Où en sommes-nous au Québec avec l’énergie solaire ? Nous nous sommes entretenus avec Patrick Savoie, directeur des ventes de la compagnie Énergie Matrix et avec Martin Savard, spécialiste en énergie renouvelable de Volts Énergies. Nous ferons aussi un saut outre-Atlantique pour en apprendre davantage sur un nouveau produit de la compagnie française Systovi, qui propose des solutions hybrides en commercialisant des panneaux aérovoltaïques et aérothermiques R-VOLT. Alors, êtes-vous prêts pour suivre ce cours accéléré d’Énergie solaire 101 ?
acqconstruire.com – Le Québec est-il un bon endroit pour installer des panneaux solaires ?
Patrick Savoie – Oui, absolument. Si on se compare avec les pays chefs de file comme l’Allemagne, nous avons plus d’heures d’ensoleillement qu’eux. Par contre, nous n’avons pas les mêmes incitatifs que les Allemands ou d’autres pays comme le Japon et l’Europe en général qui ont des programmes favorisant l’implantation de l’énergie solaire. Si on veut mettre un chiffre au potentiel solaire au Québec, pour chaque 1 000 watts de module solaire, on a une possibilité de produire entre 1 100 et 1 200 kW/h par année. En ce qui concerne les panneaux solaires photovoltaïques, on a souvent tendance à dire qu’ils ne sont pas efficaces en hiver en raison du froid, alors qu’au contraire, un tel panneau solaire bénéficie des températures froides qui augmentent la puissance des modules solaires photovoltaïques. Par contre, ce n’est pas le cas pour le solaire thermique, car les modules sont des capteurs de chaleur et la température ambiante a un impact sur la quantité d’énergie transférée pour l’eau ou les planchers chauffants.
Martin Savard – Le Québec profite d’une moyenne d’ensoleillement annuel plus élevé que plusieurs autres pays, ce qui suffit pour concevoir des systèmes d’énergie solaire opérationnelle pour l’année entière selon son utilisation et son dimensionnement. L’étude du site est primordiale pour concevoir un système efficace. Selon la période d’utilisation (ex. : site ouvert durant la période estivale par rapport à un autre qui est ouvert toute l’année), le dimensionnement varie autant pour le parc solaire, les batteries et tous les appareillages nécessaires au bon fonctionnement du système. L’énergie solaire est gratuite. L’ensoleillement quotidien est très adéquat pour l’installation d’un système d’énergie solaire.
acqconstruire.com – Où en sommes-nous avec le photovoltaïque au Québec ? Peut-on parler de croissance ou de stagnation ?
Patrick Savoie – Nous pouvons parler de croissance modérée au niveau du solaire photovoltaïque étant donné la chute des coûts des produits. Pour le même système qui coûtait 50 000 $, il y a dix ans, aujourd’hui il en coûtera 25 000 $. La baisse des coûts au niveau mondial est due au fait qu’il y a beaucoup plus d’offres sur le marché. Au Québec, l’évolution de cette industrie est principalement due à l’augmentation du nombre de modules solaires installés en raison des baby-boomers plus nombreux qui possèdent des chalets. Nous avons observé que le solaire photovoltaïque était la forme d’énergie privilégiée par ce groupe de consommateurs. Dans le reste du monde, c’est le couplage au réseau qui permet à l’industrie d’évoluer. Il faut savoir qu’au Québec, il y a 55 systèmes couplés au réseau d’Hydro-Québec, malgré le programme d’autoproduction qui existe depuis 2006. Ce qui est bien peu comparé à l’Ontario qui, avec son programme de tarification inversée lancé en 2006, compte à ce jour plus de 925 MW installés, selon le site de l’Ontario Power Authority.
Martin Savard – L’industrie du solaire évolue très lentement au Québec. L’hydroélectricité est très abordable. Il est pratiquement impossible de rivaliser avec Hydro-Québec pour un site qui est relié au réseau pour l’instant. De plus, Hydro-Québec offre un programme de rachat d’énergie qui donne un crédit sur l’énergie produite et qui doit être consommée dans l’année qui suit, ce qui est beaucoup moins alléchant qu’en Ontario par exemple.
acqconstruire.com – Quels sont les avantages de cette technologie ?
