Chaque mois, l’ACQ vous donne rendez-vous pour vous tenir informés des dernières nouvelles de l’industrie, en compagnie de vos animateurs, Charlotte Cousineau et Félix Rhéaume.
Dans cet épisode, les animateurs reçoivent Audrey Murray, pdg de la Commission de la construction du Québec.
Des prévisions records sont attendues pour le nombre d’heures travaillées, mais qu’en est-il pour chaque secteur ? Plusieurs incertitudes demeurent, que ce soit à propos de la filière batterie où de l’imposition de tarifs douaniers, quels en seront les impacts sur ces prévisions ?
Ensemble, ils font le point sur les perspectives 2025 dans l’industrie de la construction en se basant sur l’étude dévoilée par la CCQ en décembre dernier.
Pour écouter le balado :
En exclusivité sur acqconstuire
Lors de son passage dans notre studio, Mme Murray a accepté de répondre à des questions supplémentaires de nos animateurs à micros fermés. Nous vous les présentons ici en exclusivité.
Nous aimerions aborder certains points dont on a peu parlé. Entre autres, le Plan d’action de l’industrie de la construction pour l’inclusion des Premières Nations et des Inuits.
Ce qui est intéressant dans ce plan-là, c’est qu’on l’a travaillé en intégralité. C’est-à-dire qu’on a des mesures qui visent à faire émerger l’entrepreneuriat autochtone.
Avec la RBQ, le HEC et l’ÉTS entre autres, on a mis en place des mesures qui visent à former en gestion de projet et à faciliter l’accès aux licences, donc, d’avoir des parcours adaptés pour faire émerger l’entrepreneuriat.
C’est aussi déterminant pour le volet main-d’œuvre parce que, naturellement, je l’ai vu dans ma tournée sur la Côte-Nord, j’avais des entrepreneurs en construction autochtones qui sont venus me rencontrer, et, d’entrée de jeu, ils connaissent leurs communautés, ils connaissent les profils des gens.
Alors, c’est sûr qu’ils embauchent davantage. Puis aussi, je dirais qu’ils gèrent peut-être mieux le choc culturel pour intégrer une main-d’œuvre autochtone. Donc ça, pour moi, c’est très important, le volet de faire lever l’entrepreneuriat.
L’ÉTS est supposée développer un cours spécifique en gestion de projet pour les Premières Nations, qui va être accessible d’une manière appropriée pour les différentes communautés.
Du côté de la qualification, donc de l’accès, de l’intégration, du maintien, puis de la progression en emploi pour les métiers, donc, dans le fond, presque toutes les mesures pour les femmes, on va les rendre accessibles pour les Premières Nations.
Ça veut dire qu’on va leur donner plus de temps pour aller chercher leurs préalables scolaires parce qu’on sait que c’est un obstacle important. Donc, ça ne va pas les empêcher d’intégrer le milieu. Puis, il va y avoir une accessibilité, puis un accompagnement pour les préalables qui va être spécifique. On va aussi permettre l’accès par ouverture de bassin, mais à 30 %. Donc, ça veut dire qu’avant d’ouvrir le bassin de façon générale, ils auront un accès prioritaire de la même manière que les femmes.
On veut aussi délocaliser, donc rapprocher, les programmes de formation des communautés. En premier lieu, j’aurais parlé davantage du parcours principal qu’on veut valoriser, c’est qu’ils passent par la formation professionnelle.
Donc, inverser la proportion partout y compris dans les clientèles sous-représentées dont les Premières Nations.
Ce qui fait qu’il va y avoir beaucoup de travail avec le ministère de l’Éducation qui s’est engagé à rendre accessibles les programmes auprès des communautés. Donc, ça, c’est un élément important.
Puis il y a, je n’en ai pas beaucoup parlé tout à l’heure, l’outil alternance travail-études qu’on veut mettre de l’avant. Il va être très important dans ce contexte-là. Je pense qu’on va aller chercher davantage d’intérêt et de succès dans les parcours de formation avec les Premières Nations, puis en général, en mettant de l’avant l’alternance travail-études.
Bien sûr, la loi sur la modernisation nous a donné de l’avance, on veut aussi permettre aux communautés, aux Cris et aux Inuits de référer leur main-d’œuvre qualifiée eux-mêmes. Donc, ils vont pouvoir obtenir des permis de référencement, un peu comme les syndicats peuvent le faire. Donc ça, on pense que ça va aussi permettre une bonne employabilité et le développement d’une compétence. Au niveau de la qualification, ce qui est ressorti dans les obstacles, c’est la difficulté de réussir les examens de qualification. Ceci fait en sorte qu’on a à peu près 750 personnes actives autochtones qui ont un certificat de compétence à travers le Québec.
Donc, 750 personnes, l’objectif c’est de doubler ce nombre ?
On a dit minimum 1 % en suivant le niveau d’activité. Présentement, on est à 200 000 personnes actives à peu près. Donc, on vise à atteindre 1% de la main-d’œuvre globale. C’est le minimum qu’on vise, disons sur 10 ans. Mais j’espère qu’on va l’atteindre avant avec les mesures qu’on met de l’avant.
Dans le parcours, dans la progression, on souhaite bien sûr qu’ils puissent devenir compagnons. Puis, on voit que l’examen est un obstacle à leur réussite. Donc, on a des gens dans ces 750 personnes-là qui ont beaucoup d’heures travaillées, mais qui ne réussissent pas l’examen. Donc, ils restent apprentis malgré tout. Donc là, on a prévu d’expérimenter des examens pratiques.

On a déjà parlé de la pénurie de main-d’œuvre…
Oui, il faut parler de pénurie de main-d’œuvre mais aussi de pénurie de compétences. C’est à responsabilité partagée, cet enjeu-là.
