Le leadership ou l'art d'être un bon patron

album photo

Pour Nicolas Picotte, le succès de son entreprise repose sur ses employés. Les patrons doivent donc agir comme un coach au hockey et offrir à leurs troupes tout ce qu’il faut pour performer, estime le président de Structure G.S.R. 85. « Je fais de la sous-traitance. Ça me prend donc la meilleure équipe pour gagner la coupe Stanley. »

Quand les travailleurs de Structure G.S.R. 85 arrivent sur le chantier, ils portent fièrement un chandail jaune fluo. Sur leurs t-shirts, on voit non seulement le logo de la compagnie, mais aussi la mention « Attache-toi ». Un rappel quant à la sécurité pour ces ouvriers qui travaillent toujours en hauteur, mais également une façon de montrer l’importance de l’équipe, estime Nicolas Picotte.

Et, pour le président de l’entreprise, soutenir ses employés est essentiel quand on est un patron. « Je suis sur les chantiers tous les jours. Et si je me trouve au bureau et qu’on a besoin de moi, j’embarque dans mon camion et j’arrive, explique le monteur-assembleur. Bref, je ne laisse pas tomber mes équipes et l’inverse est aussi vrai. Je pense que c’est ça, être un leader. » Un point de vue partagé par Hélène Douville, présidente fondatrice de Groupe conseil DCA. « Un bon leader, c’est quelqu’un qui sait s’entourer et faire briller le talent des gens autour de lui. »

Carolyne Filion

« Je ne laisse pas tomber mes équipes et l’inverse est aussi vrai. Je pense que c’est ça, être un leader. »

Nicolas Picotte, président de Structure G.S.R. 85. 

© Structure G.S.R. 85

Une question de survie

Si ce n’est pas d’hier que le leadership fait couler beaucoup d’encre, c’est encore plus d’actualité dans le contexte. « Nous allons connaître une croissance importante du produit intérieur brut dans les prochaines années, ce qui va accentuer le phénomène de la pénurie de main-d’œuvre. Les entreprises n’auront pas d’autre choix que d’adapter leurs pratiques de gestion. Ce sera une question de survie », observe Annie Boilard, présidente du réseau Annie RH.

En effet, les organisations qui offrent un bon climat de travail, qui valorisent leurs troupes, seront les plus aptes à tirer leur épingle du jeu. Ce faisant, les meilleurs leaders auront la cote et réussiront à attirer — et à conserver — la main-d’œuvre, estime-t-elle. Un point de vue partagé par Ghislain Bélisle-Pilon, estimateur en chef et associé chez Revêtement extérieur GB. Fondée en 2010, l’entreprise de Gatineau a fait place à de nouveaux associés en 2014. Depuis, la compagnie a acquis des parts de marché dans le secteur institutionnel et commercial et est passée de huit à une cinquantaine d’employés.

La bonne réputation de Revêtement extérieur GB facilite le recrutement. En effet, il n’est pas rare que des candidats cognent à la porte de la compagnie pour obtenir un poste, affirme l’associé. « Habituellement, le bouche à oreilles suffit pour combler nos besoins. Je pense que notre façon d’organiser le travail y joue pour beaucoup. Les chefs d’équipe s’assurent que les travailleurs ne manqueront pas de matériel sur les chantiers. Ils encadrent bien les employés aussi. » Et les patrons prennent soin de leurs troupes. « Il y a deux endroits où on ne coupe jamais, c’est dans la sécurité et dans la main-d’œuvre. »

Même son de cloche chez Structure G.S.R. 85. L’entreprise de Mascouche compte sur une équipe très stable, et ce, depuis de nombreuses années. « Notre employé le plus ancien vient de prendre sa retraite et cela faisait 34 ans qu’il travaillait pour nous, calcule Nicolas Picotte. D’autres sont avec nous depuis plus de 20 ans. »

Carolyne Filion

« Il y a deux endroits où on ne coupe jamais, c’est dans la sécurité et dans la main-d’œuvre. »

Ghislain Bélisle-Pilon, estimateur en chef et associé chez Revêtement extérieur GB.

©  Revêtement extérieur GB

Un bon leader, c'est quoi ?

