Les jeunes et le milieu de la construction : comment les attirer et les garder à l'emploi ?

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Selon un rapport publié en février 2020 par ConstruForce Canada, 45 300 travailleurs du secteur de la construction prévoient prendre leur retraite d’ici 2029 au Québec, ce qui pourrait occasionner une rareté, voire une pénurie de main-d’œuvre, pour certains métiers.

Une pénurie de main-d'œuvre pour certains métiers

Selon les estimations de cet organisme national spécialisé dans le domaine de la main-d’œuvre, l’industrie de la construction au Québec devra composer avec un manque à gagner de 11 500 travailleurs d’ici 2029.De plus, depuis 2011, les jeunes de 15 à 24 ans, qui représentent la relève dans l’industrie de la construction, dénotent un manque d’intérêt envers les métiers de la construction, ce qui se traduit par une baisse des inscriptions dans les programmes de formations professionnelles. Ce double effet exerce alors une pression supplémentaire dans une industrie en pleine effervescence qui est déjà aux prises avec un manque criant de main-d’œuvre.

L’Association de la construction du Québec (ACQ) a aussi étudié la situation pour les différents métiers et occupations qui composent l’industrie. Selon cette Analyse prospective de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction1, menée par Raymond Chabot Grant Thornton, publiée fin 2019, il faudrait ajouter entre 13 000 et 25 000 travailleurs d’ici 2028 pour conserver l’équilibre dans le marché. La demande est forte pour plusieurs spécialisations particulières, montre aussi la recherche. Si on prend seulement l’exemple des briqueteurs-maçons, il faudrait ajouter quelque 1000 travailleurs d’ici 2028 pour pourvoir aux besoins. Certains métiers spécifiques sont en grand déficit dans certaines régions du Québec, principalement dans la région de la Côte-Nord et de l’Abitibi-Témiscamingue. Montréal et Québec sont les régions les plus touchées par les déséquilibres pour l’ensemble des métiers.

D’autres métiers souffrent également du manque de diplômés. C’est le cas des mécaniciens d’ascenseurs et des opérateurs de pelles et d’équipement lourd, trop peu nombreux pour répondre à la demande. Si bien que pour ces domaines, on prévoit un déficit entre la demande et la disponibilité des travailleurs d’ici 2028. De plus, l’offre de formation dans certaines régions ou encore pour certains programmes est insuffisante pour répondre à la demande. Par exemple, le DEP opérateur d’équipement lourd/pelles mécaniques est seulement offert dans deux régions.

Nombre de salariés selon le groupe d'âge (2013 à 2022)
Groupe d'âge 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
Moins de 25 ans 25 377 23 436 20 924 19 395 19 042 19 736 21 076 20 787 24 173 26 057
Part % 15,7 14,8 13,6 12,6 12,1 11,9 12,0 11,7 12,7 13,2
25 à 34 ans 45 686 45 474 45 155 45 872 47 674 51 111 54 620  55 585 59 364 60 604
Part % 28,2 28,8 29,4 29,8 30,3 30,8 31,0 31,2 31,1 30,6
35 à 44 ans 32 873  32 539 32 662 33 855 35 633 38 376 42 143 43 763 47 320 49 647
Part % 20,3 20,6 21,3 22,0 22,6  23,2 23,9  24,6 24,8 25,1
                     

Source CCQ : avril 2023

Autre tendance : certains emplois qui ne sont pas exclusifs au domaine de la construction, comme les électriciens, les charpentiers-menuisiers ou les monteurs de ligne, souffrent d’un manque à gagner.

Les attentes des jeunes travailleurs

En mai 2023, le Conseil du patronat du Québec (CPQ), conjointement avec l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), dévoilaient conjointement les résultats d’une Étude sur les distinctions des jeunes travailleurs2 fait par la firme de sondage Léger. Selon le sondage, les jeunes travailleurs sont significativement plus nombreux à penser qu’il est important de changer fréquemment d’emploi pour avoir une carrière épanouie et pour continuer d’apprendre (32 % vs 21 %). Les 16 à 24 ans se démarquent également des autres tranches d’âges par l’importance
significativement plus élevée qu’ils accordent au fait de travailler pour un employeur engagé (88 %).

Sans surprise, le salaire figure parmi les critères les plus importants dans le choix d’un emploi, peu importe la tranche d’âges. Néanmoins, les 16 à 24 ans lui attribuent une note inférieure (8,4) comparativement aux autres tranches d’âges (9,0). Les répondants âgés entre 16 et 34 ans ont dans leur top 3 de critères la proximité de l’emploi avec leur domicile ainsi que la possibilité de faire du télétravail alors que les 35 ans et plus ont plutôt le nombre de jours de vacances et le fait d’avoir un fonds
de pension.