Patrick Savoie – J’ai assisté à une conférence de chercheurs internationaux, il y a quelques années, où l’on donnait l’exemple de l’Australie où dans la fiche d’inspection des maisons, il y a une case spécifiant la présence d’une technologie solaire photovoltaïque ou thermique sur le toit. Dans un tel cas, la valeur d’une propriété était augmentée de 10 à 15 %. Voilà donc un avantage indéniable pour le propriétaire d’une maison. Au-delà d’avoir la satisfaction de produire sa propre énergie, de protéger la planète et de réduire sa facture énergétique, c’est là que l’industrie se dirige au Canada. La Californie démontre également un engouement pour l’augmentation de la valeur mobilière en utilisant le solaire. Mais ce n’est pas le cas au Québec où l’on se préoccupe davantage des matériaux utilisés pour les armoires ou les comptoirs dans la cuisine que de panneaux solaires sur le toit.
Pour ce qui concerne les capteurs solaires thermiques, ils ont leur place, mais plutôt dans les usages spécifiques. Dans le secteur résidentiel, selon un rapport du Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques du Québec, leur coût d’installation ne justifie pas la quantité d’énergie produite durant une année. Cette forme d’énergie est trop onéreuse pour l’économie d’énergie réalisée. Mais c’est autre chose au niveau commercial avec un usage intensif d’eau chaude comme c’est le cas dans les lave-autos, les hôtels, les procédés industriels où le retour sur investissement est plus intéressant. N’oublions pas non plus, les murs solaires. Cette technologie très simple préchauffe l’air de ventilation dans un bâtiment et offre des crédits LEED importants pour le secteur multirésidentiel. Dans ce cas-ci, le retour sur investissement peut être beaucoup plus rapide qu’avec les capteurs solaires hydroniques. Tout repose sur la quantité d’air aspirée de l’extérieur et la surface disponible pour installer le mur solaire.
Finalement, les modules photovoltaïques/thermiques (PVT) ont du potentiel dans le secteur institutionnel-commercial. Il faut cependant une bonne circulation d’air pour chauffer le réservoir d’eau chaude. Le couplage au réseau fera en sorte que le PVT va injecter dans le réseau le surplus d’énergie électrique produit et qui pourra être réutilisé sur une période de 24 mois. Et le réservoir, c’est Hydro-Québec. La chaleur, quant à elle, sera accumulée sous forme d’air chaud ou bien d’eau chaude. Je dois vous dire qu’il y a énormément de recherches qui se font au niveau des modules PVT, et à ce que je sache, l’avantage concurrentiel des panneaux hybrides (technologies combinées) n’a pas encore été démontré. Il faut que la solution soit financièrement viable. On peut bien augmenter l’efficacité des panneaux, mais il aussi tenir compte de l’augmentation des coûts du système.
Martin Savard – Les composantes d’un système photovoltaïque sont durables et les garanties des manufacturiers vont souvent jusqu’à 25 ans. C’est une énergie propre et qui vise le développement durable d’un site. Elle est abondante, inépuisable, silencieuse et gratuite. De plus, elle procure l’autonomie énergétique, demande peu d’entretien et aucune action de l’homme une fois installée.
acqconstruire.com – Quels sont les inconvénients ?
Patrick Savoie – La principale raison qui explique que les technologies solaires sont si peu populaires au Québec c’est que notre électricité est abordable, ce qui n’aide pas le développement de l’énergie solaire photovoltaïque et thermique. Un autre raison selon moi est le manque de volonté politique. Si on compare le solaire avec les grandes éoliennes, une industrie très subventionnée par le gouvernement pour créer de l’emploi dans les régions, on aurait pu faire la même chose en créant un volet solaire.
Martin Savard – L’investissement de base pour un système d’énergie renouvelable est souvent important. Les subventions pour les sites reliés au réseau sont inexistantes et aucune aide financière n’est offerte pour l’installation de systèmes résidentiels hors réseau, malgré la demande grandissante pour les chalets et maisons de campagne. Les nouvelles technologies s’adaptent graduellement aux besoins des clients et à leurs situations géographiques. Il n’y a pas beaucoup d’experts au Québec et encore moins pour installer des systèmes isolés avec batteries. La production du parc solaire dépend de l’ensoleillement quotidien d’un site. L’énergie produite est irrégulière et dépend des conditions météorologiques et de la saison.
acqconstruire.com – Peut-on installer des panneaux solaires dans toutes les régions du Québec ?
