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Avenir de la construction : rendre le bâtiment globalement durable

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

La crise climatique et d’accès aux ressources établit de nouveaux fondements de construction. Elle change la donne d’industrie et la demande pour des matériaux différents. Des produits doivent être inventés et d’autres adaptés à la réalité environnementale. Mais l’évolution pose plusieurs défis dans une industrie abondamment normée. Un enjeu de créativité et de persévérance précède l’implantation de nouvelles pratiques et la constitution des substances de matériaux d’avenir. Voici des tendances à suivre.

Claudiane Ouellet-Plamondon est professeure à l’École de technologie supérieure (ÉTS). Elle enseigne au département de génie de la construction. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux de construction multifonctionnels durables, elle dirige une série de travaux destinés à l’innovation et à l’avenir du bâtiment, notamment en compagnie d’étudiants aux cycles supérieurs. Elle est très bien placée pour illustrer le changement.

Elle affirme qu’il existe une grande volonté de créer et d’exploiter de nouveaux matériaux écologiques pour construire les édifices. Citant les matériaux biosourcés, elle précise toutefois que ces produits émergents restent difficiles à trouver sur les tablettes des distributeurs de l’industrie de la construction d’ici pour une distribution à grande échelle. En fait, ces produits sont peu répandus. D’autres, pourtant verts et familiers, sont victimes d’une réalité déconcertante. Certains producteurs locaux arrivent à produire et à distribuer leurs produits localement. Naturefibres.com et heco-innovation.com en font état.

« Le segment des matériaux écologiques compte naturellement sur le bois d’œuvre. Ce dernier est offert chez les grands quincailliers. Mais avec la pandémie, son prix a été gonflé, note la professeure. Les grandes familles de produits de construction restent le bois, l’acier et le béton. Leur usage dans un contexte durable est tout autant recommandé et fiable, selon la taille du bâtiment. L’important est de viser une longue vie en service. Pour des bâtiments de quatre étages et moins, l’ossature de bois est plus écologique. Plus on augmente en taille, plus des constructions hybrides avec une combinaison de bois, béton et/ou acier sont à privilégier. L’exemple de Brook Common1 à UBC le démontre », précise Claudiane Ouellet-Plamondon.

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« Plus on augmente en taille, plus des constructions hybrides avec une combinaison de bois, béton et/ou acier sont à privilégier.  »

Claudiane Ouellet-Plamondon, professeure au département de génie de la construction à l’ÉTS.

© ÉTS

Enjeux logistiques

« Peu de manufacturiers et de fournisseurs pour ces produits sont présents sur le territoire québécois et nord-américain. L’existence de ces entreprises chez nous pourrait aider à faire connaître ces matériaux. Ce facteur constitue un important enjeu de développement. Il fait obstacle au rayonnement de produits plus sains et à la volonté d’essor de la demande », remarque-t-elle.

À cette faiblesse d’approvisionnement s’ajoute un problème de rareté de main-d’œuvre connu dans l’industrie. « Nous manquons de gens pour créer, produire et distribuer des matériaux prometteurs. L’Europe, où l’expertise et le personnel qualifié destinés à ce secteur d’activité abondent, possède une longueur d’avance dans ces domaines. Il s’y crée plusieurs nouveaux produits d’accréditation verte pour le bâtiment. »

« Nous gagnerions à pourvoir des matériaux intégrés à une chaîne de logistique durable affirmée et à concevoir des produits issus d’une économie circulaire solidement implantée », estime également Claudiane Ouellet-Plamondon. Elle fait écho à la construction hors site, robotisée et modulaire, une tendance de plus en plus observée dans notre industrie. Ce modèle représente aussi un moyen de mieux gérer les contraintes de pénurie de main-d’œuvre.

