Juridique

Un test de dépistage de drogues peut-il être exigé par un employeur ?

Noemie Laprise Noemie Laprise
Noémie Laprise, avocate
Chroniqueuse juridique

En tant qu’employeur, ce dernier a l’obligation de protéger la santé et la sécurité de tous ses salariés1. Mais qu’en est-il de son droit de gestion en cas de consommation de drogues par un de ses salariés ?

Tout d’abord, il n’est pas possible d’exiger qu’un salarié subisse des tests de dépistage à l’embauche, de façon aléatoire pendant la période de travail ni même de choisir au hasard un salarié, et ce, afin de prévenir un risque hypothétique d’inaptitude, sauf dans certains cas très précis. Tout salarié a le droit au respect à sa vie privée, à son intégrité ainsi qu’à sa dignité2. Il est crucial que l’exercice du droit de gestion se fasse en conformité avec ces droits fondamentaux. Il est particulièrement important d’être prudent dans ce type de situation puisque le résultat d’un test de dépistage peut révéler une consommation au-delà des heures de travail et ainsi empiéter sur la sphère de la vie privée du salarié.

Pour justifier un test de dépistage, l’employeur doit avoir un objectif urgent et réel, soit par exemple l’exécution d’une prestation de travail sécuritaire. Il doit toutefois user de mesures proportionnelles et qui portent le moins atteinte aux droits du salarié afin d’accomplir son objectif.

Dans les cas de test avant l’embauche, l’employeur devra démontrer que celui-ci est un moyen efficace pour s’assurer de la capacité du postulant à remplir les tâches de l’emploi convoité. Puisqu’un résultat positif ne veut pas dire que le postulant aura nécessairement les facultés affaiblies au travail, il s’agit d’une preuve difficile à atteindre. Au surplus, l’employeur ne pourra simplement retirer l’offre d’emploi; il devra tenter d’accommoder le postulant.

D’autre part, dans les cas de test en cours d’emploi, la Cour suprême reconnaît certaines situations où il est possible d’exiger un tel test :

« Il existe une importante jurisprudence arbitrale constante suivant laquelle, dans un lieu de travail dangereux, l’employeur peut faire subir un test à un employé s’il a un motif raisonnable de croire que ce dernier a eu les facultés affaiblies dans l’exercice de ses fonctions, a été impliqué dans un accident ou un incident de travail ou reprend du service après avoir suivi un traitement pour combattre l’alcoolisme ou la toxico.3 »

Un motif raisonnable de croire est plus qu’un simple soupçon, une impression ou une rumeur. Il doit s’agir d’un motif probable et sérieux basé sur des faits réels. Par exemple, une simple odeur de cannabis ne serait pas un motif suffisant pour supposer que le salarié a les facultés affaiblies pendant sa prestation de travail.

Il est donc essentiel d’adopter une politique en matière d’alcool et de drogues afin d’établir une « tolérance zéro ». De ce fait, tous les salariés seront avisés des conséquences disciplinaires d’une consommation sur les lieux du travail, laquelle pourra aller jusqu’au congédiement.

L’employeur pourra également se prévaloir d’une politique de tests aléatoires de dépistages seulement s’il fait face à une problématique généralisée d’alcoolisme ou de toxicomanie au sein d’un milieu de travail dangereux.

Toutefois, un employeur doit également accommoder, dans la mesure du possible, un salarié souffrant d’un diagnostic d’alcoolisme ou de toxicomanie, qui se doit d’être établi par un médecin. Également, si la situation factuelle du salarié démontre un tel diagnostic et qu’il est connu de l’employeur, l’employeur aura une obligation d’accommodement. Ce dernier pourra donc, par exemple, proposer une entente dite de « dernière chance », c’est-à-dire un contrat par lequel le salarié s’engage à se soumettre à certaines conditions en lien avec sa consommation comme de consulter un professionnel de la santé, suivre une cure de désintoxication ou même demeurer abstinent. La conséquence du non-respect d’une de ses conditions serait alors un congédiement.

Bref, la prudence est de mise dans les situations de consommation.

  1. Article 51 Loi sur la santé et la sécurité du travail; article 2087 Code civil du Québec. 2.
  2. Articles 1, 4 et 5 Charte des droits et libertés du Québec.
  3. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, [2013] 2 RCS 458, para 5.