Armature en acier ou composite ?

Armature en acier ou composite ?
Paul Demers
Paul Demers
Chroniqueur Technique

Profilée, dissimulée et invisible, l’armature incorporée à une masse de béton contribue grandement à l’aspect structural d’un bâtiment, agissant un peu comme le squelette du corps humain.

Cette contribution étant supplémentaire à celle du béton, particulièrement pour les efforts en tension, elle permet de minimiser l’utilisation du béton et par le fait même, d’alléger le poids de l’ensemble de la masse structurante.

Que ce soit pour une habitation, un stationnement étagé, un quai maritime ou une route, différentes contraintes environnant ces structures influencent la fréquence d’entretien et la longévité de ces ouvrages de masse. Nous devons donc les protéger mais de quoi et comment ? En quelques lignes, nous vous offrons un survol de quelques options qui s’offrent à nos entrepreneurs au moment d’ériger des coffrages pour béton armé.

Aspects physiques

Règle générale, les composantes d’un concept d’armature se retrouvent sous forme de treillis préassemblés ou de barres circulaires à être assemblées. De longueurs et de diamètres variés selon les besoins, souvent elles arborent une surface adhérente et sont configurées suivant les formes des coffrages. Si elles sont utilisées à l’horizontale, elles sont déposées sur des espaceurs appelés « chaises » pour régulariser l’enrobage de béton situé en dessous. Les matières utilisées pour leur fabrication peuvent être des alliages de fer avec carbone, du nickel, du chrome, du niobium et autres, ou de composite issu de la pultrusion (extrusion par tirage) utilisant de la fibre de verre, de carbone ou de basalte, imprégnée de résine vinyl ester servant d’agent réactif.

Les possibilités de détérioration

Ces structures requièrent un minimum d’entretien. Des effets naturels avec les rigueurs climatiques et les activités industrielles conduisent à une détérioration des structures à la suite de contacts répétitifs entre contaminants et béton. Le ruissellement de solutions contaminées en surface du béton engendre la percolation des liquides par la porosité de la masse cimentaire, ce qui favorise des réactions de types chimiques s’attaquant à l’armature. Voici quelques exemples de contacts à éviter.

1) Produits de déglaçage : l’eau pure est sans effet, mais avec des solutions de chlorure de calcium ou de sodium, les effets sont néfastes pour les aciers. En présence d’eau, le nitrate d’ammonium et le sulfate d’ammonium réagissent chimiquement avec tous les types de béton et les dégradent.

2) Atmosphères marines et industrielles : les aciers au chrome s’altèrent très lentement et on préfère en général utiliser des aciers au molybdène.

3) Liquides industriels :

  • Les acides nitrique, sulfurique, phosphorique, chlorhydrique attaquent la plupart des métaux et la corrosion augmente régulièrement au fur et à mesure que la concentration augmente. Chaque type d’acide requiert une protection distincte, le contact avec l’armature est donc à éviter.
  • Les produits alcalins corrodent tous les aciers inoxydables et le béton est un environnement alcalin.
  • L’acétone, le xylène et la fumée d’acide nitrique à de hautes températures peuvent miner la résine de vinyl ester.

Bien connaître l’environnement du lieu de mise en chantier est essentiel pour faire les bons choix de produits et de protections à y appliquer pour réduire les coûts et les épisodes de ragréage en plus de prolonger la longévité des ouvrages en béton armé.

Les protections

La corrosion de l’armature en acier noyé dans le béton est une des principales conséquences minant l’intégrité des structures en béton armé et l’humidité est un acteur de premier plan. De nombreux types de revêtements (membranes) et de pénétrants (scellants) sont utilisés depuis des décennies pour protéger le béton contre l’absorption d’humidité et de contaminants pour contribuer à ralentir le processus de corrosion. De plus, les barres d’armature en acier peuvent être traitées en utilisant un revêtement d’époxy à pleine surface incluant les extrémités coupées en chantier. Voici quelques attentions à observer selon la norme CAN CSA-S413 (Conception des stationnements intérieurs) : 

