Réclamation à vos assureurs responsabilité en cas de poursuite judiciaire : bonne décision ?

Réclamation à vos assureurs responsabilité en cas de poursuite judiciaire : bonne décision ?
Sara Eddhima-Auclair, avocate, Bélanger Paradis avocats
Sara Eddhima-Auclair, avocate, Bélanger Paradis avocats
Chroniqueur Juridique

L’idée qu’il faut à tout prix éviter de faire une réclamation à nos assureurs sous prétexte que notre prime d’assurance va augmenter est un mythe tenace qu’il serait payant de déconstruire.

Lorsqu’un entrepreneur est poursuivi par un ancien client pour des prétendues déficiences, vices de construction ou malfaçons, il a généralement tout avantage à contacter rapidement son assureur.

Faut-il éviter à tout prix de faire une réclamation à nos assureurs sous prétexte que notre prime d’assurance va augmenter ?

La réponse est non, car vous pourriez ainsi économiser des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars.

Obligation de défendre

La simple possibilité que la poursuite intentée contre l’entrepreneur relève de sa police d’assurance entraîne l’obligation pour l’assureur de « prendre fait et cause » pour son assuré et d’assumer tous les frais de sa défense.1 En d’autres mots, si vous êtes couverts, l’assureur payera les frais d’avocats et les frais d’expertise qui découlent de la poursuite contre vous.

Si une partie de la réclamation intentée contre l’entrepreneur ne relève clairement pas de la couverture d’assurance, l’assureur aura tout de même l’obligation de défendre l’entrepreneur pour les aspects couverts. Dans ce cas, l’entrepreneur pourrait donc être défendu à la fois par un avocat qu’il aura mandaté lui-même et un avocat mandaté par l’assureur. Il se pourrait aussi que plusieurs assureurs se partagent les frais de la défense de l’entrepreneur, s’il était couvert par plusieurs polices pour la période pertinente.

S’il existe des zones grises dans les clauses d’exclusion prévues à la police d’assurance et qu’il est impossible, à un stade préliminaire, de déterminer si la réclamation est couverte, l’assureur aura tout de même l’obligation de vous défendre.2

Lorsque l’assureur refuse injustement d’assumer son obligation, son assuré peut s’adresser au Tribunal afin de l’obliger à « prendre fait et cause ».

Il faut bien comprendre que l’obligation de défendre a une portée plus large que l’obligation d’indemniser.3

Or, un règlement entré en vigueur en 20214 permet maintenant à l’assureur de déroger à son obligation de défendre envers certaines catégories d’assurés.

Heureusement, l’industrie de la construction résidentielle n’a pas été trop touchée par ce nouveau règlement.

À moins de rares exceptions5, votre assureur a encore l’obligation d’assumer votre défense en cas de poursuite dirigée contre vous, alors profitez-en et faites une réclamation.

1 Article 2503 du Code civil du Québec RLRQ, c. C-1991 ; Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard,
2010 CSC 33; Ledcor Construction Ltd. c. Société d’indemnisation d’assurance Northbridge, 2016 CSC 37.
2 Geodex inc. c. Zurich, Compagnie d’assurance du Canada, 2006 QCCA 558 ; Monenco Ltd. c. Commonwealth Insurance Co. , [2001] 2 R.C.S. 699; Rioux c. Constructions Marc Beaulieu inc. 2021 QCCS 5211.
3 Nichols c. American Home Assurance Co, [1990] 1 R.C.S. 801.
4 Règlement sur les catégories de contrats d’assurance et d’assurés pouvant déroger aux règles des articles 2500 et 2503 du Code civil du Québec RLRQ, c. C-1991.
5 Par exemple, être une grande entreprise au sens de la Loi sur la taxe de vente, une société cotée en bourse ou une entreprise étrangère ET d’avoir souscrit à un ou des contrats d’assurance offrant une couverture totale égale ou supérieure à 5 000 000 $, voir l’article 2 du Règlement sur les catégories de contrats d’assurance et d’assurés pouvant déroger aux règles des articles 2500 et
2503 du Code civil du Québec RLRQ, c. C-1991.

Inscrivez-vous à notre infolettre

Pour toujours être informé sur les actualités de la construction