Innovation

La construction est-elle prête pour le virage technologique ?

Association de la construction du Québec
Actualités de la construction

On le dit déjà depuis quelques années, le secteur de la construction du Québec devra entreprendre le virage numérique s’il veut rester compétitif. Portrait d’une industrie aux portes de la 4e révolution industrielle.

Le domaine de la construction des secteurs institutionnel-commercial et industriel (IC/I) au Québec représente plus de 12 % du PIB et regroupe plus de 17 000 entreprises. Toutefois, selon l’étude de McKinsey&Company Reinventing Construction : A Route to Higher Productivity publiée en 2017, le secteur de la construction se trouve à l’avant-dernier rang dans l’indice de numérisation, juste devant le domaine de l’agriculture.

Pourquoi ces entreprises tardent-elles à entreprendre le virage technologique ? Les raisons sont multiples : l’industrie de la construction québécoise a des caractéristiques particulières qu’on ne retrouve pas dans aucun autre secteur. La durée limitée des projets, les nombreux travailleurs et employeurs de spécialités différentes qui se succèdent tour à tour sur un chantier ou encore la quantité élevée de petites entreprises qui forment cette industrie (82 % des entreprises ont moins de cinq salariés) en font partie.

De plus, l’activité de construction peut varier considérablement en fonction des investissements ou des conditions climatiques.

article virage technologique

Qu’entend-on par virage technologique ?

Le virage technologique touche autant la procédure de travail dans l’entreprise que la production sur le chantier.

Que ce soit un logiciel de comptabilité, un système de gestion des stocks ou encore un système de gestion de la paie, il existe de nombreuses solutions pour économiser du temps et être plus efficace en entreprise.

Il existe même des logiciels qui permettent un accès en tout temps aux plans et devis. Ils permettent de les annoter et de partager en temps réel les documents annotés. Pour faciliter le processus de soumission, certains logiciels permettent également d’automatiser la gestion des invitations à soumissionner.

L’utilisation de téléphone intelligent ou de tablette sur les chantiers, connectés au serveur de l’entreprise permet également de gagner du temps.

Sur les chantiers, on voit de plus en plus l’utilisation de drones qui sont très efficaces pour la surveillance ou pour la collecte de données.

En conception et en construction, l’usage de la modélisation 3D et de la réalité virtuelle se démocratise. Ces outils sont très utiles dans le contexte de projets BIM qui impliquent la production, la gestion et le partage de données numériques.

Les robots font également leur entrée en scène dans l’univers de la construction. On retrouve aujourd’hui des robots poseurs de briques, des bras robotisés capables d’imprimer des ouvrages en trois dimensions. Les robots peuvent aussi servir à se promener dans des endroits inaccessibles pour les humains (voir plus bas). Les exosquelettes, auparavant utilisés surtout pour des personnes ayant des troubles de mobilité, apparaissent également sur les chantiers de construction. Ces derniers permettent entre autres d’accomplir des mouvements répétitifs sans fatigue ni blessure.

Planifier son investissement

Les investissements en TI n’ont de sens que s’ils produisent une plus-value pour l’organisation : plus de productivité, plus de qualité, plus de profit, plus de rapidité, etc. La question qu’il faut donc poser n’est pas combien investir en TIC, mais bien comment ? Ce sont les objectifs d’affaires qui doivent inspirer les choix technologiques et donner du sens aux projets de transformation numérique1.

Tout d’abord, il faut prendre le temps de décrire sa vision d’avenir (stratégie) et de prioriser les fonctions à optimiser. Il est essentiel de décrire le ou les besoins avec le plus de détails possibles afin de bien préparer l’appel d’offres et de cibler les fournisseurs. Lors de la rencontre avec les fournisseurs, il est important d’avoir en tête ses besoins et de ne pas se laisser influencer par des offres, bien qu’alléchantes, qui ne répondent pas à nos besoins réels.

Il est intéressant d’intégrer le personnel dans la démarche. En leur faisant valider les besoins et participer à la validation des soumissions des fournisseurs, les travailleurs seront plus ouverts aux changements et plus enclins à y adhérer puisque ceux-ci seront faits en ayant tenu compte de leurs suggestions. Il faut aussi penser au volet formation s’il est nécessaire et au support technique offert par le fournisseur.

ATTENTION !
VOICI 3 CONSEILS QUI POURRAIENT S’AVÉRER TRÈS UTILES :
1) Il ne faut pas faire un virage technologique dans un contexte d’urgence ni analyser les besoins en surface seulement.
2) Il ne faut pas compter non plus sur les fournisseurs pour obtenir des conseils pour choisir un système. Ces derniers auront tendance à vous proposer leurs solutions comme réponses à vos besoins.
3) Il faut éviter de favoriser des solutions technologiques « maison » en se disant que c’est moins dispendieux.

article virage technologique 2

Vers l’avenir

Plusieurs démarches ont été entamées, tant du côté du milieu de la construction que de celui du gouvernement du Québec afin d’aider l’industrie de la construction à prendre le virage technologique.

Ainsi, le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec a créé, en 2017, la Direction de la construction et de l’analyse sectorielle qui travaille main dans la main avec l’industrie afin de favoriser son développement numérique. L’ACQ ainsi que les représentants d’une trentaine d’associations, d’ordres professionnels et d’organismes publics liés au secteur québécois de la construction et de l’environnement bâti se sont mobilisés au cours des dernières années au sein de la Table multisectorielle BIM-PCI afin de bien cerner les besoins et les actions à entreprendre pour améliorer la performance de cette industrie.