Nourrir l’ambition du développement durable pour mieux faire face à l’urgence climatique surpasse l’idéation de matériaux de construction assimilés à de nouvelles substances de nature écoresponsable. La motivation cible également la création et l’évolution de procédés intelligents de contrôle ambiant des bâtiments. L’objectif vise la carboneutralité des aires de vie et de travail, une fonctionnalité animée par la volonté de s’adapter aux changements climatiques. L’intelligence artificielle permet de nous aider à concevoir selon
plusieurs fonctionnalités.

article tendances materiaux panneaux chanvre© HECO Innovation– Cure

Guider la croissance

« Le béton de chanvre sort du lot en matière de développement durable, poursuit-elle. Disponible dans plusieurs pays d’Europe, il est utilisé dans la construction d’habitations et d’édifices institutionnels et commerciaux. Sa présence timide sur le continent américain est tout de même vouée à un bel avenir. C’est un matériau écologique de capacité démontrée. La fibre de chanvre peut être utilisée pour l’isolation thermique et acoustique. Il s’inscrit dans le futur du bâtiment », fait valoir la professeure du département de génie de la construction de l’ÉTS. En plus, le chanvre permet de capter le CO2 atmosphérique. »

Dans le domaine de l’isolation, on voit également poindre sur le marché des produits verts à base de cellulose. « Voie d’avenir, ils constituent un vecteur de rentabilité d’industrie. Moins chers que les isolants traditionnels, ils présentent des caractéristiques qui adhèrent aux normes canadiennes de performance thermique. Au sommet de ces nouvelles attentes, l’isolant de chanvre distribué par deux entreprises du Québec est également cité en exemple », souligne Claudiane Ouellet-Plamondon.

Elle précise que ecohabitation.com fournit à tous ces égards des renseignements utiles sur les produits, des exemples de réalisations ainsi qu’une liste d’hyperliens et d’adresses de fournisseurs pour chacun des matériaux exposés. « Si la demande pour ces écomatériaux augmente, les entreprises qui se lancent en écomatériaux pourront mieux opérer et il y aura plus de choix pour les consommateurs. »

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La tour Fulton East de Chicago

Neutralité carbone

Dans ce dessein, le bâtiment du futur devra être globalement durable, en faisant l’objet de zéro émission de carbone pendant sa construction et son exploitation. Selon les données du Rapport sur l’état mondial des bâtiments et de la construction en 2020, les émissions de CO2 liées à l’utilisation des bâtiments ont augmenté à leur niveau le plus élevé jusqu’ici. Ces rejets dans l’atmosphère représentent près de 28 % du total des émissions mondiales relatives à l’énergie.

Lorsqu’on y ajoute les émissions du secteur de la construction de bâtiments, ce pourcentage passe à 38 %, contre 39 % en 2018. Dans l’ensemble, en 2019, les secteurs des bâtiments et de la construction ne sont pas rapprochés, mais se sont éloignés de l’objectif de l’Accord de Paris visant à contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C. Le Conseil mondial du bâtiment durable estime que le secteur du bâtiment peut atteindre des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050, afin de respecter l’Accord.

Bâtiment durable Québec est d’avis que l’atteinte des objectifs de réduction des GES s’appuiera fortement sur le secteur du bâtiment. À ce titre, il faudra impérativement moderniser, rénover et décarboniser des centaines de millions de mètres carrés d’espace d’édifices. La modernisation énergétique des vieux bâtiments existants est primordiale pour alimenter la durabilité, notamment en réparant ou en réaffectant des édifices plutôt qu’en les détruisant, et ce, au-delà de l’emploi de matériaux plus sains.

Car si la durabilité est davantage centrée sur l’avenir, la résilience concerne surtout le présent. Il s’agit de la façon dont nous assurons le fonctionnement de nos bâtiments en présence d’inondations plus fréquentes ou d’intempéries plus conséquentes, et de pannes de courant ainsi plus nombreuses. Les bâtiments doivent être capables de s’adapter à ces incidents en minimisant les conséquences des catastrophes naturelles et humaines imprévisibles issues de crises climatiques, sanitaires et financières, les trois situations étant généralement reliées.

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Ascenseur Toe-To-go

L’IA à la rescousse

Les bâtiments du futur doivent pouvoir s’adapter à l’évolution de situations impliquant des modes de travail et de vie comme nous l’a fait réaliser la COVID-19. Sous cette écologie, les aires de vie du futur deviendront encore plus intelligentes. Grâce à la prévoyance de l’intelligence artificielle, ils pourront non seulement surveiller et collecter des données sur le fonctionnement des systèmes de mécanique et de technologie de bâtiment en place, mais aussi les ajuster de manière autonome afin d’utiliser plus efficacement les ressources. Un tel bâtiment avertira l’exploitant ou ses occupants lorsqu’il sera nécessaire de changer les ampoules ou de régler les systèmes de chauffage ou de climatisation. Mieux encore, ces milieux intelligents partageront et optimiseront automatiquement leur consommation énergétique en s’intégrant au concept de villes intelligentes, une réalité en pleine poussée. Dans ce contexte, un bâtiment conçu de manière durable minimisera sa consommation d’énergie en allumant et éteignant automatiquement l’alimentation électrique.