Toujours selon ce sondage, la mesure qui incite le plus les jeunes à choisir un emploi est la flexibilité de l’horaire de travail (64 %). À noter qu’il y a également des différences significatives entre les 16 à 24 ans et les 25 à 34 ans. Dans les mesures sélectionnées, les travailleurs de 16 à 24 ans sont significativement moins intéressés par le programme de formation (47 %) et ils sont beaucoup plus intéressés par la politique sur l’équité, la diversité et l’inclusion (54 %). À l’inverse, les 25 à 34 ans sont moins intéressés par cette politique sur l’équité, la diversité et l’inclusion (26 %) et ils sont
beaucoup plus intéressé par l’horaire flexible (95 %).

Pour ce qui est des stratégies de rétention en dehors de l’augmentation salariale, les 15-24 ans optent pour de meilleures conditions de travail (charge de travail, santé et sécurité, semaine de 4 jours, etc.) (20 %) alors que les 24-35 ans préfèrent avoir de meilleurs avantages sociaux (fonds de pension, assurances, vacances, etc.) (35 %).

 

 Que pouvons-nous faire pour attirer les jeunes vers le milieu de la construction ?

1. ALTERNANCE TRAVAIL-ÉTUDES

Déjà bien implantée dans plusieurs secteurs d’activités depuis 35 ans au Québec, l’Alternance travail-études (ATE) est présente au sein de nombreux programmes d’études en formation professionnelle. En effet, les étudiants au niveau des études professionnelles pourront se voir délivrer un certificat de compétence apprenti non renouvelable de 6 mois. En conséquence, ils ont désormais la possibilité d’expérimenter concrètement la réalité de leurs métiers sur le terrain pour leur permettre de confirmer leurs choix de carrière et les motiver à terminer leur DEP, tout en recevant une rémunération.

2. ASSOUPLIR SES CONDITIONS DE TRAVAIL

Selon le sondage sur l’anticipation de l’activité et des difficultés de recrutement des employeurs dans l’industrie de la construction3, publié par la CCQ, concernant les stratégies déployées pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, 53 % des répondants ont indiqué qu’ils ont embauché des travailleurs moins expérimentés, 37 % ont mentionné qu’ils offraient plus de flexibilité dans les horaires de travail tout en respectant les dispositions des conventions collectives et 30 % offraient une plus grande conciliation travail-famille.

3. BOOT CAMP CONSTRUCTION

L’ACQ a mis sur pied une tournée Boot Camp Construction à l’automne 2022, qui s’est poursuivie au printemps 2023. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la promotion et de la valorisation des métiers de la construction auprès des jeunes et des femmes entre autres. La Tournée Boot Camp Construction ACQ a parcouru le Québec d’octobre 2022 à juin 2023. En seulement un an, plus de 1 000 personnes ont été initiées aux métiers de la construction, en visitant 13 centres de formation professionnelle répartis dans 10 régions du Québec, dont 28 % étaient des femmes. De plus, cette initiative a généré un taux de conversion encourageant de 16 %. Cela signifie que sur les 360 participants à l’automne, 58 se sont inscrits à un programme de formation.

4. PAGE JEUNE RELÈVE

En 2022, l’ACQ a créé une page Jeune Relève sur le site acq.org. Cette page présente une série d’articles 5 choses à savoir sur les métiers de la construction. De plus, il est possible de consulter les fiches métiers développées par la Direction des relations du travail donnant une foule d’informations.

5. TROUVE TON CHANTIER

Une campagne de valorisation des métiers et de l’industrie de la construction auprès de la relève québécoise a été mise sur pied. En plus de lancer le microsite trouvetonchantier.ca, le CPQ a publié des contenus humoristiques sur TikTok où les jeunes pouvaient y découvrir les métiers de la construction et être informés des nombreuses possibilités de faire carrière dans ce secteur.
La campagne s’est aussi associée à Academos afin de jumeler des jeunes avec des mentors qui travaillent déjà dans la construction.

6. CAMPAGNE : T’ES FAIT POUR ÇA DE LA CCQ

La CCQ poursuit l’objectif d’innover pour amener les jeunes à choisir une carrière en construction. Outre les mesures d’inclusion mises en place afin de diversifier la main-d’œuvre, la CCQ a lancé un nouveau site : carriereenconstruction.com.

Le site ayant comme thème de campagne « T’ES FAIT POUR ÇA » accueille ses visiteurs avec la série « Nés pour bâtir » qui présente 4 jeunes dynamiques auxquels les futurs travailleurs et travailleuses en construction peuvent facilement s’identifier.

À lire aussi : Outils pour embaucher des travailleurs

Cet article a été rédigé en collaboration avec la Direction des relations du travail de l'ACQ.

1 Analyse prospective de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (acq.org)2 Étude sur les distinctions des jeunes travailleurs (cpq.qc.ca)3 Sondage sur l’anticipation de l’activité et des difficultés de recrutement des employeurs dans l’industrie de la construction (ccq.org)

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