Enfin, depuis le 9 janvier 2020, le programme Audit industrie 4.0 mis sur pied par le ministère de l’Économie et de l’Innovation vise à inciter le plus grand nombre d’entreprises québécoises possible à entreprendre le virage numérique. Les entreprises de tous les secteurs d’activité sont admissibles. Il est cependant obligatoire de réaliser l’Autodiagnostic numérique ADN 4.0 avant de déposer une demande d’aide financière dans le cadre du programme Audit industrie 4.0.

Aide financière dans le cadre du programme Audit industrie 4.0

L’aide financière prend la forme d’une contribution non remboursable.

Volet du programme Taux d’aide maximal Cumul des aides gouvernementales Montant de l’aide maximal
VOLET 1 – Réalisation d’un
diagnostic et d’un plan
numérique
80 % des dépenses admissibles 80 % des dépenses totales 20 000 $ pour la durée du programme
VOLET 2 – Plan de mise en
oeuvre (sélection des solutions
et planification de la gestion
du changement liées aux
projets numériques priorisés)
50 % des dépenses admissibles 80 % des dépenses totales 10 000 $ pour la durée du programme

Pour la réalisation de chaque volet du programme Audit industrie 4.0, l’aide financière est attribuée une seule fois pour toute la durée du programme.

Les demandes doivent être soumises en ligne sur clicSÉQUR– Entreprises : demande d’aide financière en ligne.

De plus, lors du dépôt de son budget le 10 mars dernier, le gouvernement du Québec a annoncé l’instauration de son programme C3i qui rend accessibles aux entreprises de construction des mesures fiscales qui étaient autrefois plus spécifiquement dédiées au secteur manufacturier. Le gouvernement permet ainsi aux entreprises de construction d’obtenir des crédits d’impôt à l’achat de matériel informatique et de progiciels de gestion, avec une aide pouvant atteindre 20 % des investissements admissibles. Les dépenses admissibles au C3i sont celles excédant 5 000 $.

L’industrie de la construction doit prendre le virage numérique si elle veut rester compétitive. Si les changements technologiques semblent inaccessibles pour plusieurs, il est possible d’y aller par étape. Changer les habitudes une à la fois, par exemple en modifiant les façons de faire les prises de données sur un chantier, pourra amener à appliquer d’autres changements et à en faciliter leur intégration. L’important, c’est que les besoins de l’entreprise soient au coeur de la démarche.

Quelques nouveautés sur le marché

fourgon gmc savana

FramR : un projecteur laser pour les plans de construction

Mechasys, une entreprise montréalaise qui regroupe une équipe d’ingénieurs entrepreneurs, a développé un projecteur laser qui projette les plans de construction à l’échelle réelle sur les chantiers de construction, et ce, avec une précision de 3 mm.

Avec ce système, les travailleurs n’ont plus besoin de tracer les plans à la main, ce qui permet de sauver du temps, d’améliorer la productivité, de diminuer les risques d’erreurs et de simplifier le processus de travail.

Durant la construction d’un bâtiment, le positionnement des matériaux est une tâche critique et complexe. Avant de procéder à l’installation des murs, de la plomberie, des fils électriques et autres, les travailleurs doivent visualiser l’environnement et tracer le plan architectural. Le nouveau produit, FramR, permet aux travailleurs de mettre en place leur plan de travail sur le chantier cinq fois plus rapidement, tout en diminuant les risques d’erreurs.

fourgon gmc savana

Le premier véritable exosquelette de chantier commercialisé en 2020

En 2020, la firme américaine Sarcos Robotics, une entreprise située à Salt Lake City, Utah, lancera sur le marché son exosquelette Guardian XO, un robot d’assistance articulé soulevant des charges de près de 100 kg, propice aux travaux de chantiers.

Après 20 ans de recherches et un investissement de 175 M$, des ingénieurs américains de la société Sarcos Robotics (experte dans l’industrie de la défense, fournisseur de l’US Army) ont conçu un nouveau modèle d’exosquelette, idéalement dédié au monde de la construction. Ce système robotisé portatif permet de diminuer par 20 l’effort physique de celui qui l’utilise, et de soulever ainsi que de déplacer aisément des charges de plus de 90 kg. Une véritable plus-value pour tous les opérateurs s’affairant sur les chantiers, qui leur offre de surcroît une protection contre des blessures et troubles musculaires répétitifs.

Disposant d’une autonomie de 8 h et de batteries remplaçables, l’exosquelette n’est entravé par aucun système d’alimentation le reliant à un câble. Il ne suffit que de 30 secondes à une minute pour se vêtir de cette « armure », pilotée instinctivement par son utilisateur grâce à des capteurs intégrés. La retirer ne demande ensuite guère plus de temps. Autre avantage, elle s’adapte à tous les terrains en raison de sa posture bipède et permet ainsi d’accéder à des espaces parfois difficiles d’accès dans lequel un engin d’élevage classique ne pourrait s’aventurer.

Encore en finalisation de développement, Guardian XO ne sera disponible sur le marché qu’à partir du deuxième semestre de l’année 2020. Sarcos Robotics a déjà indiqué que sa première formule d’acquisition prendrait tout d’abord la forme d’une location de l’exosquelette.

Voir aussi l’article sur le vêtement intelligent publié le 28 janvier 2019 sur ACQConstruire.

1 B. Aubert (HEC Montréal), A.-M. Croteau (John Molson Business School, Concordia), V. Hooper (Victoria
University of Wellington), L. Da Silva (HEC Montréal).

Cet article a été écrit en collaboration avec Joseph Faye, directeur des Services corporatifs de l’ACQ.