La tour Fulton East de Chicago résume bien le potentiel de cette expérience. Axé sur le bien-être, cet immeuble de bureaux et de commerces de 12 étages a été le premier à être planifié et construit pour un environnement post-COVID-19. Le complexe donne la priorité à l’efficacité énergétique et à la qualité de l’air, tout en intégrant un certain nombre d’innovations sanitaires de pointe. On y trouve un système de purification de l’air qui tue les bactéries et les virus, et des fonctions sans contact comme le bouton d’appel de l’ascenseur baptisé Toe-To-Go. Ce dernier permet l’activation du bouton en appuyant avec le pied. Cet immeuble dispose également d’un scanner thermique sans contact dans le hall pour notamment prévenir l’exploitant et les occupants d’un risque imminent de contagion sanitaire.

Ces édifices feront de plus en plus partie de zones urbaines en voie de se transformer en villes intelligentes, c’est-à-dire des milieux de vie plus sûrs et durables. Ces environnements favoriseront davantage de connectivité. Ils brancheront le développement résidentiel aux services publics et privés pour mieux desservir les besoins en temps réel. Ils intégreront un système numérique qui indiquera en outre aux entreprises de collectes d’ordures ménagères que les bacs à déchets sont pleins afin d’optimiser les délais de vidange. Selon le volume de personnes déambulant vers la sortie des halls des grands immeubles intelligents, des applis préviendront aussi la régie des transports publics afin d’activer en temps réel la fréquence des circuits d’autobus et des rames de métro et prévenir l’amoncellement de voyageurs dans les abribus et sur les quais. Ce n’est là qu’un aperçu du potentiel de rendement des villes intelligentes.

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Elysium City, première ville intelligente et durable d’Europe

Raffinement écologique

Un système qui développera une atmosphère encourageant le meilleur de la vie urbaine dans un esprit vert, tout en minimisant les difficultés logistiques du quotidien, voilà une tendance qui se dessine déjà dans les villes les plus peuplées du monde.

Créée par John Cora, ancien cadre de Walt Disney, Elysium City sera la première grande ville intelligente et durable d’Europe conçue et construite conformément aux 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. La première ville intelligente européenne devrait être achevée d’ici 2028. En construction en Espagne, elle inspire déjà plusieurs initiatives à travers le monde. Le site un.org présente cette nouvelle réalité partagée par les urbanistes des grandes capitales. On y dresse un modèle novateur de développement de densité modérée où les bâtiments de basse verticalité seront en vedettes. Ces constructions sont en effet plus respectueuses de l’environnement, écrivent les auteurs, tandis que les structures de grande hauteur ont un effet carbone nettement plus important.

Ces bâtiments à consommation énergétique faible ou quasi nulle, construits avec une meilleure isolation, des matériaux et des technologies à haut rendement énergétique équilibreront l’impact de la densité et de la hauteur urbaine, précisent les urbanistes et les constructeurs. Sous cette projection, à l’avenir, nous aurons davantage besoin de villes comme Paris plutôt que New York pour atteindre la durabilité urbaine. Cette approche est également privilégiée par les experts de la communauté immobilière du Forum économique mondial.

Le projet Living Landscape lancé en Islande illustre également cet intérêt. Ce projet de Jakob+MacFarlane et T.Ark Architectes est l’une des 49 initiatives urbaines Net-zéro financées par le réseau mondial C40 Cities dans le cadre du concours Reinventing Cities. Living Landscape est un bâtiment à usage mixte, situé sur un ancien site industriel insalubre de Reykjavik. L’utilisation de bois lamellé-croisé préfabriqué pour la construction réduit l’empreinte carbone du bâtiment de près de 80 % par rapport à un bâtiment en béton typique disent les instigateurs du projet. Les émissions opérationnelles de carbone sont réduites grâce à l’isolation, à un approvisionnement en énergie renouvelable et à un système intégré de récupération de la chaleur résiduelle.

Ce projet sert de modèle d’écosystème pour les villes et les communautés urbaines en pleine croissance. À l’instar des autres projets cités,
ils forment l’avenir du bâtiment et du mieux vivre ensemble.

 1 naturallywood.com/project/brock-commons-tallwood-house