Dans le cadre du Jour de deuil national, qui aura lieu le 28 avril prochain, des conseillers SST de l’ACQ vous présentent 6 études de cas et les mesures à prendre pour éviter que cela se produise sur vos chantiers. Rappelons que le Jour de deuil national est une journée de commémoration à la mémoire des personnes qui ont perdu la vie ou qui ont été blessées lors d’une tragédie survenue au travail. C’est aussi l’occasion de renouveler collectivement notre engagement à améliorer la santé et la sécurité du travail et à prévenir la survenue d’autres blessures, maladies et décès.

1er cas : niveau de monoxyde de carbone trop élevé
Par Benoît Bergeron, chef d’équipe en prévention des lésions professionnelles, SST et Mutuelles de prévention
Description de l’événement
Des travaux en lien avec la mise en place du béton a lieu dans un bâtiment fermé. Les travailleurs au chantier utilisent des équipements fonctionnant à l’essence pour la mise en place du béton (épandeur, règle, flatteuse à palme…). Le niveau de monoxyde de carbone (CO) a atteint des niveaux dépassant 250 PPM. Résultat : Deux travailleurs ont perdu connaissance et un troisième a vomit à l’extérieur du bâtiment.
Les services d’urgence ont été appelés pour intervenir à la suite d’un signalement. Les travailleurs ont été reconduit à un centre hospitalier de la région de Montréal pour la prise en charge des accidentés. Les travailleurs ont été hospitalisés et ont été traité en chambre hyperbare.
L’entrepreneur général a communiqué avec la CNESST.
L’entrepreneur général a demandé à un conseiller de l’ACQ de l’accompagner au chantier.
Causes de l’événement
- Absence de formation des travailleurs en lien avec un contaminant tel que le monoxyde de carbone.
- Absence de ventilation générale pour diluer le monoxyde de carbone dans l’air.
- Absence de détecteur de monoxyde de carbone à lecture directe en temps réel de la part du sous-traitant et du maître d’œuvre.
- Absence de méthode sécuritaire de travail.
Obligations
- Article 51.9 de la LSST : Formation obligatoire sur le SIMDUT
- Article 196 de la LSST : Le maitre d’œuvre a les mêmes obligations que l’employeur
- Article 40.2 du RSST : Aucun travailleur ne doit être exposé à des gaz, des fumées, des vapeurs ou des brouillards, au-delà des limites prévues à l’annexe 1 (VEMP 35 PPM / VECD 175 PPM).
- Article 41 du RSST : L’employeur doit contrôler ou améliorer la qualité de l’air…
- Maladie à déclaration professionnelle (MADO) Déclaration obligatoire à la CNESST et Santé au travail.
- Articles 51.3 et 51.5 de la LSST: Établir ces méthodes de travail.
- Article 199 de la LSST : L’employeur doit élaborer son programme de prévention en tenant compte de ces risques, mettre en place les moyens de prévention et de contrôle, etc.
Recommandations/mesures correctives
Pour la reprise des travaux, il a été recommandé que :
- Les travailleurs suivent une formation spécifique sur le contaminant (monoxyde de carbone (CO)).
- D’avoir une méthode sécuritaire de travail et de la présenter à l’ensemble des travailleurs.
- De vérifier s’il est possible de capter à la source les contaminants.
- De calculer le nombre de changements d’air en fonction de la superficie de l’aire de travail.
- De s’assurer d’entrer de l’air frais afin de créer une rotation de l’air dans l’environnement de travail et d’extraire l’air contaminé.
- D’avoir plus d’un détecteur CO calibré.
Attention : Selon le nouveau plan triennal 2024-27 de la CNESST, le Monoxyde de carbone (Co) deviendra une tolérance zéro. Il est au stade de proposition.

2e cas : Appareil de levage de personne
Par Johanne Chartier-Héneault, conseillère sénior en prévention SST
Description de l’événement
Lors des travaux de revêtement extérieur, sur un bâtiment résidentiel, le travailleur œuvrait à partir d’une nacelle articulée afin d’effectuer la pose de profilé métallique en Z, au-dessus des portes-patio des balcons de l’immeuble. À la suite d’un déplacement vers la zone de travail, le travailleur est coincé, au niveau du dos, entre les commandes de la nacelle (panier) et sous le balcon.
Les services d’urgence ont été appelés pour intervenir à la suite d’un signalement. Le travailleur est conduit à l’hôpital par ambulance. Le travailleur est décédé quelques heures après son arrivée à l’hôpital.
