L'habitation à l'ère de la transition numérique

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À l’ère de l’internet et des dispositifs connectés, la notion d’intelligence, qui touche plutôt l’optimisation de la performance énergétique des habitations, se doit d’être bien définie.

Normand Roy, directeur Bâtiment pour la Maison du développement durable, un édifice construit à Montréal, ne croit pas qu’il existe de définition universelle ou consensuelle pour désigner ce qu’est une maison intelligente. Or, il estime que ce produit fait appel à un grand nombre de ressources, soit un arrimage d’équipements et de technologies, pour améliorer l’efficacité du milieu de vie sur le plan du confort des occupants et de la performance énergétique du bâtiment.

« Il s’agit ici d’une interprétation assez générale, alors que l’industrie fait référence plutôt aux objets connectés, dit-il. Dans certains cas, l’expression se limite aux dispositifs branchés. Il soumet l’exemple d’une série de gadgets - caméras de sécurité, serrures, thermostats, détecteurs de mouvement, lampes, et plus encore - reliés à l’internet. Sans toutefois évoquer la domotique, « c’est-à-dire toute l’intelligence que nous avons intégrée à plusieurs équipements pour améliorer essentiellement la performance énergétique d’une habitation. »

Embûches

« Dans ce contexte, si un individu réalise complètement et avec succès cette démarche, il obtiendra, du moins pour quelques années, une maison dite ultra-performante sur le plan du confort, en termes énergétiques, car, je crois au potentiel de cette technologie. Par contre, dans la vie de tous les jours, plusieurs embûches font obstacle à ces attentes », poursuit M. Roy.

« La première difficulté est liée à la vision qu’on se fait de cette industrie, une position qui réfère à l’utilisation des gadgets branchés. En outre, contrôler à distance sur son téléphone intelligent la couleur d’une lumière n’ajoute rien à la performance ou à la qualité de vie, à mon avis. Or, c’est ce type de dispositif connecté que propose la plupart du temps le marché des entreprises de domotique », déplore Normand Roy.

La notion de gadget ne sert donc en rien le véritable dessein de la maison intelligente qui a plutôt pour mission de créer un environnement propice à une activité de développement durable. Dans cette optique environnementale, la domotique n’offre qu’un balbutiement de procédés.

Il existe évidemment des gadgets prometteurs comme, en tête de liste, une variété de thermostats intelligents, des dispositifs qui ont définitivement un impact vert, mais dont le prix d’achat élevé et la durée de vie moyenne laissent plus d’un environnementaliste dubitatif pour l’instant.

Cependant, l’avenir de l’industrie du développement durable repose sur ce genre d’appareils à valeur ajoutée, soit le pilotage à distance de systèmes arrimés d’intervention plus abordables et efficaces de gestion de l’énergie pour la maison.

Normand Roy précise à cet égard que les nouveaux bâtiments commerciaux et institutionnels sont entièrement dotés d’immotique, soit de technologies de régulation automatique des édifices. Des équipements correspondants à des politiques d’économie d’énergie.

 Ce qui n’est pas encore le cas dans les propriétés résidentielles, notamment à cause des coûts qu’imposent l’acquisition, l’installation et l’entretien professionnel d’une telle logistique d’automatisation d’appareillage.

Immotique

Or, un propriétaire d’habitation ne peut s’imaginer combien utile peu s’avérer ce type d’intelligence dans un bâtiment. Grâce à l’immotique, il est possible de piloter à distance tous les contrôles informatisés d’un bâtiment et de faire une tournée virtuelle d’un établissement dont la garde nous est confiée, en tout temps.

À titre indicatif, on peut ainsi, à l’aide d’un ordinateur personnel ou d’un téléphone intelligent, et de codes d’autorisations conférés, voir qu’une pièce s’expose à une température ambiante trop basse en hiver, et par déduction comprendre qu’une porte ou une fenêtre est demeurée ouverte, et en solliciter la fermeture. Une présence d’esprit et une action qui épargnera le gel et le fracas d’une conduite d’eau attenante à la pièce par exemple, dont les inconvénients qui en résultent.

