Alors que le secteur de la construction québécois affiche une croissance économique soutenue, une étude dévoilée le 23 septembre dernier par le Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) et l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) lance un avertissement clair : ce n’est pas en embauchant davantage que l’industrie relèvera ses défis, mais en innovant.
Avec un PIB de 30 milliards $ en 2023, soit 6,8 % de l’économie provinciale, et 344 000 travailleurs, le secteur est un pilier de l’économie québécoise. Pourtant, sa productivité a reculé de 10,8 % entre 2013 et 2023, selon Statistique Canada — un contraste frappant avec la croissance de 8 % observée dans les autres industries.
« L’industrie de la construction a le potentiel de transformer en profondeur l’économie du Québec, affirme Luc Sirois, innovateur en chef du Québec et directeur général du Conseil de l’innovation du Québec. Mais pour y parvenir, il faut miser sur l’innovation, pas seulement sur le recrutement. »
Une pénurie qui pèse lourd
La pénurie de main-d’œuvre, bien connue dans le secteur, s’est aggravée : le taux de postes vacants est passé de 2,2 % à 4,8 % en cinq ans. Pour répondre aux besoins des grands chantiers post-pandémie, le gouvernement a assoupli les critères d’embauche, entraînant une hausse du nombre de travailleurs sans diplôme professionnel — 75 % en 2023, contre 43 % en 2014. Résultat : un taux de départ élevé après cinq ans.
Un retard en innovation et en écologie
Les dépenses en recherche et développement restent faibles : 0,14 % du PIB, contre 1,46 % pour l’ensemble des industries. Et sur le plan environnemental, les émissions de GES ont augmenté de 30 % depuis 2013, atteignant 1,75 million de tonnes de CO₂ équivalent.
« Le secteur est composé majoritairement de petites entreprises, souvent sans les moyens d’investir en R-D, observe Luc Sirois. Pourtant, les solutions existent : technologies numériques, matériaux durables, gestion innovante. »
Des initiatives prometteuses
Malgré les défis, plusieurs acteurs du milieu se mobilisent. La Commission de la construction du Québec (CCQ) a publié au printemps le rapport Innover en construction, qui recense des pratiques innovantes comme le BIM, la construction hors site, l’impression 3D ou encore l’approche Lean Construction.
L’Association de la construction du Québec (ACQ) a mis sur pied une Table ronde sur l’innovation, tandis que l’APCHQ développe des procédés comme le Mur parfait, axés sur l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels.
« Ce n’est pas en engageant plus de gens que l’enjeu de la productivité va se résoudre, mais par l’innovation, insiste Luc Sirois. Il faut moderniser nos pratiques pour bâtir plus vite, mieux et durablement. »
Cinq leviers pour transformer l’industrie
L’étude du CIQ et de l’IRÉC identifie cinq pistes concrètes pour relancer le secteur :
- Adoption accélérée des technologies numériques
- Développement de matériaux durables
- Modernisation des pratiques de gestion
- Renforcement de l’écosystème d’innovation
- Formation d’une main-d’œuvre qualifiée
Les résultats de l’étude ont été présentés le 23 septembre dernier au Palais des congrès de Montréal, dans le cadre du Grand Batimatech, un événement qui rassemble les leaders de l’industrie autour des enjeux d’innovation.
Pour en savoir plus : Conseil de l’innovation du Québec