Les entreprises ne peuvent pas s’attendre à ce que ce soit d’autre monde qui va régler ça. Il faut régler ça ensemble, ce défi-là.
Au point de vue de la Commission, cette année, on va beaucoup marteler la question de la rétention. On va essayer de mieux outiller les entreprises pour les aider là-dedans. On a une campagne qui s’en vient de changement de comportement et d’éducation sur le climat de travail sur nos chantiers de construction.
On va vouloir qu’il y ait de l’adhésion, que les entreprises valorisent cette campagne-là de sensibilisation, qu’elles s’équipent aussi de politiques de prévention sur le climat de travail, qu’elles soient très proactives sur cette question-là parce qu’on sait que c’est un des premiers motifs d’abandon.
C’est 30 % de la main-d’œuvre qui nous quitte après 5 ans. Et parmi les apprentis, c’est 50 % quand ce sont des femmes.
Donc, on voit que nos clientèles quittent davantage. Puis le premier motif, c’est le climat de travail. Donc là, ça, il faut qu’on travaille ça ensemble, on n’a pas le choix.
En ce qui concerne le deuxième élément, on va vouloir pousser massivement l’alternance travail-études.
Mais pour faire ça, ça nous prend des entreprises qui veulent travailler avec les centres de formation pour amener le modèle sur leurs chantiers. Puis, c’est certain qu’il y a des modèles d’alternance qui ne sont pas trop exigeants, je pense, pour les entreprises, mais ça leur demande quand même d’investir un effort pour adhérer au changement de culture et de mentalité.
Donc, moi je pense que c’est une carte de visite pour elles afin d’aller chercher de la main-d’œuvre. Mais ça demande quand même une volonté et un ajustement de leur part.
On va avoir deux modèles qu’on va mettre de l’avant pour l’alternance travail-études. Donc, un avec les centres de formation pour les étudiants qui choisissent d’aller faire leur DEP.
Mais on va aussi lancer bientôt un…puis là, c’est un peu un scoop, on ne l’a pas annoncé officiellement, mais il va y avoir un modèle pour des personnes qui sont déjà à l’emploi d’entreprises et qui sont non diplômées. Ce modèle leur permettra d’aller obtenir leur diplôme tout en travaillant. On va les payer en formation pour le faire, mais ça prend des entreprises qui vont valoriser le fait que leur main-d’œuvre continue de mettre du temps pour aller chercher leur DEP.
Donc, ça aussi il y a un engagement dont on a besoin de la part des entreprises et des associations patronales comme vous et syndicales, puis des centres de formation pour qu’on puisse agir sur la question de la pénurie de compétences.
Ensuite, le perfectionnement de la main-d’œuvre. Donc là, si on veut des entreprises qui adhèrent à des pratiques innovantes, qui changent leur organisation du travail, on parle beaucoup du BIM dans l’industrie, ça va toucher l’exécution à un moment donné, le BIM ! Ça va toucher la main-d’œuvre.
Ce qui fait qu’on a besoin d’entreprises visionnaires qui adhèrent puis qui voient venir les besoins en perfectionnement pour leur main-d’œuvre, qui peuvent transiger par vous comme association patronale pour qu’on développe, nous, la Commission, les bons cours à offrir, mais aussi qu’on mette de l’avant le fait que la Commission, elle, peut développer sur mesure du perfectionnement.
Donc, une entreprise qui obtient des travaux pour une longue période, qui doit mettre à niveau les compétences de sa main-d’œuvre pour intégrer des nouvelles pratiques, un nouvel outil de travail, une manière différente d’organiser le travail, on peut bâtir sur mesure du perfectionnement. On a l’argent pour soutenir les entreprises là-dedans. Développer donc à zéro coût pour elles les contenus, avoir un professeur et être capable de même soutenir les frais, les différents incitatifs pour que la main-d’œuvre se forme.
Mais encore une fois, il faut que les entreprises 1) soient visionnaires sur leur besoin, 2) Il faut qu’il y ait de l’intérêt et 3) qu’elles libèrent un peu leur main-d’œuvre pour être capables de le faire.
Une dernière question : Qu’est-ce qui explique le renversement de la proportion par rapport au bassin versus formation ? Tu disais que quand tu étais à la CCQ, au début, c’était 70 % diplômés, 30 % non diplômés.
En fait, on a inversé. Il y a comme une tempête parfaite, c’est-à-dire il y a une hausse des besoins jumelée à une baisse de disponibilité du bassin de main-d’œuvre généralisée au Québec, parce qu’on est dans un changement démographique.
Et la pression de ces deux phénomènes-là a probablement fait en sorte que le renversement a eu lieu.
Si on est allé chercher des gens qui seraient peut-être allés à l’école en leur offrant une job, ils ont peut-être préféré aller travailler plutôt que d’aller à l’école.
Ce qui fait que ça a mis une pression pour les amener plus vite sur les chantiers plutôt que de les laisser faire leur parcours de formation. C’est pour ça que l’alternance travail-études m’apparaît si importante.
Nos étudiants, on a quand même émis des cartes étudiants pour qu’ils puissent et qu’elles puissent travailler l’été. Ils ont fait 2 millions d’heures l’année passée, ce qui n’est pas à sous-estimer que dans le fond, on augmente notre capacité en amenant le modèle d’alternance. Puis, on essaie de convaincre nos entreprises de les laisser finir leur formation.
Bien, merci beaucoup. C’est très, très généreux de ton temps, puis très intéressant.
Super ! Ça m’a fait très plaisir.
Suivez-nous ici pour ne rien manquer d’Actualités Construction :