Patrick Savoie – Oui, sauf qu’il y a des municipalités et des arrondissements qui n’acceptent pas que les modules solaires photovoltaïques et thermiques soient visibles, ce qui est un obstacle important pour quiconque voudrait en installer sur sa propriété.
Martin Savard – Bien que certaines régions éloignées du Québec n’ont pas l’ensoleillement adéquat pour accueillir une installation solaire, il s’agit de coupler cette énergie avec une autre source afin d’obtenir l’indépendance énergétique. La réserve d’énergie qu’offrent les batteries peut être rechargée par différentes sources d’alimentation. Une éolienne peut être couplée avec l’énergie solaire pour compenser le manque d’ensoleillement et vice versa pour le vent qui est variable. Une génératrice peut aussi recharger les batteries. Dans tous les cas, une diminution de la consommation de combustibles fossiles est importante.
acqconstruire.com – Quels sont les différents types de panneaux solaires et leurs principales caractéristiques ?
Patrick Savoie – Ce qu’il faut prendre en considération lorsqu’on veut installer des panneaux solaires, c’est que l’augmentation du rendement énergétique soit justifiable et d’autant plus important que l’augmentation des coûts des produits et des installations. Quel est le prix du Kw/h ? C’est la question à se poser. Si on pense au photovoltaïque couplé au réseau sans batteries, ça revient à 0,13 $ le Kw/h. Avec l’éolien, c’est 0,10 $ le Kw/h. Pour ce qui est des murs solaires, c’est aussi bas que 0,03 $ le Kw/h dans des conditions optimales.
Martin Savard – Il existe plusieurs techniques de modules solaires photovoltaïques : les modules solaires monocristallins possèdent le meilleur rendement au mètre carré et sont essentiellement utilisés lorsque les espaces sont restreints. L’ombrage affecte grandement le rendement de ces panneaux. Le coût, plus élevé que celui d’autres installations de même puissance, contrarie le développement de cette technique.
Il y a aussi les modules solaires polycristallins qui ont actuellement le meilleur rapport qualité/prix, c’est pourquoi ce sont les plus utilisés. Ils ont un bon rendement et une bonne durée de vie, soit plus de 35 ans. Je vous dirai que les modules solaires amorphes auront certainement un bon avenir, car ils peuvent être souples et ont une meilleure production par faible lumière. Cependant, le silicium amorphe possède un rendement divisé par deux par rapport à celui du cristallin, cette solution nécessite donc une plus grande surface pour la même puissance installée. De plus, l’efficacité des modules amorphes est affectée par le froid. Toutefois, le prix au mètre carré installé est plus faible que pour des panneaux solaires composés de cellules cristallines.
En général, une installation de panneaux solaires, que ce soit des panneaux solaires thermiques ou des panneaux solaires photovoltaïques, ne nécessitent que très peu d’entretien, car les précipitations qu’offre mère nature s’occupent déjà du nettoyage nécessaire au bon fonctionnement des panneaux. En hiver, la neige doit être enlevée manuellement lorsqu’il y a accumulation sur les modules. Par contre, une installation solaire thermique nécessite des travaux de plomberie qui doivent être effectués selon les règles de l’art, sinon des problèmes peuvent se produire.
acqconstruire.com – Si on regarde ce qui se fait dans d’autres pays comme l’Allemagne, la France (panneaux aérovoltaïques de la compagnie Systovi présentés à Batimat 2013), les États-Unis ou dans d’autres provinces canadiennes comme l’Ontario, quel portrait peut-on tracer du Québec ?
Patrick Savoie – Les gens doivent réaliser que le potentiel solaire est bien là au Québec. Ce n’est pas une technologie qui va bouleverser l’industrie électrique. Nous avons besoin d’Hydro-Québec. Nous ne voulons pas remplacer la société d’État, ni les parcs éoliens. L’idée qui compte c’est de pouvoir marier toutes ces technologies pour diversifier le parc de production. Voilà la solution énergétique pour tous les pays du monde. Pour revenir au solaire, laissez-moi vous dire que si on utilisait toutes les façades sud des bâtiments résidentiels, commerciaux et institutionnels au Québec, nous pourrions produire 14,8 TWh (tétrawatt-heure) d’électricité solaire.
