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Changements climatiques : des bâtiments à l’épreuve du futur

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

© Marcus Kauffman
Face au changement du temps, le niveau de résilience des habitations inquiète. Il est basé sur des conditions climatiques qui ne sont plus d’actualité.

Nous allons probablement voir des changements dans la façon de construire les bâtiments, dont les habitations, au Canada d’ici environ cinq à dix ans. Les premières constatations d’un comité d’études conjointes menées par des chercheurs du Conseil national de recherches du Canada et un groupe d’experts techniques issu du milieu de la construction laissent entrevoir cette orientation. Elles s’inscrivent dans le cadre du processus normal de révision du contenu de l’actuel Code national du bâtiment (CNB), un examen non alarmiste, mais routinier qui contribue à l’édiction d’un nouvel ensemble d’obligations et de règles de construction publié périodiquement.

L’initiative lancée par Ottawa a permis à ce jour de colliger une manne d’information sur le comportement du milieu bâti et les risques associés à la pérennité des bâtiments dans un contexte de changement climatique prévisible. En effet, l’observation des épisodes croissants de vents d’une violence inouïe au pays, de fréquentes tempêtes de pluies diluviennes et de quantité de neige plus abondantes à certains endroits, sans compter des périodes prolongées de chaleurs accablantes en été, préparent un nouveau jalon de résilience au changement climatique. 

« Nous effectuons présentement des simulations de la réponse de bâtisses aux intempéries plus soutenues, en parallèle avec des essais en laboratoire, pour analyser la pertinence d’un cycle de développement de recommandations potentielles privilégiant le rehaussement de certaines normes de construction », affirme Michael Lacasse, directeur intérimaire du groupe de recherches Matériaux et enveloppe du bâtiment du centre de recherche en construction du Conseil national de recherches du Canada (CNRC).

Durabilité du bâti

Ce dernier s’est particulièrement penché sur la résistance et l’établissement de la durée de vie des murs extérieurs, des toits et des fenêtres de bâtiments, des dispositions liées à la partie 5 du CNB traitant de la séparation environnementale des immeubles. Une réflexion qui pour l’instant portait sur des édifices non résidentiels, et qui avait pour but de définir comment de possibles changements climatiques peuvent affecter la performance, à long terme, de matériaux normalement utilisés en construction.

« Ces conclusions pourraient mener à la proposition d’un nouveau guide de directives de construction. Le cas échéant, ce document viserait à implanter progressivement de nouvelles pratiques, c’est-à-dire sans bousculer inopinément l’industrie », clarifie Michael Lacasse. Cette information permettrait aux architectes et aux ingénieurs des futurs bâtiments à construire de prendre en considération les effets possibles de changement de climat dans un avenir indéterminé. » Les études sont présentement en cours et aucune donnée préliminaire ne peut être communiquée aujourd’hui sur le sujet indique le CNRC, l’organisme en amont de toute décision dans ce secteur d’activité.

Il faudra attendre environ une année avant d’être fixé sur l’annonce d’éventuelles modifications applicables aux méthodes de construction dans l’industrie du bâtiment.

Parallèlement à ces travaux, Marianne Armstrong, gestionnaire de l’initiative concernant les bâtiments et infrastructures publiques de base résilients aux changements climatiques, du CNRC, suit les mêmes enjeux dans la filière des inondations et des incendies de forêt au Canada. « Nous tentons de déterminer dans un processus d’études comparables comment rehausser les caractéristiques d’étanchéité à l’eau des matériaux qui composent les bâtiments riverains. »

« Nous veillons également à trouver des solutions pour prévenir ou retarder la propagation des flammes aux habitations situées en milieu périurbain, dans des lieux densément boisés. »

Variantes régionales

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© Sam Beasley

« À ces égards, nous travaillons avec des experts américains de la construction de bâtiments en zones inondables afin de cerner de nouvelles pratiques pouvant être mises à l’épreuve, voire améliorées pour le Canada », explique Mme Armstrong.

Ces spécialistes sud frontaliers ont produit les lignes directrices de guides reconnus pour la construction en plaines, mais pour des lieux jouissant d’un climat plus tempéré que le nôtre. Or, la singularité des hivers canadiens impose davantage de réflexions. Nos couverts de neige et d’amoncellement de glace sont plus volumineux. Ces attributs n’ont pas fait l’objet d’attention particulière dans le document américain.

Toujours dans le cadre de cette étude, des chercheurs du CNRC analysent le fondement des disparités régionales du Canada pour établir des barèmes d’observations plus précis en matière de sinistres. « Cette exploration permettra à terme de conclure à des mesures plus appropriées à tout type de construction en terrain inondable, dans une perspective évolutive de changement observé du climat », fait valoir Marianne Armstrong.

Un premier guide canadien pourrait voir le jour au printemps 2021. Il servira de canevas à la révision du Code national du bâtiment. Au chapitre de la résilience aux incendies, un ouvrage à la source de l’édiction de nouvelles normes ignifuges pour habitations en zones densément boisées naîtrait d’ici la fin de l’année, à la lumière des travaux de consultations menés, estime le Conseil national de recherches du Canada.

Tous les changements proposés aux méthodes et règles de construction des édifices et habitations dans un contexte de changements climatiques pourraient paraître dans l’édition 2025 du Code national du bâtiment.