Bref, être un bon patron est essentiel, surtout actuellement. Mais, qu’est-ce qui fait l’étoffe d’un leader ? Difficile de répondre à cette question dans l’absolu. En effet, il existe différents courants dans ce domaine. « Au fil du temps, bien des théories sur le leadership se sont succédées, évoluant selon les époques, les contextes sociaux, historiques, culturels ou économiques », rappelait d’ailleurs la revue Gestion, dans un article publié en novembre dernier. Aujourd’hui, entre les leaders transformationnels, inspirants, authentiques, transparents, collaboratifs ou conscients, on voit bien que le modèle n’est pas unique, explique-t-on aussi.

« Il faut garder en tête que les chaires de gestion à l’université publient des milliers de pages sur le leadership chaque année, illustre Annie Boilard. Le concept se redéfinit donc constamment. D’autant que l’art de diriger évolue avec le temps. Si autrefois, le patron était plus directif et autoritaire, en 2021, il exerce autrement son influence, ajoute-t-elle. Selon moi, le leadership, c’est la capacité d’articuler une vision et de soutenir une équipe pour arriver à ses objectifs. Et s’il n’y avait qu’un mot-clé à retenir, ce serait soutenir. »

article leadership revtement gb
©  Revêtement extérieur GB

Portrait-robot d’un bon patron

Ainsi, s’il est difficile de dresser le portrait-robot d’un leader, certains traits reviennent régulièrement, comme la capacité à soutenir ses troupes. Ce qui passe par une bonne dose d’écoute et d’ouverture. « Aujourd’hui, les patrons sont presque des psychologues », témoigne Nicolas Picotte. Son équipe, qui compte une quinzaine de personnes, il la connaît. « En un regard, je sais si quelqu’un va moins bien. » Et il se montre flexible si l’un d’entre eux file un mauvais coton.

Les dirigeants doivent être ouverts aux suggestions, pense aussi le président. « Oui, je reste le patron et j’ai la responsabilité s’il arrive un pépin. Mais les gars ont beaucoup d’ancienneté. Quand ils proposent quelque chose, je les écoute ! » Pour montrer du leadership, consulter est important, estime quant à lui Ghislain Bélisle-Pilon. « Il faut être capable d’amener les gens à croire à tes idées plutôt que de les imposer. C’est d’autant plus stratégique avec les plus jeunes, qui sont motivés, renseignés et ont envie de contribuer. »

Pour mobiliser leurs troupes, les gestionnaires doivent expliquer les raisons derrière leurs choix et les changements qu’ils veulent apporter à l’entreprise. C’est l’approche privilégiée par l’équipe de Revêtement extérieur GB quand elle décide d’implanter une nouvelle technologie sur ses chantiers, par exemple. Les patrons rencontrent les employés un à un pour prendre le pouls et s’assoient avec ceux qui sont plus réticents. « Bref, nous leur demandons de se prononcer et prenons le temps de leur expliquer le pourquoi. Ce qui permet en général de convaincre même les plus récalcitrants », affirme-t-il.

De son côté, Hélène Douville évoque le concept de « coach mobilisateur ». Pour cela, il faut miser non seulement sur son leadership, mais être capable d’être visionnaire, d’avoir du courage en avouant ses erreurs, d’être un exemple et d’offrir de la reconnaissance. « Des fois, c’est aussi simple que de saluer les gens chaque matin en les regardant dans les yeux, illustre-t-elle. Souligner les bons coups, en expliquant pourquoi cela mérite des félicitations, est également important. Dans le fond, il faut comprendre ce qui motive chaque personne pour la mobiliser. Et c’est rarement l’argent », note Annie Boilard.

