Traditionnellement, le domaine de la construction accuse un retard en matière d’utilisation des technologies. Cependant, plusieurs entreprises du domaine ont décidé de prendre le pas et d’amorcer ce changement en leurs rangs. Voici trois exemples inspirants !
1) LFG Construction : mieux communiquer
Les communications prennent de plus en plus d’importance dans nos sociétés. Et le domaine de la construction ne fait pas exception à la règle. « Nous avons de plus en plus de documents, de formules, de contrôles et de nouvelles responsabilités s’ajoutent avec le temps. Ce qu’on faisait avant avec un chargé de projet et un contremaître demande maintenant l’aide d’une adjointe », illustre Benoit Dubé, directeur bâtiment chez LFG Construction.
La technologie permet à cet entrepreneur général présent dans l’est du Québec d’être plus efficace pour gérer ce flot. « Depuis trois ou quatre ans, il y a eu une explosion de logiciels pour faciliter les suivis de production spécialisés dans le domaine de la construction », observe-t-il. L’entreprise a donc testé, à l’aide de projets pilotes, plusieurs de ces nouveautés. Une façon de cerner ses besoins tout en limitant les coûts inutiles. « Nous faisons des sondages anonymes à la suite de chaque essai et les travailleurs sont très honnêtes, dit-il. On sait rapidement si ça fonctionne ou non. »
À la suite de ces tests, l’entreprise est passée à des plans informatisés, disponibles sur le nuage (le cloud). Depuis, tous les intervenants peuvent y accéder sans manipuler des documents lourds. Cela permet aussi d’éviter la circulation de plusieurs versions, au risque de créer la confusion. « Maintenant, quand il y a une modification, je peux la faire à partir de mon bureau, ajoute Benoit Dubé, et les changements s’effectuent en temps réel. Et je n’ai plus à imprimer le nouveau en cinq copies, comme c’était le cas avant », souligne-t-il.
Autre avantage : les contremaîtres n’ont plus besoin de se déplacer dans la roulotte ou de traîner les plans sous le bras pour s’y référer. Il leur suffit d’ouvrir leur téléphone et de zoomer sur la partie qui les intéresse. « Certaines applications permettent aussi de programmer des rappels automatiques, par exemple si on pose une question à un professionnel et qu’on n’a pas de réponse après un certain temps, détaille Benoit Dubé. C’est pratique parce qu’autrement, c’est facile d’oublier. »
Des rapports simplifiés
Chez LFG Construction, les rapports journaliers des contremaîtres sont aussi rédigés grâce à une application spécialement conçue à cet effet. « Ces documents, c’est un peu la bible de ce qui s’est passé pendant le projet, explique le directeur. Avant, ils les écrivaient sur Word ou même à la main. Maintenant, ils peuvent prendre des notes sur leur téléphone et ajouter des photos. » Connectée, cette application relève même les conditions météorologiques locales plusieurs fois par jour.
Bref, plus besoin de retourner dans la roulotte pour consigner ce qui s’est passé dans la journée, puisque l’outil est accessible sur mobile. « Souvent dans une même semaine, les journées se ressemblent. On peut donc copier-coller le rapport de la veille et faire seulement les quelques modifications nécessaires. Cela permet de gagner beaucoup de temps », note Benoit Dubé. La technologie favorise aussi le partage d’informations, alors que certains chantiers se trouvent à 300 km du siège social de l’entreprise, ajoute-t-il. « Même si ce n’était pas fréquent, certains contremaîtres remplissaient encore leurs rapports à la main. Cela prenait plusieurs jours pour que les chargés de projet les reçoivent. C’est sûr que c’était plus facile avec l’Internet, mais n’empêche qu’il fallait trouver d’autres façons de transmettre l’information. »
L’art de (bien) choisir
Benoit Dubé a pu tirer quelques conclusions de différents essais sur le terrain. « Les outils technologiques sont beaucoup plus faciles à implanter quand ils ne nécessitent pas d’interactions avec les autres, que cela ne touche que notre entreprise, note-t-il. Ça se comprend, puisque les sous-traitants n’ont pas nécessairement les moyens financiers d’acheter le même logiciel ou le temps d’apprendre comment il fonctionne. »
Les coûts parfois très élevés, ainsi que la multitude de solutions disponibles sur le marché freinent aussi cette adoption, selon lui. En effet, si le professionnel avec qui vous collaborez n’utilise pas les mêmes logiciels que vous, il se peut qu’ils ne puissent se parler. De plus, développer sa propre solution est aussi un pensez-ybien. Il faut vérifier que ces différentes plateformes pourront communiquer entre elles.
Toutefois, l’innovation permet à LFG Construction d’améliorer ses façons de faire et d’être plus efficient. « En utilisant un logiciel, une application, tout le monde est au même diapason. On assure ainsi d’avoir une standardisation des processus. Au final, cela nous permet d’offrir une meilleure qualité d’ouvrage et de suivi de dossier », résume le directeur.