L’entrepreneur général a communiqué avec la CNESST.
À la demande de l’employeur, un conseiller SST prévention de l’ACQ s’est présenté au chantier pour l’accompagner lors de l’enquête d’analyse d’accident en participant avec les inspecteurs de la CNESST.
La CNESST a posé un scellé sur la nacelle articulée.
Causes de l’événement
- Absence de formation du travailleur en lien avec l’utilisation d’un appareil de levage de personne (nacelle);
- Utilisation d’un appareil défectueux;
- Absence de maintenance de l’appareil;
- Inspection annuelle effectuée par du personnel non qualifié;
- Gestion inadéquate de l’inspection des appareils de levage de personne;
- Absence de méthode sécuritaire de travail.
Obligations
- Article 3.10.8 du CSTC : Un engin élévateur à nacelle doit satisfaire aux exigences.
- Articles 51.3 et 51.5 de la LSST : L’employeur doit établir ces méthodes de travail.
- Article 51.7 de la LSST : L’employeur doit fournir du matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état.
- Article 51.9 de la LSST : L’employeur doit former ses travailleurs sur les risques reliés à leurson travail.
- Article 199 de la LSST : L’employeur doit élaborer son programme de prévention en tenant comptes de ces risques, de mettre en place les moyens de prévention et de contrôle, etc.
Recommandations/mesures correctives
Pour la reprise des travaux, il a été demandé que :
- L’employeur doit former les travailleurs concernant l’utilisation sécuritaire des nacelles;
- Obtenir d’une compagnie spécialisée, une attestation démontrant que la nacelle est en état de fonctionner sur un chantier, en toute sécurité;
- D’avoir une méthode sécuritaire de travail et la présenter à l’ensemble des travailleurs.
- Démontrer que les inspections quotidiennes, mensuelles et autres sont réalisées dans un intervalle temps.
Attention : Les appareils de levage de personne et les appareils de levage de matériaux font partie d’un projet de changement réglementaire en cours.

3e cas : Protection contre les chutes pour des travaux en bordure des piscines
Par Isabelle Pouliot, conseillère sénior en prévention SST
Description de l’événement
Des travaux en lien avec la réfection d’une piscine intérieure était en cours et le revêtement intérieur du bassin était déjà installé. L’entrepreneur contacte son conseiller en prévention des mutuelles de prévention de l’ACQ pour obtenir des recommandations pour la protection contre les chutes des travailleurs qui installent le carrelage autour du bassin vide.
Il faut comprendre que la profondeur du bassin est de plus de 3 mètres et qu’il existe un risque de chute de hauteur pour les travailleurs œuvrant autour de la piscine.
Situation problématique
- Considérant que le revêtement neuf (toile) est déjà installé dans la piscine, il ne peut pas être endommagé.
- Puisque les travaux en cours à réaliser sont l’installation du carrelage, un garde-corps ne pouvait pas être installé en bordure du vide.
- La planification sécuritaire du travail aurait permis d’identifier la problématique au début du projet et de modifier la séquence de réalisation des travaux.
Obligations
- Articles 51.3 et 51.5 de la LSST : L’employeur doit établir ses méthodes de travail.
- Article 199 de la LSST Le programme de prévention relatif à un chantier doit contenir les éléments suivants :
- Alinéa 1 : L’identification et l’analyses des risques qui peuvent affecter la santé et la sécurité des travailleurs;
- Alinéa 2 : les mesures et les priorités d’action permettant d’éliminer ou, à défaut, de contrôler les risques identifiés en privilégiant la hiérarchie des mesures de prévention;
- Article 2.9.1. du CSTC: Tout travailleur doit être protégé contre les chutes dans les cas suivants :
1° s’il est exposé à une chute de plus de 3 m de sa position de travail;
2° s’il risque de tomber :
a) Dans un liquide ou une substance dangereuse; - La section XI du CSTC prévoit les mesures de prévention à établir pour les travaux au-dessus ou à proximité de l’eau.
Recommandations/mesures correctives
Une bonne planification des travaux permettra d’appliquer plus facilement la hiérarchisation des moyens de prévention.
Modifier la position du travail, par exemple, évaluer la possibilité :
- D’éliminer le risque de chute en effectuant le travail à partir du fond de la piscine (ex. : échafaudage, appareil de levage de personnes dont une nacelle télescopique). Procéder à une évaluation des travaux réalisés afin de déterminer si la piscine est couverte par les risques associés aux espaces clos.
- De réaliser le travail lorsque la piscine est pleine d’eau tout en contrôlant le risque de noyade.