Martin Savard – L’énergie solaire représente environ 1 % du bilan énergétique provincial. Elle prend très lentement racine en sol québécois, voire difficilement, contrairement à l’Ontario qui adoptait en mai 2009 son Green Energy Act, qui met notamment en place le premier programme de tarifs de rachat garantis pour les énergies renouvelables en Amérique du Nord. Ailleurs dans le monde, la croissance de l’énergie solaire comme des autres énergies renouvelables est stimulée par le recours obligé aux combustibles fossiles et la prise de conscience environnementale. En France, l’énergie solaire est subventionnée jusqu’à 60 % des coûts de l’installation par l’État. Le gouvernement du Québec a mis en place à l’automne 2013 un programme de soutien financier aux entreprises désireuses d’accroître leur productivité et d’améliorer leur bilan énergétique, avec comme objectif la diminution de gaz à effet de serre –ÉcoPerformance -. C’est un petit pas de plus pour l’avenir du solaire.
acqconstruire.com – L’avenir du photovoltaïque au Québec est-il prometteur ?
Patrick Savoie – Je ne suis pas certain que le gouvernement va lancer un programme de tarification inversée comme il y en a en Ontario, en Allemagne et des centaines de pays dans le monde. Et tant que nous aurons un surplus d’électricité, la situation va demeurer inchangée. En Ontario, c’est différent parce que l’on est en train de fermer les sites de production au charbon et la province avait besoin d’un apport d’énergie autre que l’hydroélectricité, c’est pour cette raison que le gouvernement ontarien a lancé un tel programme.
Martin Savard – Les sites hors réseaux demeurent la terre de prédilection pour le photovoltaïque. Les hausses de tarif constantes du pétrole affirment le positionnement de l’énergie renouvelable dans le présent et l’avenir. Au Québec, il est dur de compétitionner avec les tarifs de l’hydroélectricité. Je crois que nous sommes l’un des rares endroits qui ont le luxe de se chauffer à l’aide de plinthes électriques, ce qui s’explique par le faible coût de l’hydroélectricité et le manque d’incitatifs du gouvernement du Québec.
acqconstruire.com – Les entrepreneurs en construction sont-ils de bons ambassadeurs de cette forme d’énergie renouvelable ? Devraient-ils inciter les futurs propriétaires de maisons à choisir le solaire pour se chauffer ?
Patrick Savoie – Absolument. Je vous donnerai l’exemple d’un de mes amis qui, au moment de faire construire sa maison, avait le choix entre du vinyle ou un mur de briques. Il a alors demandé le prix et c’était 10 000 $ de plus pour le mur de briques. Il a finalement opté, malgré l’esthétisme, pour un revêtement en vinyle et utiliser le montant économisé pour installer des capteurs solaires photovoltaïques sur le toit de sa maison, ce qui aura pour effet de réduire sa facture d’électricité. On devrait voir le solaire comme une mesure d’efficacité énergétique au Québec.
Martin Savard – Définitivement, les entrepreneurs en construction pourraient encourager leurs clients à opter pour des unités de panneaux photovoltaïques visant le préchauffage de l’eau ainsi que des unités d’énergie solaire passive afin de diminuer les coûts liés au chauffage de leur maison. Le couplage de filières énergétiques est encore bien méconnu de la part des entrepreneurs. Nous avons un grand travail d’information à faire au Québec dans le domaine de l’énergie solaire, ce thème est relativement nouveau comparativement à l’Europe.
Production d’énergie solaire – Vocabulaire
- Modules solaires photovoltaïques – Production d’électricité
- Capteurs solaires thermiques – Accumulation de chaleur
- Modules photovoltaïques/thermiques (PVT) – Production d’électricité et captation de chaleur
Liens utiles
- Potentiel des énergies solaires du Québec (PDF, 2.8 Mo)
- Association européenne de l’industrie photovoltaïque
- Photovoltaïque: plus de 37 gigawatts installés dans le monde en 2013 (fédération)
- Nouveaux champions de l’énergie solaire