Presser le pas

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© BAC

Les scientifiques des deux côtés de la frontière sont cependant formels : le dérèglement climatique est bel et bien engagé. Aussi, on constate déjà plusieurs changements dans la vigueur des intempéries dans tous les pays. La progression des occurrences est également exponentielle. 

Au Canada, les assureurs constatent les répercussions des phénomènes météorologiques violents qui entraînent une augmentation des inondations et des dégâts d’eau aux maisons et aux entreprises. Au cours des 25 années qui ont précédé 2009, les sinistres assurés découlant de phénomènes météorologiques catastrophiques, comme des inondations, tempêtes de verglas, ouragans et tornades, ont atteint en moyenne 400 millions de dollars par année. Mais depuis 2009, ces sinistres coûtent en moyenne 1,4 milliard de dollars par année.

À cet égard, Pierre Babinsky, directeur des communications et des affaires publiques au Bureau d’assurance du Canada croit dans l’importance de revoir les dispositions du Code du bâtiment.« Nous constatons une augmentation de la fréquence des sinistres liés aux catastrophes naturelles. Des événements plus nombreux, plus sévères, mais aussi plus coûteux pour l’industrie de l’assurance de dommages et pour le gouvernement. Depuis 10 ans, le coût des sinistres catastrophiques assurés au Canada s’élève inlassablement. Bien qu’il soit possible de s’assurer contre ces différents risques, il est primordial de rendre nos communautés plus résilientes. »

« Pour le Bureau d’assurance du Canada, cela doit se faire, entre autres, par des mesures d’adaptation et d’atténuation des risques », dit-il.

Des solutions

Or, selon Emmanuel Cosgrove, cofondateur et directeur général d’Écohabitation, il existe déjà des pistes de solutions. L’organisme de référence en habitation durable les présente dans son guide de conception pour des maisons résilientes. « Les prémisses de la résilience sont simples, précise le spécialiste de la construction environnementale. Il faut être préparé à réagir face à une catastrophe, dès aujourd’hui. En fait, les maisons peuvent, et devraient, être construites avec une durabilité beaucoup plus grande et être mieux équipées pour résister aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ces risques augmentent sans cesse en fréquence et en intensité. »

Les concepts et mesures de durabilité suggérés par l’organisme indépendant s’inscrivent dans une approche de construction intégrée. Bien qu’ils surpassent les normes minimales du Code national du bâtiment, ils sont simples et abordables. Ils sont pensés pour répondre à chacun des types de défi climatique. 

Résilience 101

article changements climatiques© CNRC

Le point de départ d’une construction résistante et durable demeurera toujours le choix du site. « Sélectionner un environnement diminuant la vulnérabilité aux potentielles inondations et reflux des eaux, fortes chutes de neige ou de pluie, vents violents et feux de forêt, constitue un préambule pour la diminution des risques », explique le directeur général d’Écohabitation.

« Les principales mesures à mettre en oeuvre s’appliquent bien sûr à l’enveloppe du bâtiment. Pour résister aux canicules et aux chaleurs intenses, une conception solaire passive, avec de larges débords de toit, et une performance énergétique optimisée réduiront les risques de surchauffe. »

« Des fondations durables comportent des drains français, un bris capillaire entre la semelle et le mur de fondation. Pour l’étanchéité, il est recommandé de ne pas se fier uniquement aux enduits goudronnés ou pulvérisés, en considérant plutôt une membrane étanche. Citons aussi les pentes de terrain inversées d’au minimum 5 degrés autour de l’habitation, des drains de surface, l’isolant posé plutôt à l’extérieur de la fondation, un puisard et sa batterie de secours installés systématiquement, la surélévation des éléments structurels de plancher et de murs en bois, énumère-t-il. Ce sont autant de détails techniques simples, mais nécessaires pour une meilleure préservation aux inondations et la montée des nappes phréatiques. »

Au même titre, un mur résilient sera performant et particulièrement étanche : « Il suffit de construire une enveloppe encore mieux protégée contre les infiltrations, et qui pourra sécher grâce à un espace d’air entre la structure et le revêtement. Un pare-air parfaitement scellé réduira de beaucoup les risques de moisissure, ce qui préservera la structure. Au niveau du toit, il est fortement suggéré de privilégier un design simple, avec peu ou pas de noues, pour éviter la prise aux vents violents et aux fortes précipitations, », résume Emmanuel Cosgrove, désireux de promouvoir une culture de performance des bâtiments.

Voir autrement

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© CIRCERB

Dans cette foulée, Pierre Blanchet, professeur titulaire à l’Université Laval, et titulaire de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois, précise que le bâtiment doit devenir un outil de lutte aux changements climatiques, et non pas uniquement un instrument pour se mettre à l’abri d’une hausse des intempéries. « Il est important d’adopter de manière plus dynamique des moyens de réduire l’impact environnemental de l’activité de construction des habitations. »

Cela débute par l’utilisation concertée de matériaux de sources biologiques notamment, des produits contribuant à restreindre notre empreinte carbonique. « Ce faisant, en imposant une limite d’énergie intrinsèque pour la fabrication des matériaux. Un changement d’habitudes souhaitable pour l’industrie », dit-il en donnant son appui à une réforme des normes de construction des bâtiments pour y intégrer un critère de performance environnementale en plus de la performance énergétique.

« C’est une des solutions envisagées pour combattre ou éviter le risque haussier de catastrophes naturelles, une conséquence du bouleversement climatique généré par l’homme », conclut Pierre Blanchet.