- D’installer un garde-corps temporaire ou autoportant.
- D’installer un système qui limite le déplacement des travailleurs (ex. : ancrage mural ou au sol ou corde d’assurance horizontale).
- D’utiliser un système de protection individuelle contre les chutes : harnais de sécurité relié à un système d’ancrage par une liaison antichute. Le système doit être conçu pour ce genre d’installation ainsi que pour l’utilisation prévue.

4e cas : circulation de véhicules automoteurs sur les chantiers
Par Chantal Morin, conseillère sénior en prévention SST
M. Tremblay, client en Mutuelle ACQ, contacte Josée, sa conseillère SST-Prévention de l’ACQ afin de valider avec elle les mesures préventives concernant la circulation de véhicules automoteurs sur son prochain chantier.
M. Tremblay est entrepreneur général et confirme qu’il sera le maître d’œuvre sur le chantier. Josée propose une rencontre sur le site des travaux ou au bureau. M. Tremblay invite Josée à le rencontrer à son bureau et confirme qu’il se servira des plans pour l’aider à illustrer le contexte du chantier.
Lors de la rencontre, Josée explique que le succès en matière de prévention repose sur une bonne planification. Il faut se poser les bonnes questions pour identifier les risques et par la suite, choisir les bonnes mesures préventives à mettre en place. Josée demande à M. Tremblay de répondre aux questions suivantes avant la rencontre :
- Selon les phases de travaux, quels véhiculent devront circuler et quel espace doit-on leur réserver ?
- Où seront situés les travailleurs lorsque les véhicules seront présents ?
- Quel sera l’état du sol ?
- Creusement à proximité ?
- Dénivellations ?
- Présence de roches, de trous, de lignes électriques aériennes, de canalisations souterraines ?
- Où seront livrés et déplacés les matériaux ?
Josée se rend à la rencontre de M. Tremblay qui a obtenue des réponses aux questions, mais il semble avoir plus de questions : « Quoi faire avec ces informations ? Que dois-je faire ? »
Dans un premier temps, Josée propose d’établir un plan de circulation sur lequel seront identifiées les informations suivantes :
- La localisation et les dimensions des voies de circulation;
- La localisation des aires de recul, le cas échéant;
- La signalisation;
- Les vitesses maximales permises;
- Le positionnement d’un signaleur de chantier ou routier.
Puisque la majorité des accidents surviennent alors qu’un travailleur circule dans l’angle mort du véhicule, Josée propose de baliser la zone de circulation pour piétons. La distance sécuritaire varie en fonction du véhicule utilisé, l’information se trouve dans le manuel du fabricant.
Josée insiste sur l’importance de communiquer les mesures préventives aux travailleurs et de s’assurer de leur compréhension. De plus, M. Tremblay devra s’assurer du respect des mesures préventives telles que :
- Le conducteur doit s’immobiliser lorsqu’il perd le signaleur de vue;
- Connaître les angles morts des véhicules ;
- Communiquer les directives et les instructions en lien avec la coactivité à toute personne qui se trouve sur le chantier de construction ;
- Prévoir un moyen de télécommunication bidirectionnelle pour guider le conducteur ou lorsque les distances sont de moins de 10 mètres, les signaux manuels peuvent être utilisés;
- Ne pas utiliser les cellulaires durant les manœuvres de recul;
- S’assurer que les véhicules automoteurs sont équipés d’une alarme de recul automatique;
- Éviter les distractions et rester attentif aux déplacements des équipements lourds et au son des alarmes de recul;
- Porter les ÉPI incluant une veste de signaleur classe2 de niveau 2 et conforme à la norme CSA Z96.
Josée invite M. Tremblay à consulter la vidéo sur les Manœuvres de recul de l’ACQ pour plus d’information.

5e cas : réfection et isolation de toits plats
Par Johanne Chartier-Héneault, conseillère sénior en prévention SST
Description de l’événement
Une entreprise spécialisée en réfection et isolation de toits plats, a obtenu un contrat pour refaire l’étanchéité d’un immeuble de 3 étages situé en milieu urbain. Le chantier comporte un risque élevé de chutes en hauteur, notamment à cause :
- De l’absence de garde-corps permanents sur la toiture;
- De la proximité des rebords sans protection;
- Du transport de matériaux lourds en bordure de toit.
Cause de l’événement
L’analyse de risques a révélé que les travailleurs exposés à plus de 3 mètres de hauteur sans protection adéquate couraient un danger sérieux. Le défi consistait à mettre en œuvre des mesures de protection collective et individuelle respectant la réglementation (CSTC).