Dans une autre mesure, le système centralisé peut, par connectivité, programmer ou optimiser automatiquement le fonctionnement du conditionnement d’air d’une habitation ou d’un grand édifice à l’aide des données provenant d’une station météo sélectionnée, sans faire appel à une interaction humaine. Les possibilités de l’immotique sont grandes. Mais sa portée n’est encore limitée qu’aux grands propriétaires et gestionnaires d’édifices des secteurs IC/I, voire à des occupants d’habitation financièrement fortunés.

« C’est la route qu’empruntera l’évolution de la domotique appliquée à l’habitation. Une rhétorique éloignée du réfrigérateur branché ou de la mise en fonction à distance de la chaîne audio du domicile, des gadgets qui font présentement sensation dans l’industrie de l’habitation », estime Normand Roy.

QUELQUES NOTIONS DE VOCABULAIRE :
Domotique :
Ensemble de techniques adjoignant à celles du bâtiment les ressources de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications pour améliorer l’habitat humain. Le terme domotique a été créé en France au milieu des années 80 pour répondre au besoin de nommer le concept jusque-là exprimé indirectement par maison intelligente.
Note : La notion de domotique englobe souvent celle d’immotique.

Immotique :
Ensemble de techniques adjoignant à celles de l’immeuble résidentiel, commercial ou industriel les ressources de l’électronique, de l’informatique et des télécommunications pour améliorer l’habitat et le milieu de travail humains. La désignation immotique a été construite sur le modèle de domotique, où le préfixe signifiant « maison » a été remplacé par le préfixe signifiant « immeuble ».

Source : Office québécois de la langue française

Maison verte

La domotique peut en effet contribuer au développement durable, observe Emmanuel Cosgrove, directeur de l’organisme à but non lucratif Écohabitation. Dans ce contexte, l’expression intelligence peut être associée à une habitation verte, soit à un milieu de vie durable, à un bâti utilisant des ressources de façon rationalisée et dont l’ensemble est en aucun cas nuisible à la santé de ses occupants. C’est un savoir-faire qui repose sur une approche globale.

« En termes plus imagés, ce n’est pas parce qu’on utilise une bonne farine qu’on obtiendra un bon gâteau. Une recette est un système qui fait appel à un bon dosage de matériaux adéquats et d’intelligence cognitive davantage qu’artificielle. Or, à l’instar d’un malaxeur pour mélange à gâteau, l’intelligence artificielle est un magnifique outil d’intégration des éléments. Il optimise le fonctionnement de la cuisine », poursuit M. Cosgrove.

« C’est exactement ce qui se produit dans l’industrie de la construction quand les professionnels parlent de conception intégrée. À l’opposé du travail en silo, chaque corps de métiers s’aligne sur les directives des agents de domotique, une spécialité qui a pour but de rendre une habitation plus performante sur le plan écoénergétique », dit-il.

Maison intelligenteCrédit photo : Écohabitation

Avenir durable

Une maison intelligente est donc le fruit d’un effort encore plus resserré entre les tenants du génie, de l’architecture, du design et de la mécanique du bâtiment. « Un processus qui se poursuit avec l’application de revêtements de peinture harmonisée au concept, avec des finis à zéro émission ou sans composés organiques volatils si vous préférez. Des produits limitant le dégagement de toxines. Aussi, des finis à plus grande durée de vie qui résistent mieux aux intempéries et aux rayons ultraviolets. »

« On constate actuellement une tendance à la « démécanisation » dans la construction des maisons vertes, ajoute Emmanuel Cosgrove. Cette idée, qui tire son origine d’un bâti européen, et qui permet de réduire la présence d’assemblages mécaniques complexes, formule la philosophie des maisons passives, des habitations à l’équipement simple, mieux isolées. »