« En utilisant un logiciel, une application, tout le monde est au même diapason. On assure ainsi d’avoir une standardisation des processus. Au final, cela nous permet d’offrir une meilleure qualité d’ouvrage et de suivi de dossier. »
Benoît Dubé, directeur bâtiment, LFG Construction
© LFG Construction
2) ORAM Mécanique du bâtiment – Nouvelle génération, nouveaux outils
C’est avec l’arrivée d’une nouvelle génération à la direction de l’entreprise qu’ORAM Mécanique du bâtiment a pris un virage technologique. Une façon pour cette entreprise de Mirabel fondée en 1970 de se démarquer de la concurrence, souligne Stéphanie Savard, CRHA, vice-présidente des opérations. « Marie-Claude Allaire et Olivier Mongrain, les deux coprésidents, ont toujours eu une vision basée sur l’excellence. Comme nous étions aussi dans une période de forte croissance, la technologie nous a permis de continuer à grandir tout en maintenant la qualité. »
Pour maintenir le cap, cette entreprise qui se spécialise dans les projets de tours résidentielles a repensé ses façons de faire, relate la CRHA. « Au lieu d’exécuter simplement les plans d’ingénierie, on revoit entièrement les plans avec notre équipe de dessinateurs. On peut ainsi optimiser les chemins de tuyauterie pour avoir une valeur ajoutée, en nous assurant entre autres qu’ils sont les plus courts possibles », explique-t-elle.
Cette planification limite aussi le risque de mauvaises surprises en chantier, fait valoir Stéphanie Savard. « Quand le contremaître arrive, il n’a pas besoin d’éteindre de feu parce qu’il n’avait pas prévu que la ventilation passerait à cet endroit, par exemple, car tout est pensé au niveau de la mécanique du bâtiment. Le contremaître de chantier va pouvoir se consacrer à des tâches comme la communication avec ses clients, la planification des tâches avec ses équipes, la gestion des stocks et des matériaux. Il peut donc optimiser son travail. » Cela permet aussi d’économiser des coûts de main-d’œuvre ou de matériaux, puisque chacun d’eux est détaillé à l’avance.
Équipe de chantier – © ORAM Mécanique du bâtiment
Gérer du bout des doigts
Tout est planifié avec une telle précision qu’il est possible de couler des dalles de béton ayant déjà les dispositifs nécessaires pour laisser passer la tuyauterie. L’équipe de développement des technologies chez ORAM Mécanique du bâtiment a aussi conçu une application permettant de prévoir automatiquement tous les matériaux nécessaires à un projet. « Nous pouvons faire une extraction des données et préparer une commande initiale par étage, plutôt que de tout calculer à la main », explique la vice-présidente. Ces commandes sont envoyées directement aux fabricants deux à trois mois à l’avance, ce qui est très utile pour déjouer les problèmes d’approvisionnement, et livrées au chantier à la date prévue à l’horaire, ajoute-t-elle.
Les gestionnaires sont donc équipés de iPads avec lesquels ils peuvent gérer du bout des doigts les stocks, mais aussi d’autres paramètres, comme les horaires des travailleurs. Des outils essentiels pour que l’entreprise, qui est passée de 120 à 300 employés entre 2019 et 2022, puisse maintenir sa croissance, note la vice-présidente. « Quand on était plus petit, c’était encore possible d’appeler les fournisseurs un à un, de remplir des feuilles de temps sur papier, mais on n’aurait pas pu rester comme cela et avoir l’envergure qu’on a maintenant. »
Le défi de l’intégration
L’intégration de ces nouvelles technologies demande non seulement un certain investissement financier, mais il faut aussi former chaque gestionnaire à ces outils. Un défi quand il faut embaucher de nouvelles recrues, note Stéphanie Savard. Encore aujourd’hui, l’entreprise compte sur l’aide de coachs à l’interne qui les accompagnent sur le terrain toutes les deux semaines et qui proposent des formations personnalisées. « Cela nous permet de vérifier que les processus que nous avons mis en place sont respectés, dit Stéphanie Savard. Car le défi, c’est de s’assurer que nous n’avons pas mis tout cela en place en vain ! »
L’équipe d’ORAM n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, alors que le service des technologies fait une veille constante pour s’assurer que les différentes solutions sont à jour et répondent aux besoins de l’entreprise. On teste aussi l’utilisation de plans en trois dimensions et la préfabrication, avec l’arrivée de machines automatisées de coupe.
Déjà, les résultats sont concluants, puisque ces investissements permettent d’uniformiser les pratiques et d’éviter les extras, soutient Stéphanie Savard. « Le fait de savoir que les travailleurs seront accompagnés pour développer leurs compétences, qu’ils auront une tablette, qu’on s’occupe d’eux avec de petites attentions, par exemple en apportant un café, ça favorise aussi l’engagement et la rétention des employés. » Un avantage à ne pas négliger en contexte de pénurie de main-d’œuvre !
