Bien que le concept soit connu de tous, le fonctionnement et les subtilités de l’hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble demeurent la plupart du temps un mystère pour les entrepreneurs et sous-entrepreneurs. Survolons ensemble les principes de base.
Lors de la rédaction du Code civil du Québec, le Législateur a choisi d’accorder une priorité à certaines créances et a prévu que seulement celles-ci pouvaient donner lieu à une hypothèque légale. Dans ces créances, on retrouve notamment les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble1.
Pourquoi exactement ? Parce que contrairement aux garagistes qui peuvent retenir un bien sur lequel ils ont effectué des réparations jusqu’à ce qu’elles soient payées, l’entrepreneur ou le sous-entrepreneur qui exécute des travaux sur le bien immeuble d’un tiers ne peut conserver le bien jusqu’au paiement. Or, considérant que les travaux de l’entrepreneur ou du sous-entrepreneur apportent une plus-value à l’immeuble, la logique voulant que le bien prenne de la valeur avec les travaux réalisés, le Législateur a fait le choix de permettre aux entrepreneurs et sous-entrepreneurs de grever le bien immeuble sur lequel des travaux ont été réalisés d’une hypothèque légale en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble, et ce afin de protéger leur créance.
Ainsi, en inscrivant une hypothèque légale, même si l’immeuble change de propriétaire, la créance demeurera attachée à celui-ci, permettant à l’entrepreneur ou au sous-entrepreneur de faire le nécessaire pour la récupérer. Cela permet aux entrepreneurs et sous-entrepreneurs d’éviter de réaliser des travaux sur un bien qui prendra ainsi de la valeur sans jamais que les travaux ne soient payés.
Il faut cependant noter que ce n’est pas nécessairement la pleine valeur de travaux qui peut être garantie par la publication d’une hypothèque puisque celle-ci garantit la plus-value donnée à l’immeuble par les travaux, matériaux ou services fournis ou préparés pour ces travaux2.
Ne publie pas non plus une hypothèque qui veut puisque cette sûreté est réservée à ceux qui ont contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble ou qui lui ont dénoncé par écrit leurs travaux avant leur réalisation. L’entrepreneur et le sous-entrepreneur dont les services sont retenus auront donc tout intérêt à valider l’identité du propriétaire de l’immeuble avant de débuter leurs travaux et, au besoin, dénoncer l’existence de leur contrat.
En ce qui concerne les délais, bien que le Code civil du Québec indique que l’hypothèque existe sans qu’il soit nécessaire de la publier3, et qu’elle subsiste, quoiqu’elle n’ait pas été publiée, pendant les 30 jours qui suivent la fin des travaux (lire la fin de tous les travaux), une inscription doit être publiée avant l’expiration de ce délai de 30 jours pour que l’hypothèque soit conservée. Aussi, même une fois conservée par la publication d’une inscription, l’hypothèque s’éteint six mois après la fin des travaux à moins que, pour conserver l’hypothèque, le créancier ne publie une action contre le propriétaire de l’immeuble ou qu’il n’inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.
En conclusion, compte tenu de l’importance que revêt cette sûreté pour l’entrepreneur ou le sous-entrepreneur puisque c’est parfois le seul levier qu’il peut utiliser pour être payé, considérant que chaque cas est un cas d’espèce, l’entrepreneur ou le sous-entrepreneur a tout intérêt à consulter ses conseillers juridiques pour connaître ses droits et recours en cas de non-paiement, mais idéalement aussi avant même de débuter les travaux afin de dénoncer son contrat au besoin et ainsi éviter les mauvaises surprises.
1 Article 2724 C.c.Q.
2 Article 2728 C.c.Q.
3 Article 2726 C.c.Q.