La manutention des barres enduites d’époxyde doit se faire de la façon suivante :

  • On ne doit utiliser que des systèmes à prises rembourrées pour décharger ou manutentionner les barres
  • On ne doit pas empiler de barres non enduites ou d’autres matériaux sur les barres enduites d’époxyde
  • Il ne faut pas échapper ni traîner les barres
  • Dans un béton renforcé avec des barres enduites d’époxyde, des vibrateurs enrobés de matière plastique devraient être utilisés

Cependant, il n’est pas toujours possible d’empêcher la corrosion à long terme.

Côté monétaire

En comparaison avec l’acier, pièce pour pièce, le coût d’achat peut être plus dispendieux. Par contre, la légèreté du produit favorise une manipulation rapide. Sa résistance à la corrosion n’exige pas de traitement supplémentaire et l’armature composite nécessite moins d’enrobage de béton, ce qui tend à niveler les écarts de coût. C’est à long terme qu’un tel assemblage pourrait se faire valoir.

Des études démontrent que pour une durée de vie de 100 ans, en incluant les coûts d’entretien, de rénovation et de démolition, l’armature composite serait plus avantageuse, car elle amènerait des dépenses de 15 % à 30 % moins élevées que les autres types d’armature.

Caractéristiques de l’armature composite

  • Résistant à la corrosion (milieux salins, chimiques, alcalins)
  • Légèreté pour le poids des structures, le transport et la manutention
  • Résistance en cisaillement garantie (ASTM D7617)
  • Résistance en traction garantie (ASTM D7205), supérieur à l’acier
  • Façonnée de toutes formes en usine et ne peut être façonnée par pliage en chantier
  • Facile à couper et ne provoque pas d’étincelles (milieux combustibles et pétroliers)
  • Conductivité magnétique neutre (centres informatiques, hospitaliers, cage faraday)
  • Conductivité électrique neutre (chambres électriques, transports électrifiés)
  • Conductivité thermique très faible (bris thermique)
  • Moins sensible aux hautes températures dues à un incendie
  • Enrobage par béton, requiert des épaisseurs moindres
  • Bonne adhérence avec le béton
  • Module d’élasticité bas, permet plus de flexion.

 Les intervenants

L’application de ces produits requiert des connaissances et des analyses spécifiques. Il est donc recommandé d’interagir avec des personnes compétentes à tous les égards.

  • Architectes pour la conception de plans et devis des aires et volumes des bâtiments selon le Code de construction du Québec, Chap.1 – Bâtiments.
  • Ingénieurs en structure pour l’application des règles de calculs de la partie 4 du Code de construction du Québec, Chap.1 – Bâtiments.
  • Entrepreneurs généraux ou spécialisés pour la mise en place par des ferrailleurs régis par la loi R-20.

Autres possibilités de produits

Pour esquiver le problème de la corrosion, le choix d’un concept d’armature de pièces composites est une solution appropriée. Lors de la transformation, les fibres et la résine ont l’aspect d’une pâte pouvant être modelée selon des formes multiples et ensuite durcie par une montée en température. Cette matière thermodurcissable une fois refroidie ne se déforme plus à haute température et démontre des propriétés structurales très intéressantes. Ce type de renfort est considérable pour :

  • Structures assujetties aux sels de déglaçage
  • Structures assujetties à des agents corrosifs
  • Structures côtières ou submergées en eau salée
  • Structures requérant neutralité magnétique et électrique.

Pour utiliser les mêmes techniques et patrons d’assemblage que l’armature traditionnelle en acier, il est recommandé de se référer à certains documents techniques comme :

  • Fiches techniques des différentes barres profilées disponibles
  • CAN/CSA S806 : Règles de calcul et Construction des structures de bâtiment contenant des polymères renforcés de fibres
  • CAN/CSA S6 : Code canadien sur le calcul des ponts routiers
  • CAN/CSA S807 : Spécifications pour polymères renforcés de fibres.

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