Solutions mises en place
1. Mesure administrative
- Rédaction d’une méthode sécuritaire de travail sur les travaux de réfection de toiture;
- Mise en place de pauses-sécurité.
2. Mesure de protection collective
- Installation de garde-corps temporaires sur tout le périmètre de la toiture, fixés de manière sécuritaire selon la section 3.8 du CSTC.
3. Mesures de protection individuelle
- Chaque travailleur, devant œuvrer hors du périmètre du garde-corps, a été équipé d’un harnais antichute complet, relié à un système d’ancrage temporaire certifié (CSTC 2.10.12 et 2.10.15);
- Vérification quotidienne des équipements de protection par les travailleurs.
4. Formation et supervision
- Formation sur le travail en hauteur donnée à tous les employés affectés au chantier;
- Mise en place d’un plan de sauvetage en cas de chute, avec simulation testée au 6 mois et présence d’un intervenant en sauvetage formé (CSTC 2.9.5).
En résumé
- Investir dans des équipements de qualité et la formation réduit non seulement les risques, mais aussi les interruptions de travail.
- La hiérarchisation des moyens permet d’éliminer les risques à la source. La combinaison de protections collectives et individuelles est souvent requise.
- Une planification rigoureuse en amont du chantier permet une meilleure exécution et réduit les imprévus.

6e cas : la chute d’un travailleur (sauvetage)
Par Benoît Bergeron, chef d’équipe en prévention des lésions professionnelles, SST et Mutuelles de prévention
Description de l’événement
Des travaux d’installation de cloisons sèches/systèmes intérieurs sont en cours au 4e étage d’un bâtiment qui est partiellement fermé. Une journée avec des rafales constantes de vent important qui sont mesurées à l’aide d’un anémomètre, soit 85 Km/h. Les travaux sont effectués autant par l’intérieur du bâtiment que par l’extérieur à partir d’un balcon. Un travailleur œuvre à partir d’un escabeau sur le balcon, est attaché à un système d’arrêt de chute à l’aide d’un câble de vie vertical et un coulisseau relié à un point d’ancrage situé au-dessus de lui. Un bon coup de vent fait perdre l’équilibre au travailleur et il fait une chute à l’extérieur du bâtiment. Le travailleur se frappe la tête sur la dalle de béton et perd conscience. Un collègue voit ce qui s’est passé et tente des manœuvres pour le sortir de sa position et appelle ses collègues pour l’aider. Par sa position, ils ont de la difficulté à le tirer vers le haut en raison de la configuration des lieux. Les services d’urgence ont été appelés pour intervenir. Le travailleur suspendu a été secouru par les services d’urgence après 25 minutes. Le travailleur a été conduit à l’hôpital le plus près pour une prise en charge.
Causes de l’événement
- Absence d’un garde-corps sur le balcon
- Mauvais ajustement de son système d’arrêt de chute
- Absence d’un plan de sauvetage éprouvé
- Absence d’un sauveteur formé
- Délai trop long pour communiquer avec les services d’urgence
- Plan de communication déficient en lien avec le plan de sauvetage (rôles)
- Absence d’équipement de récupération
- Absence d’un plan B, puisque le plan A est d’utiliser un appareil de levage pour récupérer un travailleur en cas de chute. Avec des vents violents, il est impossible d’utiliser un appareil de levage pour le sauvetage sans mettre en danger un autre travailleur.
Obligations (sans s’y limiter)
- Article 2.4.4. du CSTC : « …le sauvetage à la suite d’une chute est sous la responsabilité du maître d’œuvre. »
- Article 2.9.1 : Installation d’un garde-corps
- Article 2.9.2 : Hiérarchisation des moyens
- Article 2.9.5. : Délai de suspension d’un travailleur est de 15 minutes
- Articles 2.9.5.1 : Formation sur la procédure de sauvetage. Procédure éprouvée par des exercices de sauvetage.
- Articles 2.9.5.2. : Disponibilités des équipements de sauvetage. Avoir un intervenant en sauvetage ayant une formation qui le rend apte à dégager un travailleur suspendu.
- Article 2.15.12. al 10 : Équipement peut être utilisé dans le cadre d’un plan de sauvetage.
- Article 2.15.12 al 11 : Un appareil de levage de personnes ne doit pas être utilisé au-delà d’une vitesse de vent de 45 km/h.
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L’ABC de la prise en charge et de la hiérarchisation des moyens – ACQ Construire