Miser sur sa crédibilité

article leadership grs 85
© Structure G.S.R. 85

« Un bon dirigeant doit aussi être crédible aux yeux de son équipe, affirme Hélène Douville. Cela peut prendre différentes formes. Est-ce que tout le monde m’écoute ? Suis-je charismatique ? Est-ce que j’ai de l’influence ? Est-ce que je m’engage dans l’action ? Pour cela, il faut connaître le métier, avoir une vision claire de l’entreprise et de ses activités et tracer le chemin à suivre. »

Ce qui n’est pas toujours simple, surtout lors d’un transfert d’entreprise. Toutefois, quand Nicolas Picotte a succédé à son père à la tête de Structure G.S.R. 85 il y a quatre ans, le changement de garde s’est bien passé, assure-t-il. Il faut dire que le monteur-assembleur travaillait depuis une vingtaine d’années déjà au sein de l’entreprise familiale. « Quand tu es le fils de l’employeur, tu dois redoubler d’efforts et montrer que tu es capable de pousser la machine. » Ainsi, il avait déjà fait ses preuves quand il est passé du rôle de collègue à celui de patron, ce qui a facilité la transition.

Il a aussi apporté sa marque à la compagnie, en informatisant certaines tâches administratives, en modernisant sa flotte de camions et en achetant du nouveau matériel. « Les gars sont fiers d’arriver avec leurs outils flambants neufs, ajoute-t-il. Et si on peut améliorer quelque chose et que ça ne coûte pas des millions, on le fait. » « Ainsi, le bon leader est capable d’anticiper le futur de la compagnie, de développer une vision pour son organisation et de mobiliser ses troupes », complète Annie Boilard.

Le fait de ne pas compter ses heures y joue aussi pour beaucoup, pense Ghislain Bélisle-Pilon. « Il faut démontrer notre sérieux et nous investir nous-mêmes pour que ça fonctionne. » L’associé raconte avoir passé les trois dernières années à travailler six jours sur sept pour participer à des comités, se renseigner, faire connaître l’entreprise, etc. « Quand les employés voient que tu n’es pas parti la moitié de l’année dans le Sud pendant que les profits s’accumulent, que tu es là tous les jours, que tu mets les efforts, c’est motivant et rassurant. » En plus d’inspirer confiance, cela démontre que toute l’équipe rame dans le même sens.

article leadership eeb
© École d’Entrepreneurship de Beauce

Créer sa propre recette

Mais, peu importe les qualités à acquérir, tout le monde s’entend sur une chose : il n’y a pas de recette toute faite pour devenir un bon leader. « C’est plutôt une question de connaissance de soi, pour bien comprendre son style, ses limites et ce qui nous motive, estime la directrice de l’École d’Entrepreneurship de Beauce, Isabelle Le Ber. Actuellement, il y a beaucoup de pression sur les épaules des leaders. Je pense qu’il n’y a pas une journée où on ne voit apparaître une liste des compétences qu’il devrait maîtriser. »

« Bien sûr, un bon leader devrait être disponible pour son équipe et lui fournir l’aide dont elle a besoin pour réussir, explique la directrice. Mais c’est loin d’être juste cela ! » C’est pourquoi son école présente entre 10 ou 20 leaders pendant les différents parcours offerts aux entrepreneurs. Ainsi, les participants peuvent s’inspirer de ce qu’ils entendent et développer leur propre style.

D’autant que les paramètres changent sans arrêt. Et la façon d’y réagir aussi. « Le leadership, c’est un peu comme une danse, compare Isabelle Le Ber. Il faut constamment que tu t’ajustes aux gens devant toi, aux réalités auxquelles tu fais face. Il faut donc accepter de faire des essais et des erreurs, de s’écorcher les genoux, d’apprendre, de recommencer et de se remettre en question. Mais surtout, il faut se faire confiance. »

Carolyne Filion

« Le leadership, c’est un peu comme une danse. Il faut constamment que tu t’ajustes aux gens devant toi, aux réalités auxquelles tu fais face. »

Isabelle Le Ber, directrice de l’École d’Entrepreneurship de Beauce.

© École d’Entrepreneurship de Beauce

Bref, il faut développer sa propre façon d’accompagner ses équipes, en étant conscient que son style ne conviendra pas à tous. Mais surtout, il faut se rappeler qu’un leader n’est rien sans ses employés. « C’est un peu comme au hockey. Oui, il y a un coach. Mais sans les joueurs, ce serait impossible de remporter la victoire », conclut la directrice.

Inscrivez-vous à notre infolettre

Pour toujours être informé sur les actualités de la construction