SST, formé les gestionnaires, mis en place un processus de plainte simplifié, et offert un accompagnement personnalisé. Résultat : Cette approche a amélioré le climat de travail de façon substantielle.
  • Exemple d’entreprise de fabrication : une entreprise a mis en place un comité de mieux-être, réalisé une évaluation des RPS, organisé des ateliers de gestion du stress, instauré une politique de droit à la déconnexion, et créé un espace de soutien psychologique. Résultat : réduction de 35 % de l’absentéisme lié à des troubles anxieux.

Vous voulez en savoir plus sur les risques psychosociaux et la violence en milieux de travail ?

Voici un questionnaire rapide qui porte sur vos connaissances concernant le harcèlement psychologique en milieu de travail. Ce sont 5 questions à choix multiples qui vous emmènent à reconnaître où vous vous situez dans votre cheminement par rapport au harcèlement psychologique
Le harcèlement psychologique en milieu de travail | Quiz | Prévention au travail

De plus, des capsules vidéo produites par l’ACQ sur les RPS et les VACS sont disponibles sur le site de l’ACQ.
Pour voir les 3 capsules en rafale : Le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel – Association de la construction du Québec

Donc, avec ce bagage d’informations, comme vous pouvez le constater, les RISQUES PSYCHOSOCIAUX et les FACTEURS DE RISQUES ne sont pas si invisibles que cela dans les milieux de travail. Ils peuvent être identifiés, analysés, corrigés, prévenus et gérés efficacement dans ce sens.

La réglementation québécoise a un cadre clair, mais c’est dans une mise en œuvre concrète et responsable que réside la clé du succès.

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En comprenant la distinction entre RISQUES PSYCHOSOCIAUX ET FACTEUR DE RISQUES, en adaptant les mesures aux réalités de chaque milieu et surtout en favorisant une culture organisationnelle saine, les employeurs peuvent contribuer à un environnement de travail plus humain, plus sécuritaire et plus efficace donc plus performant.

Sources :

1 : Statistiques sur les risques psychosociaux liés au travail – 2019-2023

2 : Risques psychosociaux liés au travail | Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail – CNESST

3 : Risques psychosociaux du travail | Institut national de santé publique du Québec

4 : Facteurs de risques psychosociaux liés au travail | Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail – CNESST

Harcèlement au travail : Le harcèlement au travail, que ce soit psychologique, sexuel ou du cyberharcèlement n’est pas toléré en milieux de travail. C’est une conduite qui a pour conséquence de rendre le milieu de travail malsain pour la personne qui la subit.

Violence en milieu de travail : La violence en milieu de travail peut être physique ou psychologique, et comprend la violence à caractère conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Dans tous les secteurs d’activité, la violence peut survenir, dans les circonstances ou à l’occasion du travail. Cette violence peut provenir de l’interne ou de l’externe.

Violence conjugale ou familiale : La violence conjugale ou familiale est un risque présent dans tous les milieux de travail. Ce n’est pas une problématique qui est uniquement dans la vie de la victime. Ce type de violence peut avoir une incidence sur le milieu de travail de cette personne.

Violence à caractère sexuel en milieu de travail : La violence à caractère sexuel (VACS) est un risque qui concerne tous les milieux de travail. Elle touche principalement les femmes mais les hommes peuvent aussi être victimes. La VASC peut se manifester de manière verbale, par messagerie électronique, par téléphone pour par tous autre moyen électronique.

Exposition à un événement potentiellement traumatique : Un événement potentiellement traumatique (EPT) est un événement présentant une menace à la vie ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne comme une menace de mort, une blessure grave, de la violence ou un décès.