Impossible de parler de vice caché sans aborder la question de l’acheteur prudent et diligent. Qu’est-ce que ça veut dire être prudent et diligent quand on est un acheteur ?
Afin de se prévaloir de la garantie légale prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec dans le cadre d’un recours pour vice caché, l’acheteur devra démontrer que le vice répond aux quatre (4) conditions suivantes1 : il doit posséder une certaine gravité, précéder la vente, être caché et être inconnu de l’acheteur.
Si les deux premières conditions (gravité et antériorité) se prouvent généralement par une preuve technique présentée par un expert, et que la quatrième (connaissance) s’évalue subjectivement avec un fardeau de preuve appartenant au vendeur, l’évaluation de la troisième condition, à savoir le caractère caché du vice, relève quant à elle d’une évaluation objective.
À ce titre, comme l’indiquait la Cour suprême dans l’arrêt ABB, le caractère caché du vice s’apprécie selon une norme objective, c’est-à-dire en évaluant l’examen fait par l’acheteur en fonction de celui qu’aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence2. Comme l’indique la Cour, le test consiste à se demander si un acheteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances aurait pu déceler le vice au moment de la vente.
Aussi, puisque la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde, la Cour d’appel3 rappelle sur cette même question que l’expertise de l’acheteur est un facteur pertinent pour évaluer si le vice est caché ou apparent. En somme, plus l’acheteur connaît le bien qu’il acquiert, plus le vice affectant ce bien est susceptible d’être considéré comme apparent.
Concrètement, puisque la question se pose, qu’est-ce que doit faire un acheteur pour être prudent et diligent ? La Cour d’appel rappelait récemment l’ensemble des obligations de l’acheteur en cette matière dans Thériault c. Martin4, lesquels se résument ainsi :
- Procéder à un examen visuel attentif et complet de l’immeuble et demeurer à l’affût de tout indice pouvant laisser soupçonner un vice;
- Prendre les mesures raisonnables pour connaître l’état réel du bâtiment, dont le recours aux services d’un expert, s’il soupçonne un vice;
- Vérifier ou faire vérifier ce qui est suspect;
- Adapter son niveau de vigilance selon la vocation de l’immeuble;
- Examiner très soigneusement un vieil immeuble.
On comprendra donc qu’en cas de doute, l’acheteur a tout intérêt à s’adjoindre les services d’un inspecteur pour approfondir ses vérifications. Il faut cependant comprendre que l’inspection préachat n’est pas une expertise et qu’elle a ses limites; il doit s’agir d’un examen attentif et sérieux, mais en l’absence d’un indice révélateur, l’acheteur ou l’inspecteur n’a pas à ouvrir les murs ou creuser autour des fondations5.
Est-ce que cela veut dire que l’acheteur qui a recours aux services d’un inspecteur est de facto prudent et diligent ? Pas nécessairement. Dans l’éventualité où une inspection révélerait des signes annonciateurs sans que l’acheteur ne pousse son étude ou ses vérifications, on pourrait prétendre que l’acheteur a manqué à son devoir de prudence et de diligence. En somme, en cas de découverte d’indices sérieux, l’acheteur prudent et diligent doit pousser son étude6.
En conclusion, chaque cas est un cas d’espèce, comme quoi le vendeur a tout intérêt à consulter ses conseillers juridiques dans l’éventualité où une réclamation pour vice caché est formulée à son encontre, notamment afin d’évaluer si l’acheteur a agi de façon prudente et diligente.
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1 Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79 (CanLII), par. 40.
2 ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50 (CanLII), [2007] 3 RCS 461, par. 51.
3 Marcoux c. Picard, 2008 QCCA 259 (CanLII), par. 17.
4 Thériault c. Martin, 2020 QCCA 1294 (CanLII).
5 Marcoux c. Picard, 2008 QCCA 259 (CanLII), par 21.
6 Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79 (CanLII), par. 46.