« Quand le contremaître arrive, il n’a pas besoin d’éteindre de feu, car tout est planifié d’avance. Il va pouvoir se consacrer à des tâches comme la communication avec ses clients, la planification des tâches avec ses équipes, la gestion des stocks et des matériaux. Il peut donc optimiser son travail. »
Stéphanie Savard, CRHA, vice-présidente des opérations, ORAM Mécanique du bâtiment
© ORAM Mécanique du bâtiment
3) Groupe Symaco : quand technologie et flexibilité vont de pair
C’est entre autres pour faciliter le travail à distance — et la conciliation travail-famille — que le Groupe Symaco a décidé de migrer l’essentiel des informations de l’entreprise sur le nuage, explique Alexandre Pelletier. Depuis peu directeur général, il a commencé dans l’organisation comme chargé de projet. « On avait vu venir cet enjeu avant la pandémie, si bien que 48 heures avant le premier confinement, on était prêts. »
Aujourd’hui, les employés peuvent se brancher sur le réseau de l’organisation à partir du bureau, mais aussi de leur maison ou de leur chalet. De plus, les données du Groupe Symaco, comme celles de l’estimation, du chantier ou de la comptabilité, sont connectées dans un même système. Ce qui réduit les risques d’erreurs, en plus de limiter les tâches inutiles, fait valoir le directeur général.
« L’exemple que je donne toujours, c’est celui des bons de commande. Avant, quand il y avait un changement, il fallait entrer le numéro sept fois ! » Cette intégration permet donc d’avoir une vue d’ensemble sur les activités, d’analyser la situation et d’optimiser les processus.
Hôpital Saint-François d’Assise-CHU Québec © Groupe Symaco
Mise à jour en temps réel
Ce faisant, le Groupe Symaco a aussi amélioré l’accessibilité des données sur le terrain, une autre motivation pour Alexandre Pelletier. « Les chantiers vont extrêmement vite et sont constamment arrêtés pour prendre des décisions. En se maintenant toujours à jour, on voulait s’assurer de ne jamais être le facteur de ralentissement d’un projet. Notre structure cloud nous permet de partager autant les échéanciers que les plans et devis, les listes de contacts, les fiches techniques ou les listes de déficiences », souligne-t-il.
En effet, la mise en commun de ces données est cruciale pour le Groupe Symaco qui joue le rôle d’entrepreneur général pour des projets publics comme des hôpitaux ou des écoles dans la région de Québec, en plus d’avoir un volet spécialisé, explique-t-il. « Grâce à une nomenclature précise et standardisée, les gestionnaires ont accès à toute l’information, en temps réel, directement sur leur iPad. Ces dossiers sont aussi partagés avec les sous-traitants et les fournisseurs. »
Ainsi, s’il faut modifier la hauteur d’un plafond, tous les corps de métiers concernés peuvent se référer au plan et ajuster leurs interventions en conséquence, donne-t-il en exemple. « Si on construit une salle de bain, 17 corps de métiers se succèdent. L’utilisation du cloud permet de faciliter la coordination de ces étapes. » En plus d’améliorer les communications, ces outils augmentent la vitesse d’exécution et permettent de partager rapidement – et de faire approuver – ses solutions par les professionnels responsables du projet.
Le Groupe Symaco s’est aussi doté d’une flotte d’outils sans fil, en plus d’investir pour augmenter la sécurité sur les chantiers. « Nous avons maintenant deux chariots élévateurs télescopiques munis de capteurs analysant en continu les charges, détaille le directeur général. Quand ils décèlent un danger, ils s’arrêtent complètement jusqu’à ce que le conducteur s’ajuste. » L’entreprise a également développé une application pour partager ses équipements spécialisés, poursuit le directeur général. « Si quelqu’un a besoin d’un outil particulier, il peut tout simplement le réserver. Cela nous permet non seulement de maximiser leur emploi, mais aussi d’analyser leur utilisation. »
Si l’innovation apporte des avantages certains, tant pour l’optimisation des processus que pour la rétention de la main-d’oeuvre, Alexandre Pelletier estime toutefois que la prudence est de mise. « Je préfère être en deuxième position, plutôt que le premier. Car plusieurs technologies semblent prometteuses, mais ne durent pas. » Il est donc facile d’engouffrer des sommes colossales dans ces changements en vain. D’où l’importance d’avancer à petits pas et de bien cibler ses besoins.
« Notre structure cloud nous permet de partager autant les échéanciers que les plans et devis, les listes de contacts, les fiches techniques ou les listes de déficiences. »
Alexandre Pelletier, directeur général, Groupe Symaco
© Audet Photo