« Ainsi, au lieu d’avoir recours à des systèmes compliqués de chauffage, ventilation et climatisation, comme on en voit couramment dans les résidences, des aménagements qui génèrent d’importants frais d’entretien, de réparation ou de remplacement, on peut faire appel à davantage de génie, à moindre coût à long terme. L’isolation dans un mur par exemple est beaucoup plus durable, voire sans bris et de surcroît, moins difficile à installer qu’une infrastructure mécanique parfois encombrante. »

La maison intelligente réfère à des technologies à la fois simples, frugales et durables de thermodynamique. Elle fait appel à des équipements qui nécessitent peu d’entretien, voire aucun appel de service. Elle se compose de matériaux éprouvés, fiables et économiques. « C’est le cas des membranes isolantes plus efficaces qui permettent de réduire la migration du chaud, du froid et de l’humidité à travers des enclos », précise Emmanuel Cosgrove.

Bâtiment intelligent

À cet égard, le bâtiment intelligent possède une enveloppe très performante. On le constate également dans le choix d’un fenêtrage plus approprié à la rigueur du climat. « Par exemple, on utilise des fenêtres à triple vitrage dotées de revêtements intelligents, des surfaces conçues pour absorber et engranger l’énergie solaire en hiver, et repousser ou rediriger les rayons du soleil en cas de surchauffe l’été. »

« Ces systèmes permettent de faire des gains énergétiques, tout en contrant les pertes de chaleur dans un bâtiment. Parmi ces derniers, il existe un système mécanique et silencieux de ventilation pour redistribuer une excellente qualité d’air dans l’habitation. On peut bâtir la maison la plus intelligente qui soit avec des matériaux achetés dans la plus traditionnelle des quincailleries. »

« Pour reprendre l’analogie culinaire, un bon chef peut concocter un délicieux repas à partir de denrées achetées à l’épicerie du coin. Ce n’est en fait qu’une maîtrise de système qui traduit une approche verte, une façon de faire qui optimise l’enveloppe de bâtiment et qui minimise la présence d’équipement dispendieux de conditionnement de l’air et de l’eau », explique le porte-parole d’Écohabitation.

Dans un monde où le chauffage et la climatisation alimentent près de 80 % de la facture d’hydroélectricité, la réflexion mérite attention.

Thermostat intelligent

Source d’information indépendante sur le sujet, le site ecohabitation.com présente une série de conseils et de recommandations concernant la maison intelligente.

Entre autres, vous y trouverez de l’information à jour traitant notamment des thermostats intelligents, moniteurs et autres gadgets connectés permettant de suivre l’évolution de sa consommation énergétique dans sa maison… et de la réduire. Des textes qui s’adressent aux entrepreneurs de la construction et aux consommateurs.

Vous y apprendrez que les thermostats intelligents permettent d’économiser entre 10 et 20 % des frais de chauffage, et près de 15 % des coûts de climatisation d’une habitation moyenne. Selon le thermostat choisi et l’emplacement de la maison, l’appareil peut se rentabiliser en moins de deux ans, estime l’organisme à but non lucratif qui vise à éliminer la surconsommation et le gaspillage d’énergie: la vocation principale d’une maison intelligente.

Ce qui le différencie du thermostat programmable ? Alors qu’il était très prometteur lors de son entrée sur le marché, le thermostat programmable n’est que très rarement… programmé, ce qui fait en sorte que les économies sont moindres qu’attendues, précise-t-on.

Aussi, en plus de faire économiser ses utilisateurs, certains thermostats intelligents peuvent même envoyer des alertes au propriétaire ou à l’occupant d’une habitation. Un signal qui est utile pour détecter des fuites de monoxyde de carbone ou de fumée, ainsi que des anomalies dans les systèmes et appareils de chauffage ou de climatisation.

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